« Quatre ans de croissance perdus pour l’Europe »

Mercredi 28 avril, Bruno Duchesne animait sa dernière assemblée générale en tant que directeur général de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté. Ayant fait valoir ses droits à la rentraite après neuf années passées à la direction de la banque, il est remplacé depuis le 1er mai par Jean-Paul Julia.

Après neuf ans passés à la direction générale de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté, Bruno Duchesne annonçait son départ à la retraite lors de la traditionnelle conférence de presse annuelle pour présenter les chiffres de cette dernière, précédant l’assemblée générale de la banque. Des résultats, qui cette année, sont très corrélés à la situation mondiale en lien avec la crise de la Covid-19.

Comme à son habitude, pour présenter le rapport annuel de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté, son directeur général sortant Bruno Duchesne a d’abord souhaité dresser un portrait robot de la situation mondiale et national, indiquant que c’était l’une des premières fois où les résultats de la banque régionale étaient aussi intimement liés à la situation économique internationale. « Ce que l’on peut dire un an après le début de cette crise, c’est qu’il y a aujourd’hui un grand gagnant et plusieurs grands perdants. La Chine sort ainsi du lot comme étant la seule zone au monde dont la richesse actuelle est plus grande qu’avant la crise. Elle est même 5 % plus élevée que l’année dernière », explique Bruno Duchesne. À l’inverse des pays comme l’Italie et la France voient leur croissance toujours en berne, alors que l’Angleterre et plus timidement l’Allemagne repartent à la hausse (voir graphique ci-dessous). Autre constat, la crise correspond à un an de croissance perdu à l’échelle du monde. « Les États-Unis mettront deux ans pour retrouver leur niveau de croissance d’avant la crise quand l’Europe mettra elle au moins quatre ans pour s’en remettre. Un écart qui se creuse notamment en raison d’une politique vaccinale plus dynamique Outre-Atlantique, notamment depuis l’élection de Joe Biden. Elle est ainsi trois à 3,5 fois plus élevée qu’en France ». Autre indice du retard pris par la zone Euro par rapport aux États-Unis : l’indice des directeurs d’achat. Exprimé en pourcentage, il prend en compte les prises de commandes, la production, l’emploi, les livraisons et les stocks du secteur manufacturier d’un pays. Il s’agit d’un indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat. Une valeur inférieure à 50 % indique une contraction de l’activité d’un secteur, alors qu’une valeur supérieure à 50 % indique une expansion de celui-ci. Aux États-Unis, mi-février, il frôlait les 60 %, alors qu’en Europe, à la même période, il était en dessous de 50 %. « En Amérique la relance est poussée par la demande et un plan Biden de 1.900 milliards de dollars (1.577 milliards d’euros) versés directement aux ménages. Une subvention que l’on pourrait qualifier de “monnaie hélicoptère”». Au risque de faire naître un phénomène hyper-inflationniste ? interroge Bruno Duchesne. « Si l’on s’en réfère à l’équation monétariste MV=PT où M = stock de monnaie en circulation, P = niveau des prix, V = vitesse de circulation de la monnaie et T = volume des transactions, la réponse devrait être oui. En effet, on déduit de cette formule que toute variation de la quantité de monnaie en circulation dans l’économie implique une variation proportionnelle du niveau général des prix et donc que quand les autorités monétaires, comme c’est le cas aujourd’hui décident d’augmenter la masse la masse monétaire cela se traduit par de l’inflation. Hors en Europe, ce n’est pas le cas pour deux raisons principales. Il y a d’abord la dette publique des États qui est totalement hors de contrôle. En France, elle pourrait atteindre cette année plus de 122 % du produit intérieur brut (PIB), avec une augmentation de 20 % en un an. En Italie, elle passe de 135 à 155 % du PIB entre 2020 et 2021 et en Allemagne, de 60 à 70 % du PIB. Ce delta est de +15 % pour l’ensemble de la zone Euro. Un retour de l’inflation serait corrélé à une augmentation proportionnelle des taux d’intérêt. Ce qui dans les conditions actuelles, où les prêts sont à zéro voire à taux négatif, conduirait à la faillite des États, affirme le banquier. Le second élément qui nous éloigne du spectre inflationniste c’est cet enchaînement qui lie habituellement l’inflation à une hausse des salaires. Hors, la situation de l’emploi et les niveaux de chômage relativement élevés nous éloignent de ce scénario et sont autant de forces de rappel confirmant un maintien durable des taux bas par les banques centrales. Il y a dix les taux long se négociaient à 3,7 % aujourd’hui ils sont à -0,199 % ».

UN BILAN EN FORTE AUGMENTATION

Une situation atypique qui trouve une tradition directe dans les résultats annuel de la BPBFC avec un bilan en forte augmentation de trois milliards d’euros en an. « Pour bien prendre le pouls de cette croissance, il faut comprendre que sur 100 ans d’existence la BPBFC affiche un total de passif de bilan de 20,3 milliards d’euros dont trois milliards sur le dernier exercice, lance Bruno Duchesne. Cela s’explique par une forte augmentation des ressources clientèles (12,4 milliards d’euros, voir graphique ci-dessous). Les ménages et même les entreprises ont peu consommé et ont laissé de l’argent sur leur comptes courants. Un phénomène qui laisse espérer une reprise avec un choc de demande puissant. Paradoxalement et contre-intuitivement ces mêmes ménages ont continué à s’endetter. Les encours de crédits clientèles augmentent de manière encore plus significative (15,1 milliards d’euros). Devant la rentabilité nulle de l’épargne classique sans risque, les ménages ont choisi de se reporter sur l’investissement immobilier à la rentabilité supérieure, profitant en cela des taux d’emprunts très bas. Cela ayant pour conséquence directe une envolée des prix de l’immobilier, qui ne devrait pas s’amenuiser au vu notamment de la baisse de 25 à 35 % des mises en chantier (liée à la crise sanitaire), réduisant d’autant l’offre de logements disponibles. Ces phénomènes font craindre pour l’avenir un double risque de bulle immobilière si les taux venaient à augmenter et de bulle boursière (les bourses étant également actuellement à leur plus hauts niveau) au moment de la relance si celle-ci n’est pas assez rapide ». Le produit net bancaire (PNB) de la BPBFC est en hausse de 1,1 % en 2020 par rapport à 2019, avec un résultat net (72,1 millions d’euros) qui baisse relativement peu (-11,5 %), compte tenu d’un coût du risque fixé à 62,8 millions d’euros en augmentation de 82,8 % par rapport à 2019, une politique d’investissements toujours active et l’embauche de 210 nouveaux collaborateurs en 2020 (plus de 50 alternants par an). « Même si nous n’avons pas vu de risque réel lié à la crise pour le moment, nous avons constitué un modèle afin d’anticiper ce que cette dernière pourrait nous coûter : ce qui nous a conduit à dégager une ligne de 26 millions de dotation prévisionnelle », précise Bruno Duchesne. Derniers indicateurs de la bonne santé de la BPBFC : les ratios de liquidité et de solvabilité, très largement respectés par la banque par rapport aux requis de la loi. « Le ratio de liquidité fixé à 100 %, c’est à dire que notre banque doit être en capacité de disposer d’un milliard d’euros immédiatement disponible, hors nous affichons un ratio de 167 %. Pour la solvabilité le ratio requis est de 10,5 %, avec 23,2 %, nous sommes là encore largement au dessus ».

Les axes forts pour 2021 à la BPBFC

Renforcer l’accompagnement du besoin globale : être présent dans tous les moments de vie des clients aussi bien au niveau personnel que professionnel.

Développer davantage les ingénieries. Avec BFC Croissance et Innovation, un fonds d’investissement dôté de 15 millions d’euros. Fondée en 2007, il a pour vocation d’accompagner les PME de Bourgogne Franche-Comté et des pays de l’Ain, en leur apportant les fonds propres nécessaires à leurs projets de développement ou de réorganisation capitalistique. BFC Croissance mène une stratégie d’investissement sans spécialisation sectorielle au sein de sociétés non cotées implantées sur le territoire. « Nous visons des entreprises de quatre à cinq millions d’euros qui n’intéressent pas les grandes groupes parisiens, précise Bruno Duchesne. Nos métiers : le capital risque/amorçage, la transmission/reprise d’entreprise et le capital développement. Notre ambition pour 2021 est d’investir et de monter en puissance également sur le secteur des institutionnels, où nous sommes peu présents actuellement, avec la mise en place, en direction des collectivités locales de tailles importantes, d’une ingénierie spécifique en partenariat avec le Crédit Foncier ».

Avec BFC accompagnement qui accompagne les entreprises de la région en procédure de redressement judiciaire ou de sauvegarde. Là encore, il s’agit pour la banque de capter de nouvelles entreprises en procédure collective pour leur proposer son expertise personnalisée et sa gamme de solutions appropriées.

Ce graphique montre la reprise significative de la Chine post Covid, bien avant le reste du monde, ainsi que le retard important pris par la France.

Ce graphique rend compte de la bonne santé de la BPBFC.