Pratiques anticoncurrentielles: Gaches Chimie obtient gain de cause

La cour d’appel de Paris sanctionne par une amende de plus de 52 M€ des pratiques qui ont porté préjudice à tous les principaux secteurs de l’industrie française dont le toulousain Gaches Chimie.

Jeudi 3 décembre 2020, la cour d’appel de Paris1 a lourdement, bien que tardivement, sanctionné le principal acteur des ententes anticoncurrentielles qui ont duré des années dans le secteur de la distribution de commodités chimiques, indique dans un communiqué le groupe toulousain Gaches Chimie.

Cette activité économique peu connue du public est au service de l’ensemble des industriels dont elle fournit les besoins en produits chimiques de base solvants, soude, javel, acides etc. La cour d’appel relève ainsi que les secteurs économiques concernés sont notamment l’industrie chimique, l’agroalimentaire, l’automobile, les blanchisseries hospitalières et privées, le traitement des eaux, l’armement, l’industrie du béton et du liant routier, l’industrie de la désinfection et du nettoyage, les laiteries, la fabrication de peinture, les industries mécanique et aéronautique, le textile, soit l’essentiel du tissu industriel français.

Les pratiques de cartels mises en œuvre dans ce dossier de 1998 à 2006 constituaient un véritable catalogue des comportements interdits tels que la fixation de prix minimum, des offres de couverture pour truquer les appels d’offres, les répartitions de clientèles, des hausses de prix concertés… dont l’objectif était la répartition des parts de marché et l’augmentation des prix.

La société Brenntag, premier distributeur de commodités chimiques de France et leader mondial (près de 13 Mds€ de chiffre d’affaires en 2019), poursuivie pour ces faits depuis 2006 et sanctionnée en première instance par l’Autorité de la concurrence en 20132, avait multiplié les recours judiciaires possibles pour fuir la sanction (dont une requête en suspicion légitime contre la cour d’appel et six QPC (questions prioritaires de constitutionnalité).

La sentence est donc enfin tombée: 47043774 € d’amende pour Brenntag plus 5 224 995 € d’amende pour Deutsche Bahn, son ancienne société mère.

Cette entreprise, avait tenté de minimiser les effets de ses pratiques en soutenant notamment que ses clients industriels avaient sans doute eu la possibilité de répercuter les augmentations de prix qu’ils avaient subis. Au terme d’un raisonnement aussi intéressant que pertinent, la cour rejette l’argument en soulignant que soit les augmentations de prix ont été répercutées aux entreprises utilisatrices soit les distributeurs ont dû diminuer leurs marges mais que dans les deux cas le dommage à l’économie est réel. Les marges des entreprises françaises ne sont à ce point élevées qu’elles puissent impunément être rognées par des malhonnêtetés de leurs fournisseurs.

Cette affaire avait commencé en 2006 à l’initiative de la société Gaches Chimie société familiale, concurrente de Brenntag, qui avait refusé de rentrer dans le cartel3 et qui a poussé les trois principaux membres du cartel dont Brenntag à déposer un dossier de clémence. Malheureusement, cette décision de sanction arrive sans doute trop tard pour que la plupart des innombrables entreprises victimes puissent engager des procédures d’indemnisation. Ces entreprises pourront-elles en tirer les enseignements pour revoir leurs politiques d’achats et l’application de leurs principes de RSE ?

Brenntag SA est également l’objet d’une enquête par l’Autorité de la concurrence depuis 2003 pour des faits d’abus de position dominante. Dans cette affaire, Brenntag a déjà reçu une amende pour obstruction à l’enquête de 30 M€ par l’Autorité de la concurrence le 21 décembre 20174 (Décision 17-D-27) en attendant le résultat de l’instruction…

1) Cour d’appel de Paris, 3 décembre 2020, n°13/13058

2) https://cutt.ly/HhTyfBM

3) https://cutt.ly/GhTyW5V

4) https://cutt.ly/MhU9X6o