Pixii : la photo se réinvente à Besançon

David Barth, créateur de Pixii.

Alors que depuis les années 1990, l’appareil photo numérique n’a pratiquement pas évolué, le bisontin David Barth a imaginé Pixii le premier appareil conçu pour révéler ses images sur l’écran d’un smartphone. Véritable pont intergénérationnel, cet appareil à visée télémétrique sera également le premier fabriqué en France depuis 40 ans.

David Barth fondateur de Pixii, premier appareil photo directement connecté à une application mobile, est ce que l’on peut appeler un geek. À 17 ans, il publie un jeu vidéo chez Ubisoft. Si, dans son parcours universitaire, il choisit d’abord l’économie, en licence, il prend une passerelle pour obtenir un DESS « parallel computing ». Faisant partie des premiers utilisateurs de Linux, il s’intéresse à l’internet et au réseau. Ce qui le conduira à vivre plusieurs expériences professionnelles dans le développement Linux, à participer à la conception du Mandriva flash qui permet de transformer n’importe quel ordinateur en Linux, d’être recruter chez LaCie et de travailler pendant dix ans avec Mark Shuttleworth, de Canonnical, sur le projet Ubuntu (système d’exploitation Linux simple d’accès). « Quand je repense à mon parcours, deux images se juxtaposent à mon esprit : moi, à 17 ans parti en 4L vendre mon jeu chez Ubisoft et le même moi, 20 ans plus tard, revenant d’Afrique du Sud en jet avec un milliardaire comme patron. Il n’y a pas plus grand écart ! », confie David Barth.

L’APPAREIL DES RÉSEAUX SOCIAUX

Né à Besançon, dans l’univers très design d’un père détenteur d’une galerie contemporaine et d’une mère comptable, David Barth, aujourd’hui âgé de 48 ans, se prend de passion pour la prise de vue au début des années 2010. « Je fais partie de la génération qui a découvert la photo avec les appareils numériques, mais j’avais du mal avec les reflex. Le premier que j’ai acheté est finalement resté au fond de son sac à prendre la poussière ». Le déclic se fait lorsqu’il rachète le vieil appareil Leica, datant de 1932, de son beau-père. « En le démontant je comprends enfin « le truc” et constate que la mécanique ressemble énormément à ce qu’on peut trouver dans une montre. Je suis bluffé, et c’est ainsi que germe en moi l’envie de réaliser mon propre appareil photo ». Son idée se peaufine, quand, voulant prendre une photo dans un environnement sombre, il utilise la lumière de son smartphone pour éclairer son sujet : le concept Pixii venait de naître. « Alors que la nouvelle génération apprend la photographie avec un smartphone, plus personne ne comprend pourquoi un appareil doit encore s’encombrer d’un écran ou de cartes mémoires. Pixii innove en combinant un véritable boîtier photo et une application mobile qui en décuple l’évolutivité », explique le créateur. L’appareil offre un viseur télé-métrique original et la compatibilité avec les optiques Leica (mais aussi avec des références anciennes comme Leitz, Zeiss ou Voigtländer). Autonome, dépourvu d’écran, il enregistre l’image brute en laissant le contrôle des paramètres de prise de vue au photographe. Mais en même temps il communique, enWi-Fi ou en Bluetooth, avec une application mobile qui développe et révèle les images sur l’écran du smart-phone, rendant possible un partage direct sur les réseaux sociaux. Dès qu’une photo est prise elle peut être retraitée ou partagée.

À LA CONQUÊTE DU MONDE

En se plaçant sur un créneau de niche comme Leica et se servant de sa propre histoire, celle d’un Bisontin né dans la patrie de l’horlogerie et des micro-techniques, David Barth voit son projet prendre corps, se rationaliser. Il réunit d’anciens mécaniciens de chez LaCie et crée sa SAS en 2015. Celle-ci se situe au Sidhor, un bâtiment bisontin mythique où Fred Lip a lui-même mis au point la première montre électrique au monde. Là, sont assemblées les plus de 300 pièces de son appareil photo, pour une bonne moitié « made in France », l’électronique est, elle, asiatique. « Nous venons titiller le terrain de jeu de Leica, celui du viseur télémétrique, où il est seul depuis dix ans. Toutefois, notre orientation n’est pas dans le classicisme, le vintage, mais dans le futur. Notre appareil invite à la magie de la découverte du « je comprends la photo”. La technique devient intuitive, elle n’est pas polluée par l’écran. Pixii répond aux attentes de jeunes qui n’ont jamais fait d’argentique, qui ont commencé par le smartphone et qui s’enthousiasment pour la photo sur Instagram. Notre boîtier contente également ceux en recherche d’appareils télémétriques-numériques ». Après une phase de mise en place des financements auprès de BPI, l’obtention d’une bourse French Tech et un apport personnel de plusieurs centaines de milliers d’euros, à l’été 2018, la start-up a levé 500 000 euros d’amorçage pour entrer sur le marché. En septembre, Pixii a été dévoilé à l’occasion du salon Photokina et a suscité l’intérêt de nombreux observateurs. « À terme, l’objectif est de créer un constructeur d’appareil photos d’identité française, mais au rayonnement international, assure le fondateur. Nous avons des indicateurs qui nous permettent d’être assez confiant quant à l’avenir de notre projet. Il y a déjà cette tendance qui voit la vente d’appareils photos classiques ne cesser de chuter alors que parallèlement le nombre de photographes augmente au même rythme que les ventes de smartphones. Pixii est l’appareil de cette génération. L’autre point, c’est que nous sommes déjà approchés par des revendeurs de Suisse, d’Angleterre, des États-Unis, de Chine, de Thaïlande… Enfin, nous allons accueillir prochainement un nouvel actionnaire, ancien constructeur mondial dans l’industrie de la photo ».