Propositions d’actions à la région Grand-Est

L’éco-tourisme (ici dans les Ardennes) représente un axe de développement majeur pour le think tank Droits de Cité. (Droits réservés)

Le think tank rémois Droits de Cité propose des axes de développement pour la région Grand Est.

Notre pays est secoué par le mouvement social des gilets jaunes. Au-delà de l’outrance de certains propos ou attitudes, l’on peut en tirer un enseignement, le mal être des territoires abandonnés, déshérités, désindustrialisés, désertés par les pouvoirs publics.

Sommes-nous géographiquement, territorialement non concernés par cette interrogation, ce malaise ?

Nous devons reconnaître que nous avons une diagonale partant de la pointe de Givet dans les Ardennes, allant jusqu’au Sud des Vosges, présentant tous les stigmates de cette crise. Cette question nous semble prioritaire, la réponse régionale que l’on pourrait y apporter serait source de cohérence territoriale, cohérence d’autant plus nécessaire que le dernier sondage réalisé par l’IFOP et par BVA nous disent très clairement que le fait régional est à établir en dépit des efforts de la nouvelle région (67 % des habitants sont mécontents dont 82 % en Alsace).

Un projet transversal, innovant, s’attaquant avec courage aux territoires déshérités de notre région : nous pouvons identifier quatre départements, Ardennes, Haute-Marne, Meuse, Vosges où les indicateurs démographiques, économiques, d’emplois, de mobilité, de santé, présentent tous les signes de territoires délaissés, où le négatif avec les autres départements du Grand-Est est fort contrasté.

Géographiquement, les départements présentent un patrimoine végétal peu ou pas valorisé mais considérable par sa surface et sa diversité. 23 525 km2, soit presque la moitié de la surface de la région (57 500 km2). L’objectif du projet est de faire œuvre d’optimisme en ayant une vision prospective, faisant émerger une identité régionale forte et rassembleuse.

Le poumon vert du Grand-Est : ce projet porte une dimension écologique et économique très forte. La valorisation écologique de ces territoires en permettrait une valorisation économique. Le développement de la biodiversité, des filières viticoles, agricoles, forestières, par des pratiques vertueuses serait le signe d’un engagement sociétal à l’échelle européenne.

QUELS DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES ?

La production d’énergies alternatives : l’utilisation post-industrielle de la biomasse couplée aux panneaux photovoltaïques ou, autrement dit la méthanisation complétée par les panneaux photovoltaïques pourrait, aujourd’hui, produire hydrogène, gaz et chaleur.

Ces trois énergies pourraient être revendues et utilisées in situ pour faire fonctionner des filières plus classiques comme la production/transformation de bois, des maraîchages innovants ou l’accélération des modes de cultures biologiques. Pour cela, des outils existent déjà dans la région Grand Est à l’instar de la SAEM Energie de la Marne.

La création d’un éco-tourisme : une voie verte reliant les Ardennes aux Vosges permettrait le développement d’un tourisme vert mêlant écologie, patrimoine, pratiques sportives. Cette voie pourrait être ponctuée par des maisons régionales de la nature qui communiqueraient sur les ressources locales dans les domaines de la biodiversité, de l’agroforesterie, du patrimoine, du tourisme. L’ensemble de ces actions porterait des effets induits :

de santé publique : en effet la région Grand-Est est une des plus touchée sur le territoire national par les cancers des poumons, des voies aéro-digestives supérieures ainsi que par les maladies respiratoires chroniques. Ces pathologies sont dues à la pollution atmosphérique et au tabagisme.

La santé publique de la région est aussi directement liée à son environnement : coincée entre deux territoires industriels, urbains, denses et polluants, la région parisienne et la vallée du Rhin et ayant en son sein des cultures et viticultures pas encore vertueuses.

Le poumon vert serait donc le moyen de compenser, en partie, les effets de son environnement.

d’anticipation des bénéfices d’une taxe carbone Européenne : la Belgique vient d’inscrire dans le code Wallon de l’urbanisme le principe de compensation selon lequel une surface urbanisée doit être compensée intégralement, aux frais de l’aménageur, par une surface équivalente en espace naturel. De même, la Suisse vient de se doter d’un objectif national de réduction des surfaces urbanisées.

Nous pensons qu’en mettant en œuvre ce projet de grand poumon vert sur un territoire de 57 000 km2, le Grand Est est, avec ses lacs, le réservoir d’eau du Grand Paris. Il pourrait aussi devenir le réservoir en espaces naturels, en biodiversité, en chlorophylle de la région parisienne et de la vallée du Rhin. De là à compenser leur pollution de l’air, leur gaz à effet de serre, il n’y a qu’un pas car à l’instar d’autres pays européens, la région parisienne devra trouver des compensations sous une forme ou une autre. Compensations qui existent dans le droit Français (article L112-1-3 du cadre rural et de la pêche maritime).

Cette vision transformerait l’image de la région, son attractivité mais, au-delà, assurerait un trait commun entre des entités géographiques éloignées les unes des autres. Cette communauté de destin, de projet, serait le gage d’une cohésion à trouver.

Pour finir, ce poumon vert devrait bénéficier d’un effort significatif de la région sur les voies de communication, de transport, en particulier ferrées, pour assurer une transversalité régionale, et d’un effort également d’une formation professionnelle qui anticiperait les besoins à venir de ce poumon vert de la région Grand Est.

AUTRES SUGGESTIONS D’INNOVATIONS

La création d’écosystèmes qui mettrait en synergie les ressources territoriales, la mise en réseau de ces ressources privées et publiques, la communication d’expériences réussies comme proposer des contrats d’investisseurs entre recherche – entreprises – territoires : un des freins à l’innovation serait le manque d’accessibilité pour les TPE/PME aux ressources dédiées à la recherche & développement.

Le projet KMO sur l’agglomération de Mulhouse est un premier pas. L’objectif du programme est de regrouper les pôles administratifs et de formations, de proposer un espace « entreprise 4.0 » en collaboration avec des entreprises partenaires, comme développer des lieux pour la recherche appliquée et s’inspirer de l’école de Nancy pour associer l’art nouveau et l’industrie des arts. L’école de Nancy contribue à un métissage de la culture, de l’industrie, des arts et de l’innovation disruptive.

Il s’agit aussi de s’appuyer sur le PEEL (Université de Lorraine) pour développer une culture entrepreneuriale et du risque et de s’inspirer du Campus Sciences-Po de Reims ou chaque étudiant est amené à s’impliquer dans un projet citoyen. Parce que l’ensemble de ces expériences réussies doit servir d’exemple et devenir source d’inspiration.

Il faut que la région institutionnalise ce réseau de représentants de la société civile pour, qu’en permanence, il y ait des échanges, des réflexions communes, d’autant que dans un monde en mutation perpétuelle, les projets d’aujourd’hui sont rapidement obsolètes.

AUTRES SUGGESTIONS

Gouvernance partagée : la verticalité politique, l’absence de concertation rendent les politiques publiques incompréhensibles et éloignées des réalités territoriales.

La région Grand-Est, à travers son document d’aménagement du territoire, le « SRADDET », pourrait innover, en mettant autour de la table de réflexion les acteurs de la société civile qui ainsi pourraient apporter leur approche territoriale et partager la vision régionale de l’aménagement du territoire.

Un plan santé de la région Grand-Est : comme nous venons de le voir, la désertification de certains départements génère des déserts médicaux qui sont une des revendications des « gilets jaunes », justifiée.

Pour réduire cette dernière, nous proposons que la région soit innovante en la matière et devienne pilote d’une autre approche par deux mesures :

– La première permettrait aux médecins retraités, spécialistes ou non, de pouvoir consulter quelques journées par mois dans les territoires les plus reculés. Pour cela, il faudrait créer un cadre administratif adapté, c’est-à-dire, comme un chèque emploi- service mais pour les médecins. En tout cas, les médecins concernés seraient des consultants exclusifs, non astreints à des obligations administratives assurancielles.

– La deuxième concerne les jeunes médecins qui s’installeraient en ville. Ils seraient alors assujettis à une demi-journée citoyenne, tous les quinze jours par exemple, de pratique dans les déserts médicaux.

Ces deux mesures cumulées réduiraient considérablement l’absence de médecin dans les territoires dépourvus. Bien sûr, cela nécessiterait un droit à l’expérimentation devant une question sociétale et une réponse ne créant aucun surcoût qui mériterait à notre sens d’être étudiée.

Enfin, dernière innovation, pour le plan santé de la région Grand-Est, la création, répartie sur le territoire, de maisons de répit, à l’instar de celle qui existe à Lyon.

Aujourd’hui, la France compte 10 millions d’aidants, il faut, comme cela a été évoqué par l’État, un statut de l’aidant. Mais au-delà, il faut créer des petites unités permettant aux familles, aux aidants, d’adresser le membre de leur famille, aidé, pour souffler quelques jours, quelques semaines. Le modèle économique existe pour que ces structures soient viables. Elles permettraient par ailleurs de créer des économies importantes au système de santé, parce que les personnes concernées ne viendraient plus encombrer les services d’hospitalisation classique.

L’innovation, la prospective, peuvent, bien entendu, frôler l’utopie, mais, ne dit-on pas que les utopies d’aujourd’hui sont les réalités de demain ?

Aussi, nous espérons qu’ensemble, nous pourrons construire les réalités de demain.

Le Think Tank « Droits de Cité »