Associé chez Exco, cabinet d’audit, d’expertise comptable et de conseil, le Toulousain est le nouveau président d’Aïda, l’association d’entreprises mécènes de l’Orchestre national du Capitole et, depuis peu, du Théâtre et du Ballet.
90 entreprises mécènes, 500 K€ collectés chaque année. Une centaine de tournées financées sur tous les continents, une cinquantaine d’œuvres enregistrées, plus de 80 concerts diffusés en direct sur Radio Classique… Le bilan d’Aïda, l’association des entreprises mécènes de l’Orchestre national du Capitole est plus que positif. La structure, qui a fêté ses 30 ans l’an dernier, a depuis quelques semaines un nouveau président. À la tête de l’association depuis 2001, Francis Grass a en effet passé le flambeau à Pierre d’Agrain. Lequel connaît bien l’institution pour avoir été 12 ans au conseil d’administration et huit ans au bureau. Le nouvel élu, qui comme souvent en pareil cas, « souhaite s’inscrire dans la continuité », n’en a pas moins un challenge à relever. À savoir accroître la visibilité de l’association dans l’écosystème toulousain afin de trouver de nouveaux mécènes, et ce faisant renforcer ses moyens financiers.
Depuis un an, Aïda a en effet élargi son champ d’action. L’association, qui ambitionne depuis l’origine de faire rayonner l’Orchestre très au-delà de nos frontières en finançant tournées, enregistrements de CD, radiodiffusion et projets individuels des musiciens, a ouvert ses portes au Théâtre et au Ballet du Capitole. À la nuance près que pour l’opéra et la danse, il s’agit désormais de financer des projets artistiques. À l’image de la création d’Orphée, un projet porté par le directeur du Théâtre du Capitole, Christophe Ghristi. « C’est là que l’expertise en ingénierie du mécénat culturel des trois permanents d’Aïda a toute son importance », note Pierre d’Agrain, l’idée étant in fine de « multiplier les rencontres entre les adhérents, les musiciens, les danseurs et les choristes ». Aïda est d’ailleurs, fait observer son président, « la seule association de mécénat culturel à promouvoir les trois univers».
Pour le mélomane Pierre d’Agrain, qui avoue un penchant pour la musique baroque – une passion qu’il a pu librement assouvir lorsqu’il travaillait à Paris et ne manquait pas le passage de William Christie, Trevor Pinnock ou Jordi Savall au festival de musique baroque de Versailles –, pouvoir « partager ce plaisir de la musique avec d’autres chefs d’entreprise, vivre de l’intérieur la vie de l’orchestre, de la création jusqu’à la réalisation, c’est passionnant ». C’est du reste « en revenant à Toulouse que j’ai eu la chance de découvrir la musique française grâce à Michel Plasson, et de l’approcher de près grâce à Aïda. Une belle rencontre », reconnaît Pierre d’Agrain.
Ce quinqua natif de la Ville rose a comme beaucoup fait ses premières armes dans la capitale. Il a d’abord fréquenté Saint-Stanislas, Bellevue, Pierre de Fermat, puis l’université Toulouse 1 Capitole, avant de finir son cursus à Paris-Dauphine. Diplôme d’expertise comptable en poche, comme son père, qui exerce en libéral à Toulouse. En 1992, sortant de Dauphine, il est recruté par un des Big Five de l’époque, le cabinet d’audit international Arthur Andersen. Avant de signer, il fait toutefois ses classes à Coëtquidan. « Je suis devenu aspirant puis sous-lieutenant dans un régime de cavalerie et quand j’ai fini de m’éclater à la campagne, je suis venu travailler à la Défense ! »
En 1999, il ouvre le bureau Andersen à Toulouse, et l’année suivante, fait adhérer le cabinet à l’association Aïda. Quelques mois plus tard l’affaire Enron fait les gros titres. Le scandale financier finit par entraîner la disparition d’Andersen. « Je l’ai mal vécu parce que c’était vraiment injuste, explique Pierre d’Agrain. D’ailleurs Arthur Andersen a été blanchi en 2005. Mais c’était trop tard ». Chaque cabinet a repris son indépendance et Andersen, en France, a été repris par EY. « Nous étions plusieurs associés en région à n’avoir pas suivi chez EY. À l’époque Exco était en négociation pour intégrer le réseau Andersen, projet de fusion qui a été abandonné. Je travaillais personnellement sur ce projet. J’ai donc trouvé intéressant de poursuivre dans cette voie. D’où le passage d’Andersen à Exco en 2003 ».
Le groupe Exco, qui fait partie du réseau international Kreston, compte aujourd’hui 2 400 collaborateurs, 140 cabinets, 225 experts-comptables et est implanté dans 17 pays. « Le fait d’appartenir à un groupe nous permet d’avoir une activité internationale. Cela veut dire accueillir des filiales de groupes étrangers en France. Cela signifie aussi accompagner des clients dans leur développement à l’international sur tous les continents. Cela nous permet d’adresser une clientèle que nous n’aurions pas sans cela. Cela permet aussi de communiquer et de se donner de la visibilité sur des secteurs qui nous semblent à fort potentiel, et notamment dans le domaine de l’innovation et des start-up ».
Ces univers passionnent Pierre d’Agrain qui a participé à la naissance de plusieurs jeunes pousses : Teo-gest, en 2012, une start-up qui développe une plateforme de gestion en mode Saas, qui revendique depuis sa mise sur le marché en janvier 2016, 30 000 utilisateurs ; et Centrafact, une plateforme d’échanges de factures électroniques interentreprises, également en mode Saas qui sera mis en ligne mi-2019. « Les TPE-PME n’ont pas encore pris le train de la facture électronique alors que c’est un excellent moyen de réduction des coûts, d’accélération des délais de paiement. En plus, c’est « green”. C’est vraiment un outil pour améliorer la performance des entreprises, détaille Pierre d’Agrain. En fait, avec ces deux outils, Teogest et Centrafact, je traite la transition numérique d’Exco ». La disparition de certains métiers évoquée par certains, notamment dans le domaine de la comptabilité, n’inquiète guère Pierre d’Agrain, « puisqu’avec ces outils, on pourra appliquer de l’intelligence artificielle, du Big Data et donc permettre à nos collaborateurs d’évoluer, de ne plus être simplement des techniciens, mais d’être des conseils qui pourront apporter à nos clients de l’empathie et de la bienveillance ». La transition numérique est pour lui une opportunité bien plus qu’une menace. « Et puis c’est passionnant », assure-t-il.
L’homme qui ne se voyait pas exerçait en libéral – « j’ai besoin de travailler en équipe, explique-t-il. Et puis, j’aime la démarche d’entreprise : on investit, on mène des projets à moyen et long termes »–, se dit avant tout « tourné vers son métier ». Il a ainsi participé à la création en 2015 de Toulouse Place Financière, qu’il préside aujourd’hui, la neuvième de ce type en France et qui réunit, depuis la disparition des bourses régionales, agents de change, banques, fonds d’investissement, avocats, cabinets d’audit spécialisés et entreprises intéressées par le financement de haut de bilan. Très tourné vers les autres aussi : membre de l’Ordre de Malte, il participe depuis 10 ans aux maraudes du Samu social, parce explique-t-il, « il est important d’aller vers les plus démunis et de mettre en application ses convictions ».