Plan de relance : à la hauteur des enjeux de l’entrepreneuriat ?

Le plan de relance dévoilé le 3 septembre par le gouvernement suffira-t-il à redresser l’économie tricolore en profonde dépression ? Tour d’horizon avec les différents acteurs régionaux.

Avec ses 100 Mds €, le gouvernement a sorti l’artillerie lourde. Le plan baptisé « France relance » vise à redresser l’économie française en profonde dépression et à amorcer une croissance a priori en corrélation avec les enjeux des entreprises, notamment en privilégiant la transformation de l’économie et les secteurs d’avenir. Un plan massif et ambitieux qui balaye sur le papier de nombreuses intentions et flèche les budgets par priorités : le verdissement de l’économie, une accélération de la transformation numérique, l’insertion des jeunes dans un marché du travail aujourd’hui sous tension, la préservation de l’emploi et la formation, la résorption du déficit de compétitivité, la souveraineté nationale, etc. Parmi les sujets brûlants qui préoccupaient notamment le secteur industriel, le gouvernement a misé sur la baisse des impôts de production atteignant la barre des 10 Mds € par an dès 2021. Un grand pas pour le Medef même si cette mesure n’est qu’un début comparée à l’Allemagne et que les entreprises qui enregistrent moins de 500 K € de CA ne sont pas concernées (CVAE).

Parmi les axes du plan de relance, trois secteurs sont principalement sous les projecteurs : le numérique, le bâtiment et l’industrie.

LE NUMÉRIQUE ET L’ÉCOLOGIE EN LIGNE DE MIRE

Le plan de relance pointe deux enjeux majeurs : la transition vers une économie plus protectrice de l’environnement, et l’accélération de la transition numérique. L’exécutif débloque ainsi 7 Mds € pour lutter contre la fracture numérique et aider les entreprises françaises de la Tech à se développer et à se différencier sur le marché international. Outre ce budget, le gouvernement consacre 2,3 Mds € pour la transformation numérique de l’État, des territoires et des entreprises. La transformation des structures passe sensiblement par leur numérisation, avec des dispositifs adaptés, sachant que l’Hexagone est classé 15e sur 28 États membres de l’UE au niveau de la compétitivité numérique et 11e au niveau de l’intégration de la technologie numérique par les entreprises (source Digital Economy and Society INdex, 2020). Domaine considéré comme stratégique par l’exécutif, le plan de relance prévoit notamment une enveloppe de 3,7 Mds € pour les technologies numériques stratégiques, dont 500 M € sont réservés aux levées de fonds des jeunes pousses françaises de la Tech, à travers notamment Bpifrance. « Les entreprises doivent se mettre au pas de la transition numérique pour rester à niveau, être compétitives, trouver de nouveaux débouchés. De nombreux secteurs ont beaucoup à gagner en utilisant les outils numériques. De fait, le plan de relance conforte la crédibilité des entreprises françaises sur les sujets de l’intelligence artificielle, du cloud, de l’internet des objets, de la robotique, etc. Nous avons un vivier de compétences et notamment en région Occitanie, souligne Emmanuel Mouton, président de Digital 113. L’État doit cependant être vigilant pour préserver l’éthique et pour que les entreprises qui souhaitent se numériser optent pour une sous-traitance locale et non internationale. » Ainsi, 2,4 Mds € devraient être consacrés à des plans spécifiques en faveur des technologies numériques de rupture (le quantique, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, la santé numérique, etc.). Quant à la formation des métiers du numérique, c’est un autre enjeu que le gouvernement doit encore éclaircir. « Nos craintes résident aussi dans le fait qu’une grande partie du budget sera finalement consacrée au déploiement de la fibre optique, certains éléments passant en second. De quelle manière vont finalement être répartis tous ces budgets ? », s’inquiète le président. En attendant les réponses, la filière accuse une perte moyenne de 20 % de son CA en Occitanie, et 8 000 emplois liés principalement à la dépression du secteur industriel sont pour l’heure menacés.

L’écologie est le deuxième axe privilégié par l’exécutif. Parmi les mesures annoncées, figurent la décarbonation de l’industrie qui se chiffre à 1,2 Md € et la rénovation énergétique dotée de 7,5 Mds € (dont 4 Mds € pour la rénovation thermique des bâtiment publics, 500 M€ pour la réhabilitation des logements sociaux, 200 M € pour la rénovation énergétique des TPE et PME et 2 Mds € pour la rénovation des logements privés). Souvent citée mais jamais réellement mise en œuvre, elle est l’un des programmes les plus soutenus par le plan de relance, ce qui bénéficie grandement à la filière du bâtiment – 3e secteur le plus touché par la pandémie, même s’il a pu reprendre rapidement son activité. Une aubaine donc pour cette filière qui consacre 50 % de son activité à la rénovation et l’autre moitié au neuf. « La rénovation énergétique touche des travaux environnants comme, par exemple, la peinture. Il s’agit vraiment d’une rénovation plus globale du bâtiment. Si ces aides sont mobilisables rapidement, cela donnera du travail à toute la filière. Surtout que les démarches sont simplifiées. C’était l’un des points qui a toujours freiné la rénovation énergétique. De plus, la rénovation des logements privés concerne désormais tous les ménages. Cependant, nous attendions du plan de relance qu’il comble le manque de chiffre d’affaires pour les sites industriels, le temps que l’industrie retrouve son niveau normal », explique Frédéric Carré, président de la FFB Occitanie. À côté de cette enveloppe, une problématique émerge. « La question est surtout de redonner confiance aux donneurs d’ordre. Il ne faut surtout pas que les appels d’offres en cours s’arrêtent en chemin, sinon ce sera catastrophique. Ce qu’il nous faut, c’est de la stabilité et de l’activité. Dans ce cas, le bâtiment peut même devenir un amortisseur de crise. » Le neuf reste le point faible. Le président regrette que le prêt à taux zéro (PTZ) ne retrouve pas sa pleine puissance. « Un PTZ étendu à 40 % peut être un signal fort pour notre secteur, alors qu’aujourd’hui, il n’est que de 20 %. En marge du PTZ, le dispositif Pinel devrait aussi courir au-delà de 2021. Il existe, par ailleurs, un vrai problème avec le foncier. Il faut accélérer le processus d’acceptation des permis de construire et d’urbanisation. » À peine 10% du budget global concerne la construction neuve. Cependant, 350 M € seront alloués aux villes qui privilégient les constructions denses et une enveloppe de 300 M € est dédiée à la dépollution des friches industrielles à des fins de construction. « Cela peut bien évidemment nous aider ». Dans la région, le bâtiment représente 15 Mds €, 70 000 emplois et 150 000 entreprises dont la plupart sont des artisans.

L’INDUSTRIE FORTEMENT SOUTENUE

Les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile bénéficient d’un soutien de 2,6 Mds €. En parallèle, le gouvernement mise sur un hydrogène plus vert avec une enveloppe de 2 Mds €, premier volet d’un plan ambitieux de 7 Mds € de soutien public à la filière jusqu’en 2030. « Globalement, le plan répond à une grande partie des propositions de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) au regard de la compétitivité des entreprises, de la transition écologique, de la diversification, de l’emploi et de la formation. Le grand volet sur la transition écologique touche l’ensemble de l’industrie. Mais le plan comporte des faiblesses quant à son équilibrage, car même si toutes nos filières vont en bénéficier directement ou indirectement, c’est surtout axé sur les grands comptes. L’industrie décarbonée touche, par exemple, les constructeurs, les équipementiers, mais pas les TPE. De plus, même si le plan accélère le développement des technologies et les filières, il faudra environ deux ans pour travailler sur les grandes orientations déjà pour certaines amorcées, et ce n’est pas cela qui changera la donne sur l’emploi d’ici trois ans », pointe Bruno Bergoend, président de l’UIMM Occitanie. La région compte 200000 emplois dans l’industrie (dont 100 000 pour la métallurgie). D’ici la fin de l’année, 8 000 salariés seront concernés par des plans de sauvegarde de l’emploi. « Ce que nous souhaitons, c’est de ne perdre aucun emploi d’ici quatre ans même s’il n’y a plus de progression. Pour cela, nous travaillons avec les huit fédérations régionales du secteur en vue de créer des passerelles techniques ».

DES AIDES POUR LA FISCALITÉ ET LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES

Le plan de relance répond-il au fond à la question de la réduction de l’endettement des petites entreprises ? « Le plan prévoit des actions pour 2020, 2021, 2022, ce qui est au-delà des capacités financières des entreprises pour faire face aux difficultés. Si le gouvernement a bien réagi pour sauver la trésorerie, une partie des entreprises intègre maintenant une seconde phase qui répond à la problématique de la création de richesse. Et cette rentrée n’a pas la vigueur d’une reprise ! L’objectif est donc de recapitaliser les entreprises », souligne Samuel Cette, président de la CPME Occitanie. Quid des prêts participatifs ? « Ce dispositif empêche de faire des investissements à court terme et ne réduit pas la capacité d’endettement des entreprises. Personnellement, je milite pour le prolongement d’un autre dispositif, celui du PGE, de sept à dix ans ». Quel avenir alors se dessine pour les TPE-PME ? « Dans l’ensemble, ce plan pêche au niveau du calibrage, sachant que 93 % des entreprises en Occitanie ont moins de 10 salariés. L’exécutif soutient artificiellement un certain nombre de choses, en espérant que le ciment prenne vite mais je crains une dégradation lente des petites structures. Il faut comprendre que la création de richesse est le cheval de bataille des entreprises, bien avant la création d’emplois. Il faut une corrélation entre les mesures et le terrain. »

Autre challenge: la rapidité d’exécution et de versement des fonds. Si la plupart des représentants du patronat saluent le plan de relance, ils restent vigilants quant à la mobilisation des enveloppes, notamment sur le plan local. « Certains secteurs ne sont pas encore entrés en phase de relance. Il est indispensable de ne pas les oublier et de prolonger les mesures d’urgence adoptées au printemps », conclut Pierre-Marie Hanquiez, président du Medef Haute-Garonne. À suivre…