Quand la crise booste les start-up

Depuis la crise sanitaire, la start-up icaunaise, Géochanvre, a acquis le statut de petite industrie grâce à sa toile de chanvre biocompostable, utilisée dans la fabrication de masques.

Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. Si la crise de la Covid-19 aura été une épreuve pour nombre d’entreprises, elle aura aussi permis de mettre en lumière la capacité d’innovation de certaines PME/PMI françaises. Parmi elles, la société Géochanvre à Lézinnes, dans le Tonnerrois, fondée en 2014 par l’agronome et ingénieur écologue Frédéric Roure, inventeur en 2017 après trois ans de recherche et deux millions d’euros d’investissement de la toile de chanvre non tissée. Une innovation mondiale Made in Yonne qui, dans le contexte de crise sanitaire a permis à la petite start-up d’acquérir le statut de PMI. Propriétaire du brevet inter- national de fabrication, Géochanvre est aujourd’hui la seule entreprise au monde à proposer cette toile fabriquée par hydroliage – projection d’eau sur la fibre qui exclut tout produit chimique – et donc 100% biocompostable.

En moins d’un an, la société spécialisée dans la fabrication de paillage en toile de chanvre – seule toile de paillage certifiée Ecocert – est passée de huit salariés à 20 et de 800.000 euros de chiffre d’affaires à deux millions d’euros lorsqu’elle s’est lancée dans la fabrication de masques.

JUSQU’À 120.000 UNITÉS PAR SEMAINE !

Après un investissement de 500.000 euros dans l’achat de machine à découpe laser – elles seront réutilisables pour d’autres usages : cabas, sacs, toiles de maraîchage -, Géochanvre se lance dès le mois de mars 2020 dans la fabrication de masques, pour enfants puis pour adultes, immédiatement normés USC2 puis USC1 en août 2020, capables d’assurer une filtration à 98% : « Aujourd’hui nous fabriquons 2.500 masques par semaine mais au plus fort de la crise, nous avons atteint 120.000 unités par semaine », rappelle Gérald Bayette, directeur commercial. Un an plus tard, 1,7 million d’unités ont été vendues.

Preuve du dynamisme de l’entreprise, Yves Jego, fondateur de la marque Origine France Garantie – seule marque à certifier la traçabilité des produits 100 % français – s’est rendu dans les locaux de Géochanvre : « Nous n’utilisons que du chanvre issu de l’agriculture locale, dans un rayon de moins de 100 kilomètres. Beaucoup de commerces pensent agir pour l’environnement en proposant des sacs de jute importés d’Inde. Il n’y a pas de cohérence à importer la matière première. De plus, le chanvre a une action bénéfique sur les sols : il aère les sols, favorise la biodiversité, et enrichit le sol pour les cultures qui vont suivre, détaille Gérald Bayette. Notre eau est en circuit fermé grâce au canal et le montage est effectué dans des ESAT, notamment du côté de Dijon ».

DES MASQUES… ET APRÈS ?

Si la crise de la Covid-19 a donc boosté l’imagination des PMI et le chiffre d’affaires de Géochanvre, la question de l’avenir se pose : « Le masque a permis de montrer que la toile de chanvre pouvait avoir d’autres usages que la toile de maraîchage ». Aujourd’hui, l’industrie automobile, du bâtiment pour l’isolation et l’insonorisation, de l’ameublement s’intéressent à ce procédé unique. Sans compter sur le développement d’une nouvelle industrie textile : « À la cour des Rois de France, les vêtements en chanvre usé – pour le rendre plus souple – étaient courants ». On attend donc le jour où il ne faudra plus 10.000 litres d’eau pour produire un kilogramme de coton à l’autre bout du monde et où l’on pourra déguster les tomates du jardin nourries grâce à nos vieux vêtements…