Plan de relance à 100 milliards : l’économie locale respire

Le Plan France Relance devrait servir notamment à moderniser l’agriculture en trouvant des alternatives aux traitements par pesticides, dont certains sont déjà interdits par l’Union européenne.

Le Plan de Relance « France Relance » annoncé par le Premier ministre, Jean Castex, détaille les mesures d’urgences mises en place par le Gouvernement ainsi que les secteurs qui seront particulièrement soutenus. Au plan local, le bâtiment, les artisans, mais aussi l’agriculture ainsi que le secteur de l’énergie attendent la mise en œuvre concrète des milliards mis sur la table.

«Un pognon de dingue. » La formule, volontairement provocatrice, employée en 2018, par le Président de la République Emmanuel Macron, lors d’une préparation de discours avec ses équipes et faisant allusion aux minima sociaux, s’appliquerait en revanche tout à fait à l’argent déployé par la France et l’Union Européenne depuis la crise du Covid-19. En effet, aux mesures d’urgence s’élevant à 470 milliards d’euros « pour soutenir les entreprises et protéger les salariés », selon les mots du Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire, s’ajoutent aujourd’hui 100 milliards du Plan France Relance, dont 40 issus « à l’arrachée » de financements de l’Union Européenne lors des réunions qui se sont tenues à Bruxelles, en juillet dernier.

30 MILLIARDS D’EUROS POUR LE VOLET « ÉCOLOGIE »

Ces 100 milliards ne sont pas octroyés à n’importe quels secteurs : « Transformer le risque en chance, la crise en opportunité, en investissant prioritairement dans les domaines les plus porteurs, ceux qui feront l’économie et créeront les emplois de demain (…) Avec France Relance, nous voulons construire aujourd’hui la France de 2030 », souligne Emmanuel Macron.

Ce sont ainsi 30 milliards qui seront alloués à l’écologie dont 6,7 milliards pour la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés, 1,2 Mds€ pour la décarbonisation de l’industrie, 1,2 Mds€ pour les mobilités du quotidien, 1,9 Mds€ de soutien à la demande en véhicules propres du Plan Automobile, 2 Mds€ pour développer l’hydrogène vert, 2,6 Mds€ pour les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile ainsi que 3,4 Mds€ de soutien au développement des marchés clés dans les technologies vertes.

Christian Brethon, président Medef Marne et de l’UIMM Champagne-Ardenne, apprécie ce virage vert, d’autant, précise-t-il, « que notre région est particulièrement bien placée dans ce domaine avec notamment la chimie verte ».

RETROUVER UNE SOUVERAINETÉ AGRICOLE

Le secteur de l’agriculture est compris dans celui de l’écologie en bénéficiant au total de 2,5 milliards d’euros mobilisés pour la reconquête de la biodiversité et l’accélération de la transition du modèle agricole. « Notre combat a toujours été de militer pour une agriculture d’avenir, en relançant l’activité économique pour créer de la valeur ajoutée à l’emploi », indique Hervé Lapie, président départemental de la FNSEA de la Marne, rappelant : « Ces 10 dernière années, il y a eu une hausse de 50% des importations. » L’enjeu de retrouver une souveraineté à produire est donc énorme pour les agriculteurs.

Ces 2,5Mds€ arrivent en soutien aux initiatives qu’ils mènent déjà, notamment à l’échelle locale. Hervé Lapie a par exemple créé en 2012, l’association Symbiose qui œuvre pour la biodiversité en expérimentant différents programmes. « Remettre de la biodiversité dans le paysage, les sols et l’agriculture est primordial », martèle celui qui est par ailleurs éleveur porcin. Ces questions se posent réellement dans le département de la Marne, où les terres agricoles s’étendent à perte de vue, sans réels éléments favorisant la biodiversité.

« Remettre des haies pour favoriser la pollinisation, oui, bien sûr. Après, il faut informer et surtout accompagner les agriculteurs pour que cela soit un mouvement général fait en bonne intelligence. »

Dans la Marne, des essais sont également menés pour généraliser les champs de luzerne non récoltés, créer des sentiers pédagogiques ou faire de l’animation du territoire. La recherche fait aussi partie des leviers clés pour la transition agricole. « Dans le cas des betteraves, supprimer les semences à base de néonicotinoïdes certes, mais si aucune alternative n’est proposée, ce n’est pas tenable pour la filière. On a fait les choses à l’envers. »

Quant à la lutte contre l’artificialisation des sols, le travail à effectuer, est celui « concernant la valeur du foncier », explique Hervé Lapie. « Faire un centre commercial avec 500 places de parking autour et non en silo, c’est empiéter sur des terres agricoles, les racheter à bas coût et ainsi bétonner ce qui n’est pas nécessaire », appuie-t-il.

LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE BOOSTE LE SECTEUR DU BÂTIMENT

« La Fédération française du bâtiment (FFB) se félicite de plusieurs mesures apparaissant dans le Plan France Relance, portée par les professionnels depuis un certain temps », souligne dans un premier temps Louis-Xavier Forest, secrétaire général de la FFB Grand Est. C’est notamment le cas de l’ouverture confirmée de MaPrimeRénov’ à l’ensemble des ménages, aux bailleurs privés et aux copropriétés. « Avant les travaux de rénovation énergétique n’étaient accessibles qu’aux ménages à faibles revenus… qui en conséquence n’effectuaient pas ou peu de travaux. » Les démarches aussi pour obtenir un « éco prêt » devraient être simplifiées. « La très bonne nouvelle est la rétroactivité de la prime en octobre pour la PrimeRénov’ 2021. » Ça, c’était pour le positif. La FFB déplore en revanche, « l’absence de mesures fortes en soutien au logement neuf » . « Il y a un effondrement des commandes depuis le confinement », livre Louis-Xavier Forest. « Quand on construit, c’est que l’on a confiance en l’avenir. Et en ce moment, ce n’est pas trop la tendance. On est sur des chiffres de -30% de surface de locaux mis en chantier au mois de juillet », poursuit le secrétaire général de la FFB Grand Est.

Le Plan France Relance devrait aussi prendre en compte selon la Fédération du Bâtiment « la nécessité de relancer les permis de construire, avec un allégement de la réglementation ». « On considère que l’année prochaine, il y aura une baisse nationale de 20% de constructions de logements neufs, ce qui a en conséquence, un impact sur l’emploi dans le secteur. » En effet, si les entreprises de construction ont des chantiers en ce moment, ce sont ceux correspondant aux commandes d’avant-confinement. Or, depuis mars, « il y a un trou dans la raquette de 6 mois ». Au final, la FFB estime à 120 000, le nombre d’emplois en jeu, sur 1,2 million d’actifs dans le secteur.

34 MILLIARDS D’EUROS POUR LA COMPÉTITIVITÉ

Premier engagement financier concernant la compétitivité, la fiscalité des entreprises avec 20 milliards d’euros, consacrés à la baisse des impôts de production sur les exercices 2021-2022. L’innovation et une politique fiscale plus attractive sont les deux leviers présentés dans le Plan France Relance pour favoriser le développement d’activité.

Globalement, les patrons s’annoncent plutôt satisfaits du Plan de relance gouvernemental, à l’image de Christian Brethon, président Medef Marne et de l’UIMM Champagne-Ardenne : « La baisse de 10 milliards d’impôts sur la production dès 2021 est une vraie bonne nouvelle. L’idée du gouvernement étant de relocaliser la production en France, nos entreprises ont un réel besoin de retrouver de la compétitivité, donc cette mesure va dans le bon sens pour réduire le gap avec nos voisins et concurrents européens. Il faut rappeler toutefois que malgré cette baisse de 10 milliards, nous avons encore un différentiel de 53 milliards d’euros avec les entreprises allemandes ». Cette baisse d’impôts devrait donc améliorer la compétitivité des entreprises française sur les marchés, avec pour objectif d’inviter à la relocalisation.

Le patronat français souhaite désormais un accompagnement en matière de fonds propres et de haut de bilan pour assurer pleinement le succès de la relance « par l’offre » engagée par le gouvernement. « La relance nécessite désormais la confiance et les capacités d’investissement des entreprises », estime Christian Brethon. « En temps normal la capacité de remboursement moyenne des entreprises est de 7% du chiffre d’affaires.

Avec le PGE (Prêt Garanti par l’Etat) cette moyenne peut s’élever jusqu’à 15 voire 20% et seulement 30% des entreprises qui ont eu recours au PGE auront la capacité de le rembourser au bout d’un an. Il faut donc prévoir un fonds spécifique qui entre en haut de bilan et offre la capacité aux entreprises de continuer à investir ». Un dispositif de 3 milliards d’euros est destiné aux TPE, PME et ETI, le Medef espère voir mis en œuvre le plus rapidement possible.

« Notre seule inquiétude c’est le timing », poursuit Christian Brethon. « Il faudra aussi être vigilant à ne pas être les seuls bons élèves à faire tous les efforts, sinon on reviendra vite à l’ancien monde », prévient-il, même s’il voit d’un bon œil les prises de décisions à l’échelle européenne.

La question de l’épargne et de sa destination devra elle aussi faire l’objet d’une réflexion plus avancée, estime le président du Medef : « Près de 100 milliards d’euros ont été épargnés pendant la crise et les ménages ne sont pas enclins à faire des dépenses. On peut imaginer un système qui dirige cette épargne vers les entreprises, en créant un nouveau produit, plutôt qu’un Livret A qui, en outre, ne rapporte plus rien. Cela aurait un côté vertueux et permettrait aux Français de se réconcilier avec l’épargne d’entreprise ».

Haffner Energy compte sur un fort développement

Née de la création d’un bureau d’études en 1993, la société Haffner Energy existe dans sa structure actuelle depuis 2015. Spécialisée dans la production d’hydrogène renouvelable à partir de biomasse par thermolyse, l’entreprise a conçu un procédé de rupture technologique, appelé HYNOCA®.

« Le principe est de récupérer de la biomasse en la chauffant pour produire du gaz que l’on va transformer progressivement en hydrogène », explique Philippe Haffner, président de l’entreprise (photo). « Les aides annoncées du Plan de Relance, à hauteur de 7 milliards d’euros pour développer l’hydrogène vert sont une excellente nouvelle, car cela donne un cadre économique mais aussi réglementaire à toute la filière. Ces dispositifs vont faciliter les projets ainsi que l’innovation. »

Ces 7 milliards ont ainsi pour objectif de soutenir les projets portés par les entreprises dans les territoires, afin de favoriser l’émergence d’une offre française de solutions hydrogène, notamment en mettant en place un mécanisme de soutien à l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau par appel d’offres et complément de rémunération. Haffner Energy espère ainsi voir une progression « exponentielle » de son chiffre d’affaires et à terme, « créer des emplois ». Les secteurs visés sont à 95% ceux de l’industrie avec la pétrochimie mais aussi celui, émergent, de la mobilité.

« Il y a un véritable mouvement pour ce type d’énergie aujourd’hui. Pour preuve, une entreprise comme Toyota ne réalisait que 3 000 véhicules à pile combustible par an (fonctionnant à l’hydrogène donc), en 2020, ils ont décuplé la production pour la passer à 30 000 », relate Philippe Haffner. « Quand Nicolas Hulot, Ministre de l’environnement visait de ne plus utiliser de voitures à essence d’ici 2030, je pense qu’avec les mesures prises dans le Plan de Relance, ça ira plus vite. »

Nastasia Desanti et Benjamin Busson

L’ouverture de MaPrimeRenov’ à tous les ménages devrait booster le secteur du bâtiment dans les travaux de rénovation énergétique.