Vincent BarbierProfessionnel du bénévolat

Aujourd’hui “locataire” du Château du Clos de Vougeot - grâce à un bail emphytéotique de 90 ans octroyé par la SCI propriétaire -, la Confrérie des Chevaliers du Tastevin promeut la Bourgogne et sa gastronomie à travers le monde entier. Dans la droite lignée de son grand-père et de son père, Vincent Barbier en est aujourd’hui le Grand-maître.

Bourguignon depuis un nombre de génération qui ne se compte plus, celui qui se rêvait naviguer autour du monde n’a finalement pu résister à l’appel de sa terre natale. Après une longue carrière dans la vigne et le vin, le Grand maître n’a pour autant pas déposé son tastevin et continue de promouvoir la Bourgogne à travers ses savoir-faire, sa gastronomie et ses vins.

Vincent Barbier fait partie de ces bourguignons que nous n’aurions nul besoin de présenter. Du haut de ses 69 printemps, il poursuit son chemin, dans les pas de ses ancêtres pour promouvoir la Bourgogne, sa région, ses savoir-faire et son patrimoine. Aujourd’hui à la retraite, c’est un éternel actif que nous avons eu l’occasion de rencontrer au cœur du vignoble, dans le Château du Clos de Vougeot, aujourd’hui berceau de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.

Celui qui est aujourd’hui Grand-maître de la célèbre confrérie est issu d’une famille enracinée sur la terre des Ducs : « j’ai un ancêtre qui est né en 1415 dans les Hautes-Côtes », confie-t-il. Après une enfance sommes toutes classique entre Nuits-Saint-Georges pour ses écoles primaires et Dijon pour le secondaire, le jeune homme a intégré l’école supérieure de commerce de Dijon – ne lui parlez surtout pas du nouveau nom, BSB – et réalisé son service militaire à Longvic, « à la BA 102, lorsqu’il y avait encore une activité formidable, beaucoup d’avions et trois escadres de chasse… Un sacré moment ! », se souvient-il, avant d’ajouter, les yeux rieurs : « J’avais d’ailleurs commencé à suivre les cours d’œnologie du professeur Bergeret, à la faculté de Dijon… Mais je n’ai jamais obtenu le diplôme à cause de mon service militaire ! ». S’en est suivie une période d’interrogations… « À l’époque, je voulais être marin ! Je voulais faire l’école navale pour pouvoir naviguer. Mais mon père qui a été maire de Nuits-Saint-Georges, conseiller général, vice-président du Conseil général (aujourd’hui Conseil départemental, Ndlr) et sénateur de la Côte-d’Or, avait très envie de laisser les clés de la maison familiale pour pouvoir vivre sa vie politique qu’il aimait tant. Il n’avait de cesse de me dire de venir alors que je voulais avoir des expériences ailleurs… Et j’ai finalement obéi. Une fois mon service militaire terminé, j’ai directement intégré l’entreprise familiale et il a pu se libérer voyant que j’arrivais à me débrouiller. »
C’est ainsi que Vincent Barbier a intégré la maison familiale à Nuits-Saint- Georges, « la Maison Moingeon-Gueneau frères, du nom de ma grand-mère ». Pendant quelque 20 ans, il a ainsi dirigé ce négoce en vins qui élaborait aussi des crémants de Bourgogne. « Avec mon frère, nous avions même créé, durant cette période, un domaine que nous avons appelé le domaine Barbier fils. Nous avions acheté des terres et planté des vignes sur une douzaine d’hectares. Aux plus belles années, entre la maison de vin et le domaine de vignes, nous faisions jusqu’à un million de bouteilles, explique-t-il. C’était simple, à l’époque, de créer son domaine… Enfin, ce n’était pas compliqué ». C’était sans compter sur le destin. Un destin tragique qui a emporté son fils en 1994.

SORTIR LA TÊTE DE L’EAU ET SE RELEVER

« Son décès m’a beaucoup affecté, confieVincent Barbier. À la suite du drame, j’étais dans un état plutôt dépressif. Voyant cela, mon père et mon frère se sont demandés que faire et nous avons finalement décidé de céder nos affaires ». Dans un premier temps, les deux frères ont conservés le domaine. « En fin de compte, séparer notre patrimoine s’est présenté comme une évidence. Nous n’avions pas forcément les mêmes visions de l’avenir et ma vie professionnelle était toute chamboulée. Mon frère a finalement préféré se diriger vers le courtage en vin. » Après deux années d’errance à rêver de voyages, ses valises prêtes, il s’est rendu compte que quitter physiquement les lieux ne l’aiderait pas à se vider la tête. « Mon épouse m’a beaucoup soutenue. Je suis admiratif de ma femme et de comment elle a su gérer cette crise. » Se rendant à l’évidence que le vin était toute sa vie, Vincent Barbier a choisi, avec sa femme, de recréer un domaine, leur domaine, le domaine Vincent Barbier. « Nous étions les seuls à travailler de A à Z, depuis le travail de la vigne jusqu’à la vente des vins, développe-t-il. Pour moi, recréer un domaine, c’était naturel parce que j’avais toujours baigné là-dedans… Mais pour ma femme, qui venait de la plaine de Saône et qui avait toujours tout géré chez nous tout en s’occupant de nos cinq enfants, se retrouver du jour au lendemain avec son mari sur le dos 24 heures sur 24, ça a dû quand même être difficile. Mais elle s’y est très bien faite et tout s’est très bien passé. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est elle qui gère la cave à la maison. Elle est devenue une excellente dégustatrice ». Avec ce nouveau domaine, le couple Barbier faisait entre 20 et 30.000 bouteilles par an. « Nous avons finalement revendu les vignes il y a quelques temps », explique-t-il, alors aujourd’hui à la retraite. « Nos enfants ne sont pas dans la vigne, même si, aujourd’hui, nos deux fils sont dans le vin. C’est d’ailleurs Joseph qui a pris la suite et notre cadet, Bénigne, s’est aussi mis dedans mais en lançant sa propre activité. »

UNE SECONDE CARRIÈRE DANS LE BÉNÉVOLAT

Impliqué dans la vie associative, Vincent Barbier a passé 26 ans à la présidence de la caisse du Crédit Mutuel de Nuits-Saint-Georges. S’il aime à se décrire comme un professionnel du bénévolat, c’est aussi parce qu’il officie, depuis maintenant 44 ans à la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. « Mon grand-père, Pierre Barbier, était aux côtés de Georges Faiveley et Camille Rodier, au moment de la création de la confrérie, en 1934. Il a d’ailleurs été le premier chambellan, lors du premier chapitre. Ensuite, mon père a pris la suite en 1947 et j’ai moi-même été intronisé en 1976. Mon père était Grand-maître lorsqu’il est décédé en 1998 et c’est comme ça que j’ai pris sa suite à cette fonction, sur désignation des membres du Grand conseil, que j’ai intégré en 1982 », détaille-t-il. La confrérie, qui a célébré il y a quelques semaines son 1.205e chapitre, est aujourd’hui un véritable outil de promotion de la Bourgogne, de son savoir-faire et de sa gastronomie. « Nous avons quelque 12.000 membres à travers le monde. La moitié est en France et l’autre moitié, dans 70 pays. Les États-Unis – importants consommateurs de vins de Bourgogne – en comptent plus de 2.500 répartis en sous-commanderies dans 43 villes. » En Bourgogne, la Confrérie organise chaque année 16 chapitres et accueille quelque 600 convives au Château du Clos de Vougeot pour leur faire découvrir la gastronomie bourguignonne et ses vins.

Interrogé sur l’avenir, alors que le matin de notre rencontre, Vincent Barbier apprenait par la préfecture l’annulation du prochain chapitre, le Grand-maître confie ne pas avoir peur pour les vins de Bourgogne : « Depuis 1975 que je travaille la vigne, nous vendangeons de plus en plus tôt et nous faisons des vins de bien meilleure qualité. En effet, des vins qui sont plus mûrs plus précocement donnent de meilleurs résultats. Cette année est excellente, comme on a eu 2015 ou encore 2003. Des millésimes tardifs comme dans les années 1980, qu’on vendangeait début octobre, ça donnait des vins qui manquaient de couleurs, de structure et de charpente. En somme, pas d’inquiétude pour les vins de Bourgogne, en tout cas pour les premiers et grands crus ».

Parcours

1951 Naissance, le 28 février à Dijon.
1972 Vincent Barbier se marie et aura par la suite cinq enfants, trois fils et deux filles.
1976 Il est intronisé à la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.
1978 Il prend la direction de la Maison Moingeon-Gueneau frères et créé avec son frère le domaine Barbier fils.
1982 Vincent Barbier est admis au Grand conseil de la confrérie.
1996 Deux ans après le décès de son fils et après avoir quitté la Maison Moingeon-Gueneau frères et le domaine Barbier fils, il créé, avec sa femme, le domaine Vincent Barbier.
1998 Au décès de son père, Vincent Barbier est désigné par le Grand conseil Grand-maître de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.