Quand le local concurrence la grande distribution

Dans un village de 500 habitants, “Le comptoir de Raphaël” réconcilie économie et production régionale.

Si le locavore a eu la cote pendant le confinement, Séverine Gauthier et André Sediki, propriétaires du Comptoir de Raphaël – du nom de leur fils -, à Saint-Jean aux Amognes (500 âmes à 17 kilomètres de Nevers) n’ont pas attendu d’y être obligés pour faire la promotion des produits régionaux. Pour cet importateur qui travaille pour la restauration, la Nièvre est un nouvel Éden ; pour Séverine Gauthier, en revanche, un retour aux sources : « Mon grand-père était cafetier-épicier à Billy-Chevannes, près d’ici, et la ferme appartenait à mon père ». Une génétique agricole et commerciale rurale qui a séduit le couple : « J’étais installé à Rungis, mais Rungis n’est plus ce que c’était. J’entendais toujours Séverine rêver de la réhabilitation de cette ferme. Puis je m’y suis toujours senti chez moi », explique André. En 2016, c’est chose faite. La ferme rachetée à la famille, plusieurs mois de travaux gigantesques dans le respect de l’histoire des bâtiments et l’épicerie ouvre ses portes.

DES PRIX FIXÉS PAR LES PRODUCTEURS

Aujourd’hui, ce magasin rural propose 1.400 références de produits régionaux dont 60 % issus de Bourgogne avec une condition non-négociable : « Si les producteurs placent leur produit dans un supermarché, nous ne les vendons plus ». L’innovation demeure sans doute dans l’expérience professionnelle d’André : « Pour tous les produits que nous ache- tons, ce sont les producteurs qui fixent le prix d’achat ». Sur les rayons, les mêmes produits vins, terrines, poissons sels de multiples pays, foies gras, huiles, café, farines, filets panés, et une collection de thés impressionnante sont vendus meilleur marché que dans la grande distribution. Autre démonstration que l’économie n’est pas incompatible avec le local, Séverine et André ont travaillé pendant le confinement avec le restaurant du village pour préparer et mettre à disposition des repas à base de produits locaux. Un « drive rural » qui illustre que le local peut parfaitement s’adapter aux contraintes économiques actuelles. Alors, le locavore, durera ou durera pas ? Si André et Séverine, ont constaté que « les clients sont retournés en hâte dans les supermarchés », le comptoir de Raphaël démontre malgré tout que le gagnant-gagnant entre producteurs et commerçants est possible, même dans les lieux les plus inattendus.