Cette ancienne commerciale est responsable du centre France pare-brise de Montauban depuis un an. Elle joue des coudes dans un univers masculin qui lui plaît beaucoup.
Le football et l’automobile ont en commun d’être considérés comme des trucs d’homme. La Coupe du monde féminine en France est en train de faire bouger les lignes au niveau du ballon rond. Et si les pilotes de course et de rallye féminines ne sont pas encore visibles, dans le secteur de la réparation et de la mécanique, les mentalités évoluent. Notamment grâce à de fortes personnalités qui se taillent une place par elles-mêmes, telle Caroline Theriez, responsable du centre France pare-brise de Montauban depuis un an.
« C’est vrai qu’il n’y a quasiment que des hommes dans ce monde-là. Moi, je m’y sens très à l’aise ». La jeune chef d’entreprise reconnaît qu’il y a beaucoup à faire, même si cela avance doucement. « Il y a une dizaine d’années, les garages ou les concessions n’étaient pas ouverts aux femmes, sauf à l’épouse pour le côté administratif ». La pierre d’achoppement, avec certains, reste la pratique, le côté manuel. « On peut faire aussi bien qu’un homme sans forcément avoir été technicien, mais tout en connaissant le côté technique. Ça commence à rentrer dans les mœurs. Avec la nouvelle génération, ça ne pose pas de problème si vous n’avez pas commencé les mains dans le cambouis. Mais avec les anciens, c’est compliqué ».
Pourtant, pas besoin d’avoir les doigts tachés de graisse de moteur pour connaître la valeur du travail. Caroline Theriez n’a certes jamais bossé dans la mécanique, mais elle a retroussé les manches et mené une vie de laborieuse. Cette native de Bruay-la-Buissière, dans le Pas-de-Calais, a quitté le foyer familial à 18 ans, Bac commercial en poche, avec son mari, militaire engagé dans le génie. Sans faire partie de l’armée, elle a dû s’adapter aux fréquents changements d’affectation de 1990 jusqu’en 2009 : Angers, Metz, Charleville-Mézières, Arras… « J’ai toujours très bien vécu ça ». À chaque cantonnement, elle trouve du boulot en tant que commerciale, la plupart du temps dans le secteur de la publicité. Et élève ses enfants.
À la fin des années 2000, Caroline Theriez et sa famille s’installent à Montauban. « Il y a un moment où il faut se poser. Surtout pour les enfants. Quand on est arrivés, ma grande passait le Bac. Ici, je me suis sentie très bien accueillie par la ville, je me suis tout de suite fait un réseau ». Elle travaille pour le karting de la ville, où elle vend des pubs et s’occupe des animations pour les professionnels, un bon moyen pour se faire des contacts de manière décontractée. En 2012, l’entreprise met la clé sous la porte. Le propriétaire de deux franchises de la marque France pare-brise, qu’elle connaissait par le biais d’une expérience professionnelle, l’embauche comme responsable commerciale pour les sites de Castelsarrasin et Montauban.
La société fait de la réparation d’impacts, du changement de petits vitrages (lunettes arrière, optiques, rétroviseurs) et du remplacement de pare-brise. « On s’occupe de tous types de véhicules : voitures, utilitaires, mais aussi poids lourds, bus, machines agricoles et TP, c’est notre particularité. Dans un secteur très concurrentiel, on n’a pas le choix, il faut faire ce que les autres ne font pas ».
Le propriétaire, qui vit à Auch, n’est pas souvent là. De fait, Caroline Theriez prend de plus en plus de responsabilités, et devient manager en 2014. « J’aime beaucoup ça. Il faut toucher à tout, gérer une petite équipe, et travailler avec une clientèle variée, de professionnels comme de particuliers ».
Il y a deux ans, son patron lui propose de racheter le centre de Montauban. « J’ai dit oui, cela coulait de source. Il voulait transmettre, il a fait ça dans les règles de l’art ». L’ancienne commerciale suit une formation avec la CCI de Tarn-et-Garonne puis prend en douceur les rênes de la société en 2018. Un an après sa prise de fonction, et de participation, elle ne regrette pas. « Ce n’est pas tout le temps facile, mais ça me plaît beaucoup. Je bouge pas mal à l’extérieur pour des opérations commerciales, j’aime ça, je suis quelqu’un de terrain ».
Aujourd’hui, le centre France pare-brise de Montauban traite 2500 pièces par an et emploie trois salariés, deux techniciens et une secrétaire commerciale. La nouvelle patronne a des projets de développement, mais il est un peu tôt. « Ça fait partie des challenges, mais j’attends la deuxième année, le temps de renforcer le tout ».
Caroline Theriez sait qu’elle fait partie des exceptions. « France pare-brise a 20 ans. À l’origine, c’était un ensemble de garages indépendants fédérés par un groupe de copains. En 2019, il y a 338 centres franchisés. Moins de cinq sont dirigés par des femmes, même s’il y a des couples qui gèrent certains sites. On doit faire beaucoup plus que nos homologues masculins pour arriver au même résultat ». Ce n’est pas suffisant, mais c’est déjà beaucoup d’avoir pu entrer par la grande porte dans un secteur dominé par les mâles. Et il y a du potentiel. « Une femme peut faire passer plus de choses quelquefois sur des faits bien précis. Un client va avoir des doutes sur un montage, le côté technique ne va pas suffire. Nous, on peut apporter quelque chose de différent, contourner, faciliter, là où un homme sera plus direct ».
Rouler des mécaniques a toujours la cote, mais la touche féminine a de l’avenir. Qui aurait cru il y a 10 ans que les joueuses de l’équipe de France de foot attireraient autant de téléspectateurs que les Bleus ?
