Par Germain Simoneau, conseil en transmission, levées de fonds et acquisition, associé chez Carmine Capital
Créé dans l’urgence, le PGE aura sauvé des centaines de milliers d’entreprises, mais il porte en lui les germes d’un potentiel tsunami économique en 2021.
Il est urgent d’engager une refonte pragmatique et intelligente de ce dispositif.
UN DISPOSITIF D’EXCEPTION POUR UNE SITUATION EXCEPTIONNELLE
Déployé par les banques et la Bpifrance avec puissance et une agilité insoupçonnable, le PGE aura sauvé des centaines de milliers de TPE/PME. L’exercice a consisté à mobiliser la liquidité immédiatement disponible dans les banques, avec la garantie de l’État comme effet de levier pour libérer ces dernières du carcan des ratios prudentiels qui les contraignent.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette mesure a fait le travail. Quelque 100 Mds€ ont été distribués à ce jour, au bénéfice de plus de 500 000 entreprises. Si l’on rapporte ces chiffres à la masse des crédits bancaires mobilisés par les entreprises, soit 1081 Mds€ en mars 2020, ainsi qu’aux 68 Mds€ de crédits distribués aux entreprises sur les 12 mois précédant la crise, on prend conscience de l’ampleur de la manœuvre.
APRÈS AVOIR SAUVÉ L’ÉCONOMIE, LE PGE RISQUE D’EMMENER À LA FAILLITE DES MILLIERS D’ENTREPRISES ET LEURS EMPLOIS
Lors de la création du PGE, un rapport au Sénat, présenté lors des débats sur la loi de finance rectificative pour 2020, aurait affirmé que « la garantie de l’État ne serait pas appelée ». C’est dire que l’heure n’était pas à l’analyse et que les considérations techniques et financières allaient être remises à plus tard…
Et il est temps aujourd’hui ! On peut penser que des dizaines de milliers d’entreprises pourraient se trouver en cessation de paiement dès 2021 à cause du PGE qui, après une période de grâce de 12 mois, devra être remboursé de façon linéaire et sur une durée de 12 à 60 mois.
Si l’on écarte la part des entreprises qui ont souscrit le PGE par précaution ou par opportunisme, on peut raisonnablement imaginer que, pour une large majorité des bénéficiaires, c’était une affaire de survie. Or, ces mêmes entreprises, qui se sont endettées en substitution d’une diminution (ou parfois de la perte de la totalité) de leur chiffre d’affaires, seront à l’évidence, et pour bon nombre, dans l’incapacité la plus totale d’assumer un tel plan de remboursement.
Nul besoin d’être expert pour comprendre que, même en cas de reprise rapide, ces entreprises ne pourront pas faire face simultanément au financement de la relance de leur activité (et donc au refinancement de leur besoin en fonds de roulement), au remboursement des charges et taxes reportées pendant la crise, aux investissements indispensables pour pérenniser leurs activités et… à l’amortissement de leur PGE.
Pire encore ! Comme un effet de double peine, le PGE vient comptablement augmenter la masse des dettes financières. Il va dégrader considérablement les notations financières des entreprises et ainsi obérer la capacité d’endettement bancaire de PME déjà dépourvues de trésorerie, constituant un effet ciseau insurmontable pour beaucoup.
DES SOLUTIONS EXISTENT, IL FAUT AGIR VITE
Pour aborder la question, il faudra d’abord « trier le bon grain de l’ivraie » et isoler les PGE qui sont en risque. Une idée pourrait consister à scinder la masse financière globale du PGE en deux masses distinctes : celle des crédits qui ont été affectés à la sécurité et/ou au confort des entreprises bénéficiaires d’une part et, d’autre part, celle des crédits qui auront été indispensables à leur survie. Cette dernière pourrait peut-être être évaluée à l’aune de la perte de valeur ajoutée constatée chez les bénéficiaires sur les mois de confinement, comparée à la même période en 2019.
La masse des crédits « de confort » pourrait être maintenue sous le régime actuel, dans les bilans de banques, avec le bénéfice de la garantie de l’État et un profil de remboursement sur cinq ans ou moins pour les entreprises qui le pourront.
La masse des crédits « de survie » pourrait être rachetée par l’État aux banques, pour être logée dans un véhicule ad hoc, puis transformée en un instrument permettant une vraie logique de « retour à meilleure fortune ». Par hypothèse, pourquoi pas un prêt participatif à dix ans, dont la rémunération pourrait être fixée à 5 %, et qui serait remboursé annuellement, mais uniquement à concurrence de 20 % du résultat ou de la capacité d’autofinancement des bénéficiaires ? La rémunération de ces prêts pourrait ainsi protéger ce pool de crédits par l’effet de mutualisation des risques.
Pour favoriser la reconstitution de la trésorerie des bénéficiaires, il pourrait être envisagé que le montant des échéances du PGE effectivement remboursées viennent en diminution de leur base imposable.
Les esprits chagrins argueront de mille contraintes techniques, les optimistes applaudiront. En attendant, les chefs d’entreprise sont déjà au rendez-vous de la relance, l’arme au pied et forts de toute leur énergie et leur bonne volonté. Ils ont maintenant besoin de visibilité !