« Planet A incarne une vision, et même une ambition pour le territoire »

Carmen Munoz, directrice générale de Citelum (filiale d’EDF, 2 500 salariés dans douze pays, 318M€ de chiffre d’affaires), a accepté de prendre la présidence de Planet A, notamment pour apporter son expertise sur les questions internationales. (Photo : droits réservés)

Ex-directrice d’Enedis en Champagne-Ardenne de 2012 à 2016, aujourd’hui à la tête de Citelum (filiale d’EDF), Carmen Munoz est la nouvelle présidente de Planet A, dont le deuxième forum est organisé les 27 et 28 juin, à Châlons.

Carmen Munoz, quelles sont les missions de Citelum ?

« Citelum est une filiale internationale d’EDF présente dans douze pays. Nous travaillons sur les infrastructures urbaines (éclairage, gestion du trafic, mobilité, sécurité…) avec une partie numérique importante sur le développement des villes intelligentes. Nos enjeux rencontrent les problématiques de durabilité et de l’impact du changement climatique dans le monde. Nous constatons aussi les conséquences des dérèglements climatiques, comme en Inde, un pays de plus en plus frappé par des vagues de chaleur et des ouragans. Citelum fournit des solutions pour économiser l’énergie, adapter les infrastructures et faire preuve de résilience face aux situations de crise ».

Votre lien avec l’agriculture passe donc par le développement durable ?

« Oui, nous abordons le végétal sous deux angles. C’est d’abord une solution pour le rafraîchissement, le bien-être des villes et leur dépollution. J’ai également tenu à ce que nous compensions les émissions de CO2 de nos voyages en avion. Même si évidemment, il est toujours préférable d’éviter des émissions plutôt que de les compenser. Quand je dirigeais Enedis en Champagne-Ardenne, je m’étais aussi engagée dans la protection de la biodiversité, en créant des refuges sur nos sites avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et la réduction du CO2 en développant les réunions à distance et la flotte de véhicules électriques ».

C’est pour cela que vous avez accepté la présidence de Planet A ?

« Je connais beaucoup de gens en Champagne-Ardenne, c’est ma région de cœur. Ma connaissance du territoire, mes convictions sur le développement durable et mon réseau international ont motivé les équipes de Benoist Apparu (maire de Châlons-en-Champagne) à me solliciter. Ne connaissant pas bien le monde agricole, j’ai réfléchi sur la pertinence de mon implication, je voulais être certaine de pouvoir apporter quelque chose en m’engageant bénévolement dans l’association ».

Quel est le thème de cette deuxième édition du forum ?

« La thématique “Terre, matière, planète : la qualité des sols pour la santé du vivant” est primordiale car les sols représentent à la fois une solution (nourrir les hommes, « poumons verts » avec bien entendu une fonction de captage du CO2…) mais aussi une problématique avec leur artificialisation. Co-récipiendaire du prix Nobel, le professeur Rattan Lal, sera le grand témoin de l’événement qui va réunir de nombreux spécialistes ».

En 2018, quelque 400 participants étaient présents. Sur quels critères souhaitez-vous faire mieux en 2019 ?

« La fréquentation est un indicateur, tout comme les retombées économiques et médiatiques, mais la qualité des débats est la clé selon moi. Les participants viennent pour le contenu, notre richesse vient du débat en réunissant des acteurs industriels, le monde agricole, les associations, les politiques… Planet A porte la volonté d’opposer différents points de vue de personnes unies par le souhait de créer un futur ensemble. Nous voulons éviter les débats simplistes sur des questions complexes ».

Le financement est-il bouclé ?

« En 2018, les comptes de l’association n’étaient pas à l’équilibre. Nous devons notamment travailler à obtenir plus de soutiens privés pour ne pas dépendre uniquement des subventions publiques. Nous avons besoin de contributeurs mais il n’est pas question de vendre notre tribune contre un gros chèque d’un sponsor, surtout s’il n’est pas en adéquation avec nos valeurs. La qualité des échanges reste la priorité. En revanche, c’est intéressant de faire venir tous les acteurs, y compris ceux sujets à polémiques, pour confronter les opinions ».

Pensez-vous que Châlons est un territoire pertinent pour porter ces enjeux mondiaux ?

« J’ai toujours cru que la Champagne-Ardenne devait s’appuyer sur la force de son agriculture. Les enjeux de l’impact de la filière sont importants et la Foire de Châlons en est une belle vitrine. Avant de quitter la région, j’avais d’ailleurs discuté avec Bruno Forget (commissaire de la Foire) de la nécessité de valoriser davantage l’innovation et le développement durable. Je suis ravie de voir que l’événement a pris cette direction et peut se fertiliser avec Planet A. Le territoire doit prendre de l’avance sur les évolutions de l’agriculture durable, réconcilier le monde agricole et le monde urbain, mais aussi sensibiliser les citoyens qui peuvent avoir des doutes sur les pratiques agricoles ».

Mais une ville moyenne comme Châlons peut-elle être crédible à l’international ?

« Rome ne s’est pas construite en un jour. Qui aurait pu penser que la Foire allait prendre une telle ampleur en devenant le deuxième rendez-vous agricole français ? Même dans le domaine des villes intelligentes, le congrès Smart City de Barcelone a pris du temps avant de devenir la référence mondiale aujourd’hui. Sans être un exemple reproductible à Châlons, la province d’Almeria était un territoire désertique, le plus pauvre d’Espagne. En une vingtaine d’années, ils ont optimisé leurs ressources en eau et développé des serres pour produire des fruits et légumes. À Châlons et à son territoire d’identifier leurs propres contraintes et solutions, de construire un écosystème ».

Croyez-vous au développement de l’Institut puis de la Cité de l’agriculture ?

« L’Institut des hautes études de l’agriculture va ouvrir à la rentrée de septembre 2019. Il doit permettre de sensibiliser et de former les dirigeants aux enjeux du développement durable. Je sais qu’il y a déjà des inscriptions. Quant au projet de Cité de l’agriculture, il est encore un peu tôt pour en parler, mais il faut faire preuve de vision et d’ambition ».

UN THÈME, PLUSIEURS DIMENSIONS
Avec pour thème « Terre, matière, planète : la qualité des sols pour la santé du vivant », la deuxième du forum Planet A va réunir des experts internationaux qui vont débattre sur cette entité vivante dont la qualité et la santé sont décisives pour les plantes, les animaux, les hommes, et tous les écosystèmes. Par sa capacité de captation et de stockage du carbone comme de recyclage d’autres gaz, il est un enjeu majeur pour l’agriculture, dans la régulation du climat et de la qualité de l’air. Tout en étant un enjeu majeur d’aménagement du territoire.
Plusieurs dimensions seront ainsi abordées : agricole (changer les pratiques, innover, former les consommateurs), géopolitique et politique (questions de droits, problématique foncière), sociale et sociétale (démographie, urbanisation, artificialisation, relève des générations), environnementale (carbone, pollutions), économique (valorisation, financement, production et distribution) et santé (qualité de l’alimentation humaine, animale et végétale). Plus globalement, Planet A vise à développer des réflexions sur comment nourrir 9,7 milliards d’humains en 2050 tout en préservant notre unique planète et assurer l’équilibre géopolitique, plaçant ainsi l’agriculture au cœur des enjeux mondiaux. www.planet-a-initiative.com