Prévenir plutôt que guérir : encore du pain sur la planche

L’heure du bilan a sonné pour le Plan régional Santé Travail Occitanie. Les axes sont fixés pour passer à la quatrième vitesse.

La Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), – qui reprend les missions auparavant confiées à la Direccte et aux services chargés de la cohésion sociale, vient de dresser le bilan de la 3e édition de son Plan régional Santé Travail Occitanie, lancé en 2017, qui a pour ambition d’améliorer la santé au travail, d’accompagner tous les salariés qui connaissent des conditions de travail difficiles et de réduire les risques en constante évolution. Et le constat est clair : les 300 acteurs mobilisés qui ont déjà sensibilisé plus de 1 800 Occitans à travers des groupes de travail, colloques, séminaires et outils, doivent redoubler d’effort. En effet, cette « grande mobilisation impliquant les organisations salariales et patronales qui ont porté d’une même voix un message, celui de la prévention et qui a donné lieu à un vrai travail de fond », comme le martèle Christophe Lerouge, directeur de Dreets, et ces faisceaux d’initiatives destinés aux entreprises et aux salariés, n’ont pas pour autant empêché d’atteindre les 56754 accidents avec arrêts et 63 accidents mortels contre 60 recensés en 2014 en Occitanie. « En tant que directeur, je reste informé des accidents mortels et je reçois généralement un mail par semaine. Ce chiffre ne baisse malheureusement pas. Les effets de la prévention interviennent seulement quelques années après », relève-t-il. Les maladies professionnelles, quant à elle, grimpent à 2 579 en 2019 contre 2 492 en 2014. En tête, les TMS ou troubles musculo-squelletiques, les affections périarticulaires, et les affections chroniques liées aux mauvaises postures et aux charges lourdes. Les secteurs les plus touchés restent, sans conteste, la construction, le commerce, les métiers de service à la personne et l’agriculture. « Nous sommes notamment intervenus dans six établissements agricoles en 2020 afin d’aiguiller 90 personnes telles que les chefs d’établissement, les enseignants, et les jeunes que nous ciblons particulièrement via nos actions de sensibilisation, car ils sont les salariés de demain », précise de son côté, Virginie Nègre, référente PRST au sein de la Dreets. Les actions mises en œuvre par ce plan, premier du genre en France, visent également des petites entreprises qui représentent 86 % du tissu économique régional, soit 170 000 établissements et plus d’un million de salariés « qui sont souvent moins informés des risques ».

DES ACTIONS CONCRÈTES

Ces cinq années de co-construction auront permis la réalisation de plus de 200 réunions de travail et l’élaboration d’une trentaine d’outils de prévention mis à disposition des chefs d’entreprise. « L’objectif est d’unir nos forces pour apporter du concret aux entreprises, avec des actions, des méthodologies, etc. » C’est ainsi un travail de fourmi et de longue haleine qui a été engagé par les partenaires afin d’être au plus près de la réalité du terrain.

Parmi les axes prioritaires fléchés par ce plan figurent notamment les affections liées à l’amiante (plus de 3 % des maladies professionnelles), un matériau reconnu cancérogène et encore largement utilisé dans le secteur du bâtiment. « Nous souhaitons faire prendre conscience des risques liés à son utilisation. Les interventions sur les chantiers ne s’improvisent pas, notamment l’élimination des déchets amiantés. Nous avons organisé quatre colloques en direction des entreprises de désamiantage en 2016 et en 2019 et dix manifestations à destination des donneurs d’ordre soit plus de 250 personnes sensibilisées. » Autre problématique sur laquelle planchent les acteurs, les risques routiers, encore trop sous-évalués alors qu’un accident sur deux a lieu dans le cadre du travail, soit 35 accidents mortels en région et 5 800 accidents avec arrêts de travail en 2019. Un kit de prévention a ainsi été réalisé afin de mieux sensibiliser les entreprises sur ce point. Un webinaire est également prévu du 17 au 21 mai dans le cadre des Journées de la sécurité routière au travail.

Vieillir en bonne santé dans le milieu professionnel est également une autre priorité au vu de l’allongement de la durée de vie au travail. « Il s’agit vraiment de donner des outils pour entamer une démarche et un premier plan d’actions pour montrer le sentiment de fatalité des employeurs face à l’usure professionnelle de leurs équipes », souligne Virginie Nègre. Enfin, les maladies chroniques évolutives, encore peu appréhendées par les organisations du travail restent un enjeu majeur puisqu’une personne sur cinq serait concernée au long de sa vie active. Parmi les affections de longue durée qui touchent 11,2 % de la tranche d’âge 15- 64 ans en Occitanie, les affections psychiatriques représentent 23 %; le diabète, 19 %; les maladies cardiovasculaires 17 % et enfin les cancers, 15 %. Quid du taux d’incidence des risques psycho-sociaux ? Ils arrivent sur le podium et représentent 23 % des maladies chroniques et évolutives, « mais nous n’avons pas encore de recul sur les effets de la crise économique et sanitaire, même si c’est un sujet qui revient systématiquement sur toutes les lèvres », relève Christophe Lerouge.

Conséquence de la pandémie : cette liste des risques liés au milieu professionnel devrait, sans conteste, s’allonger dans les années à venir. « Notre élan a été, certes, ralenti en 2020 mais notre dynamique va se poursuivre pour mettre en place la quatrième version, avec des sujets d’actualité sur lesquels nous avons de nombreuses questions sans réponse. Par exemple, quelles sont les conséquences sur le corps et l’esprit de l’usage intensif du numérique et du télétravail ? Pour mieux saisir les problématiques, nous voulons favoriser le dialogue social au sein des entreprises sur l’impact de la situation sanitaire qui implique une évolution des conditions de travail et des risques psycho-sociaux qui tendent à la hausse. Nous avons déjà commencé à travailler sur ces points de vigilance. L’objectif est de poursuivre nos actions dans un contexte différent ». Qu’en est-il aussi de la quête de sens au travail ? « Nous menons des actions avec les partenaires sociaux sur l’attractivité de certains secteurs qui peinent à recruter, c’est un bon début », conclut Christophe Lerouge.