Florence RobinPile à énergie positive

Florence Robin

À la tête de Limatech, une start-up toulousaine qui développe des batteries au lithium innovantes pour l’aéronautique et la défense, la trentenaire s’épanouit dans la techno, un univers encore très masculin.

De l’importance des role models… Ceux de Florence Robin n’ont pas le profil habituel. La jeune femme de 33 ans, qui est aujourd’hui à la tête de Limatech, une start-up fondée il y a quatre ans, qui développe des batteries au lithium innovantes destinées au marché de l’aéronautique et de la défense qui apportent de sérieux gains en termes de puissance, de sécurité et de durée de vie, a trouvé les siens dans le giron familial, auprès d’oncles très bricoleurs, chercheurs au CEA de Grenoble dont l’un, pilote amateur, a construit son propre ULM dans son garage. De fait, « les repas de famille étaient très peu conventionnels, s’amuse la jeune femme. On me demandait de faire des calculs de résistance ou ce genre de choses et je les faisais ! » Des repas qui immanquablement se terminaient par un passage au garage pour découvrir « les dernières inventions des tontons ». Cet « écosystème un peu particulier » lui a donné envie « de voir comment ça fonctionne. D’ailleurs dès qu’on m’offrait quelque chose – souvent « des gadgets technologiques » – c’était pour regarder dedans ! ». Rien d’étonnant donc dans le fait que cette « forte en techno » ait choisi de faire un bac STI (sciences et techniques industrielles) – où « il n’y avait effectivement pas beaucoup de filles » – puis un BTS avant d’intégrer le Conservation national des arts et métiers d’Avignon pour obtenir son diplôme d’ingénieur en génie industriel et mécanique. Soit cinq ans de formation en alternance chez Trixell, une filiale de Thales basée à Moirans dans l’Isère, un des leaders mondiaux des détecteurs radiologiques numériques. Elle y a la chance de « pourvoir concevoir un produit de A à Z », puis de l’industrialiser. « Cela m’a permis de voir les deux côtés : la techno et l’indus, explique-t-elle, c’était super intéressant ! »

Son diplôme en poche, la jeune femme arrive à Toulouse, parce qu’explique-t- elle, « dans le secteur technique, l’aéronautique, c’est le domaine de l’excellence, ça fait un peu rêver ». Elle fait plusieurs missions, chez Airbus, Zodiac Aerospace, et d’autres sous-traitants. À l’époque, en 2015, le segment des jets privés dans lequel elle travaille connaît un trou d’air. Elle enchaîne avec une nouvelle mission chez le cimentier Lafarge. « Rien à voir ! »… Florence Robin décide alors de franchir le pas et de se lancer dans l’entrepreneuriat. Un projet sur lequel elle cogite depuis quelque temps avec un de ses amis. « Max (Maxime Di Meglio, aujourd’hui son associé au sein de Limatech, NDLR) et moi, nous avons toujours eu envie de créer une entreprise mais nous cherchions une idée. En fait, elle était dans le garage de mon oncle ! », Max Beranger, le chercheur en électronique au CEA et pilote amateur. Lequel, faute de trouver sur le marché un produit suffisamment sûr pour faire démarrer le moteur thermique de son ULM, a conçu lui-même une batterie au lithium « révolutionnaire », car trois fois plus légère, sachant que le poids est un enjeu fondamental dans l’aviation. Les deux amis trouvent l’idée « géniale ». « C’est comme si on voyait le futur : on imaginait l’énorme marché » qui s’ouvrait. « Ça pouvait vraiment faire avancer les choses dans l’aéronautique, parce que, dans certains domaines, passer les certifications, c’est tellement long et compliqué que lorsque quelque chose fonctionne, on n’innove pas tout de suite ! »

En 2015, avec cette innovation de rupture, le chercheur isérois, avec l’appui de Florence Robin et Maxime Di Meglio, décide de concourir au challenge First Step, un dispositif d’essaimage du CEA. Mais le trio n’obtient pas le financement espéré. Pour autant, « pendant un an, on a pu développer notre techno. On a aussi bénéficié d’un coach, ce qui nous a permis d’apprendre pas mal de chose : on a fait notre business plan, notre road map. On a aussi eu le temps de faire une étude de marché. Bref, les choses étaient un peu plus claires. » Ce qui est limpide aussi c’est qu’à ce stade de l’aventure, la jeune femme a attrapé le virus de l’entrepreneuriat. Impossible pour elle de revenir en arrière. Elle décide alors de tout plaquer pour créer sa micro-entreprise mais, faute de financement, délaisse un temps les batteries au lithium pour s’intéresser aux feux de navigation, ceux qui se trouvent au bout des ailes d’avion. Un sujet sur lequel elle a planché durant ses études à la demande de son oncle. Les stroboscopes à led ultra-puissants qu’ils mettent au point à l’époque conquièrent rapidement tous les pilotes de l’aéro-club. Sur la base de ses travaux, elle peaufine son prototype, crée une ligne de production et commercialise des feux sous la marque Raylight, pensant « avec un peu de naïveté » que « cela financerait mon projet de batterie ». Le produit a beau être un succès – elle vient d’envoyer ses premiers colis outre-Atlantique –, les retombées sont loin de suffire… « N’empêche, cela a été hyper bénéfique, parce que grâce à ce projet, nous avons pu montrer nos capacités, notamment au directeur de la valorisation et de l’essaimage au CEA qui, cette fois, a crû en nous et nous a pris sous son aile. » Un soutien de poids qui permet à l’équipe d’obtenir sa première subvention pour financer le développement des fameuses batteries au lithium avec le Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information (Leti) du CEA. « Tout s’est enchaîné très vite après. » En octobre 2016, le trio fonde la SAS Limatech et absorbe Raylight. « Cela nous a montré la voie pour les batteries, puisque c’est le même écosystème, les mêmes salons, les mêmes revendeurs. Nous sommes connus de cet écosystème, nous bénéficions d’une bonne image et du coup, tout le monde attend nos batteries ! »

Il faudra cependant patienter encore quelques mois, le temps pour Limatech, qui planche désormais sur une batterie de 24 V destinée aux business jets et à l’aviation commerciale, d’obtenir toutes les certifications nécessaires. En quatre ans cependant, l’entreprise, qui emploie aujourd’hui 13 équivalents temps plein, n’a pas chômé. Sur l’échelle TRL qui mesure le niveau de maturité technologique, elle se situe désormais au septième stade sur neuf. En parallèle, Limatech, qui recherche des locaux pour installer ses futures lignes de production, est en train de qualifier sa chaîne de sous-traitants. Et là encore, l’expérience Raylight lui est précieuse : « Nous avons pu voir tous les problèmes qui nous attendaient mais à petite échelle ! », confirme Florence Robin qui espère voir les premières batteries au lithium signées Limatech arriver sur le marché dès 2021. Pour l’heure, après avoir réussi une première levée de fonds, une seconde, de 2 M€, est en cours, réalisée en partie via une opération de crowdfunding sur la plateforme Finple.

Parcours

1987 Naissance près de Grenoble
2009 Obtient un BTS conception de produits industriels en alternance au CFAI du Dauphiné et chez Trixell, filiale de Thales à Moirans (38)
2012 Ingénieur en génie industriel et mécanique en alternance au Conservatoire national des arts et métiers d’Avignon et chez Trixell à Moirans
2013-2015 Enchaîne les missions chez Design’Air, Zodiac Aerospace, Sier et Lafarge
2016 Gérante de Raylight Aircraft
2016 Avec Maxime Di Meglio et Marc Béranger, fonde Limatech, une start-up qui développe des solutions mécatroniques innovantes pour l’aéronautique et la défense
2020 Limatech mène une levée de fonds de 2M€