Que reste-t-il des avocats ?

Maher Attyé, avocat au barreau de Toulouse.

Par Maher Attyé, avocat au barreau de Toulouse

L’avocat est un soldat de notre démocratie. Il est au front et endure en première ligne les soubresauts de notre état de droit exacerbés par cette crise sanitaire.

Seulement, aujourd’hui, l’avocat n’est plus protégé par celui dont il garantit jusqu’à l’existence.

Il n’est plus respecté dans son rôle clé qu’il joue pour l’œuvre de justice, il n’est plus considéré par ceux qu’il défend.

Avec le séisme provoqué par le coronavirus, plus d’un quart des avocats de France songe à raccrocher la robe. Ces « victimes » de la crise viennent s’ajouter au tiers des avocats qui quittent la profession d’eux-mêmes, déçus par ses promesses, au bout de dix ans d’exercice.

Après cette crise sans précédent que restera-t-il des avocats ? Ou plutôt qui restera-t-il ?

Les avocats, comme les autres prestataires de services ne sont pas épargnés par les répercussions économiques de cette crise historique. Néanmoins, leurs structures d’exercice répondent à des logiques particulières héritées des usages d’une profession qui a conservé son identité mais sans avoir muté dans ses modes d’exercice.

De fait, la plupart des mesures d’accompagnement mises en place par l’État ne sont pas directement applicables aux cabinets d’avocats. Les cabinets assistés, pour le plus grand nombre, par des collaborateurs libéraux ne peuvent avoir recours au chômage partiel. Ils ne peuvent pas plus moduler leurs charges, constituées pour la majorité de charges fixes importantes (loyers, équipements, rétrocessions d’honoraires…). Au prix d’une négociation importante, les collaborateurs libéraux ont pu bénéficier in extremis des indemnités journalières forfaitaires de sécurité sociale (IJSS) pour garde d’enfants, droit qui leur était jusque-là refusé.

La seule charge sur laquelle peser ? Diminuer leurs rémunérations de manière drastique. Plus de 50 % des avocats ont divisé par deux leurs revenus durant le confinement. Cette mesure d’austérité ne peut constituer une alternative pérenne.

Les avocats doivent donc repenser leur modèle économique. Ils doivent élargir leurs actions et leurs champs d’intervention. Ils doivent retrouver un mode d’exercice en accord avec les besoins des justiciables et construire d’avantage le lien social.

Les avocats doivent retrouver leur place dans la Cité. À travers leurs représentants, ils doivent s’emparer de l’espace numérique et répondre au besoin croissant d’information des justiciables sur internet. Ils doivent également et légitimement retrouver une place entière dans le processus judiciaire.

Les avocats, parce qu’ils sont le socle d’une démocratie, les garants d’un secret professionnel absolu, et l’incarnation d’un droit universel de la défense, ne disparaîtront pas.

Ils s’adapteront à ces nouveaux enjeux en se réinventant comme ils ont su le faire par le passé.

La profession ne sera plus semblable à ce qu’elle a été mais conservera toute son identité.
L’avocat est avant tout un auxiliaire de justice et le professionnel général du droit, il saura tirer toutes les conséquences de cette mutation sociale que nous vivons.

Sans se renier ou trahir sa tradition de justice et sa déontologie qui fait de lui ce qu’il est, l’avocat demeurera aux services de l’autre. Gageons que naîtra de cette épreuve que les avocats endurent, aux côtés de tous les autres professionnels libéraux, des synergies au profit d’un nouveau mode d’appréhension de la justice et du conseil juridique.

Candidat au bâtonnat

Avocat au Barreau de Toulouse et fils d’expatriés, Maher Attyé est né et a grandi au Sénégal. Ancien premier secrétaire de la Conférence, et membre du conseil de l’Ordre, il demeure toujours impliqué aux services de ses confrères en qualité de référent des structures d’exercice professionnelles et administrateur de la Carpa. Intervenant au sein du cabinet Altegis aux côtés de trois collaborateurs, il est spécialisé en droit des sociétés et intervient particulièrement sur les montages de restructuration de groupe de sociétés. Adepte du renouveau de la profession qu’il incarne, il est candidat aux élections du bâtonnier qui auront lieu les 23 et 25 juin prochains.