« Oublions l’image d’Épinal de l’expert-comptable ! »

Eric Corret a été élu à la présidence de l’Ordre des experts-comptables en Bourgogne Franche-Comté au 1er janvier. L’occasion de revenir sur les objectifs de son prochain mandat mais aussi sur l’actualité, à savoir la loi Pacte qui fête ses deux ans et la crise sanitaire qui se poursuit.

Le Journal du Palais. Vous êtes à la présidence régionale de l’Ordre des experts-comptables depuis le 1er janvier, vous avez été élu pour quatre ans, quels objectifs vous êtes-vous fixés ? 

Eric Corret, président de l’Ordre des experts-comptables. Nous nous sommes fixés trois objectifs principaux de mandature. Nous souhaitons tout d’abord mieux faire connaître notre profession et son utilité. Pour reprendre une expression chère à notre président national, nous sommes « au cœur de l’économie » et nous voudrions le faire savoir davantage. Nous sommes avant tout des entreprises qui avons beaucoup de personnel. Il faut donc que nous ayons une image attractive pour trouver du monde pour nous rejoindre. Il est aussi important de renforcer le sentiment d’appartenance de nos équipes. Ensuite, au cours de notre mandat, nous allons travailler sur l’attractivité auprès des jeunes de différents cursus. Nous avons de nombreux nouveaux métiers dans nos cabinets qui nécessitent des compétences très variées. Par exemple, avec l’évolution du numérique, nous avons besoin de personnes pour analyser des données, organiser des process, traiter et organiser la donnée, utiliser et paramétrer certains outils, veiller à la cybersécurité, etc. L’image d’Épinal de l’expert-comptable derrière sa pile de papier et sa grosse calculette n’existe heureusement plus depuis bien longtemps. Il nous faut aujourd’hui arriver à analyser et à prendre du recul sur les éléments recueillis pour avoir des réflexions adaptées à des secteurs d’activité, et synthétiser tout cela pour aller vers du conseil. Enfin, le numérique va être le grand chantier des années à venir. Ce n’est pas seulement le fait qu’on ait un développement de tous les nouveaux outils, mais aussi le fait que le gouvernement a décidé la généralisation de la facture électronique, pour tout le monde, entre 2023 et 2025. Autant dire que c’est un vrai big bang pour l’ensemble de nos PME qui ne travaillaient, jusqu’à maintenant, qu’avec du papier. Nous avons une transformation complète à prévoir dans les années à venir et nous sommes déjà en partie prêts dans les cabinets à accompagner et sécuriser le tissu entrepreneurial. 

Finalement qu’est-ce qu’un expert-comptable et quelles sont ses missions ? 

Nous sommes aujourd’hui 640 experts-comptables sur la région Bourgogne Franche-Comté, une profession réglementée sous tutelle du ministère de l’économie et des finances et nous avons des obligations sur lesquelles notre mission, en tant qu’ordre, est de veiller à ce qu’elles soient bien respectées. Accompagnés d’environ 6.000 collaborateurs, nous travaillons au service des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité, mais aussi de toutes implantations géographiques. Nous avons tous le spectre de ce qui existe dans l’économie. Nos clients externalisent chez nous un certain nombre de tâches allant de l’administratif au déclaratif en passant par la comptabilité, la gestion des paies, etc. Au-delà de tout cela, nous avons aussi une mission de conseil. On nous surnomme bien souvent le premier conseil du chef d’entreprise. Peu prennent de grandes décisions sans nous en parler. Nous avons bien souvent une vision complémentaire de celle du dirigeant sur les disciplines ou les casquettes qu’il n’a pas, ce qui nous permet de mixer les deux approches et visions pour essayer de prendre les meilleures décisions possibles. 

La loi Pacte est entrée en vigueur en 2019, entraînant un certain nombre de bouleversements. Aujourd’hui, quel est le retour que vous en faites et a-t-elle eu une incidence sur votre profession ? 

Pour l’expertise comptable, la loi Pacte a surtout été porteuse d’évolutions sur lesquelles nous étions demandeurs. Nous avons notamment, depuis la promulgation de cette loi, la possibilité de faire des missions administratives complètes pour nos clients. C’est-à-dire que nous pouvons intervenir sur leur facturation clients et relance, mais également générer leur paiement. Nous avons pour cela une délégation par les banques qui nous permet d’avoir des accès sécurisés pour utiliser les comptes bancaires des clients sur leur mandat et pour des factures qui les concernent. C’est une mission à haute confiance et responsabilité qui nous est confiée parce que nous sommes une profession réglementée. C’est l’élément le plus important pour les experts-comptables dans la loi Pacte qui permet d’officialiser, de légitimer, de cadrer et de sécuriser les missions que nous faisons de plus en plus. Après, il y a eu quelques autres aménagements comme les honoraires de succès, pour des missions très particulières qui nous permettent d’avoir des honoraires différents en fonction du succès et de la réussite. On peut par exemple l’imaginer en cas de transmission d’entreprise, puisque c’est une mission compliquée qui peut durer et que nous ne savons pas toujours bien calibrer. Sachant tout de même que nous sommes une profession qui a su évoluer toute seule depuis longtemps, sans attendre l’intervention du législateur. Finalement, nous nous adaptons continuellement à nos clients et aux besoins du marché. Et les demandes que nous faisons au législateur comme dans ce cas de figure avec la loi Pacte sont surtout pour adapter nos services aux attentes du marché ou de nos clients. 

Nous sommes en pleine crise sanitaire depuis maintenant un an. Quel a été votre rôle durant cette période, au service des entreprises du territoire ? 

Comme tout le monde, nous nous sommes retrouvés confinés et avons dû renvoyer tous nos collaborateurs chez eux avec des organisations pas forcément adaptées. Face à cela, il a fallu trouver des organisations qui permettent de pouvoir assurer le service, tant sur la partie courante, mais aussi, rajouté à cela, l’exceptionnel du moment. En effet, à partir de ce moment-là, le gouvernement a commencé à mettre en place de nombreuses mesures, comme le chômage partiel, les prêts garantis par l’État, le fonds de solidarité ou encore les exonérations de cotisations. Autant de sujets qui nous ont impactés directement. Puisqu’il faut bien imaginer que derrière toutes ces procédures parfois compliquées, chaque expert-comptable a dû multiplier tout cela par le nombre de ses clients, en plus de ses missions habituelles, avec des évolutions qui sont plutôt de l’ordre de l’adaptation. Nous avons donc dû nous former presque en temps réel pour être sûr de connaître les règles d’applications pour répondre au mieux à nos clients. C’est beaucoup de pression que nous avons pour permettre à tout le monde de continuer à exister malgré la crise et pour permettre de sauver de nombreuses entreprises et beaucoup d’emplois directes. Nous nous sommes toutefois adaptés et aujourd’hui, nous commençons à avoir les demandes des banques pour savoir comment seront remboursés les PGE, mais aussi les demandes d’étalement des paiements des cotisations et autres paiements qui avaient jusqu’à présent été gelés par les organismes. Ainsi, pour chaque client, nous analysons la possibilité de remboursement et le scénario à mettre en place pour que cela soit réalisable et pour essayer de remettre sur rail le plus d’entreprises possible avec des conditions de remboursement qui soient supportables par l’activité. Les dispositifs mis en place par l’État et les collectivités sont très efficaces, ce qui permet aujourd’hui de pouvoir affirmer que nous sommes devant une situation relativement maîtrisée dans le périmètre dans lequel nous sommes. Maintenant, il va falloir faire attention à la sortie de crise. Néanmoins, des politiques fortes ont été mises en place pour financer un plan de relance, c’est un sujet intéressant puisque ça peut permettre de donner un coup de boost à de beaux projets régionaux ou d’implantations. Nous avons un effort pédagogique à faire auprès des dirigeants, notamment de nos PME régionales, pour leur donner envie d’aller dans ce sens, au-delà même des aides publiques qui sont indispensables aujourd’hui.