Alors que le nombre de procédures collectives ne cesse de baisser pouvant laisser penser que nous sommes actuellement dans une période économique plutôt favorable, le Tribunal de commerce de Dijon souhaite cependant renforcer ses actions de prévention auprès des chefs d’entreprise et être davantage présent à leurs côtés pour poursuivre cette dynamique positive malgré la crise sanitaire.
«Le tsunami des procédures collectives n’a pas eu lieu et force est de reconnaître que malgré la période de reprise – parce que la période de reprise peut aussi être une période de difficulté, il faut en effet avoir la trésorerie pour racheter et relancer la machine – il y a encore moins de procédures collectives à fin mai que l’année dernière », observe le président du Tribunal de commerce de Dijon, Jérôme Prince. La donnée la plus frappante, selon l’élu, est l’évolution du nombre de redressements judiciaires prononcés ces trois dernières années. Sur les cinq premiers mois de l’année 2019, « une année relativement bonne » selon le président, le Tribunal de commerce de Dijon a enregistré 63 redressements judiciaires. L’année suivante, sur la même période et en pleine crise sanitaire, seuls 22 redressements judiciaires ont été prononcés soit une chute de 65%. Une baisse qui se poursuit cette année puisque l’instance a prononcé 19 redressements judiciaires entre janvier et mai (- 14 % par rapport à 2020). « C’est incroyable et ça dure, analyse Jérôme Prince. En revanche, je pense que les difficultés, parce qu’il y en aura, vont se gangréner au fur et à mesure du temps. Quand les aides vont s’arrêter ou encore quand il faudra rembourser un PGE, les difficultés vont se cumuler et ce sont autant de choses qui pèseront sur l’activité de l’entreprise. Il ne faudra toutefois pas s’attendre à voir des difficultés avant 2022. Et vu comme c’est parti, il ne pourrait pas non plus y avoir de grosses difficultés ».
Le Tribunal de commerce de Dijon ne cache pas toute l’importance de l’anticipation et de la prévention. Pour le président de l’institution, les syndicats patronaux, les organisations professionnelles et les réseaux consulaires ont un rôle essentiel à jouer de par leur proximité avec leurs adhérents, à travers des échanges et des conseils. « Pour ma part, lorsqu’un chef d’entreprise souhaite s’entretenir avec moi, je suis très flexible et réactif et peux le recevoir sous deux ou trois jours », rappelle Jérôme Prince.
ALERTES PRÉSIDENT
En complément des mesures de prévention déjà en place et à l’image de la nouvelle dynamique impulsée avec l’arrivée de la nouvelle greffière Emmanuelle Paillé, le binôme Greffe – Tribunal de commerce a mis en place un nouveau dispositif “Alertes président ”. « C’est déjà une action de prévention courante dans beaucoup de tribunaux et encadrée par la loi (Article L611-2 du Code de Commerce), confie le président du Tribunal de commerce de Dijon. Dans les faits, le Greffe va faire une première sélection d’entreprises qu’il jugera en possible difficulté. De cette dernière, après avoir analysé l’ensemble des fiches produites et retiré les entreprises déjà en procédure amiable, je sélectionne celles dont la situation me semble la plus préoccupante pour convoquer les chefs d’entreprise à venir me rencontrer pour en savoir plus et créer un lien. Nous ne sommes pas là pour donner des conseils, nous n’avons d’ailleurs pas le droit de le faire. En revanche, nous pouvons leur exposer toutes les solutions possibles. Certains sont conscients de leurs problèmes et ont besoin qu’une tierce personne leur confirme, mais la plupart n’en sont pas conscient et à ce moment-là, nous sommes là pour mettre le point sur ces problèmes et échanger en bonne intelligence avec eux ». Pour ce faire, grâce au Greffe et de manière anonyme, le Tribunal de commerce s’appuie sur huit critères, allant des procédures d’injonctions de payer, autres procédures judiciaires, capitaux propres négatifs ou perte de plus de la moitié du capital social, en passant par les inscriptions (Trésor, organismes sociaux etc…) ou encore le non dépôt des comptes. « L’idée c’est de le faire le mieux possible et le plus efficacement possible. Parfois, certains dossiers sont directement confiés au procureur de la République qui lui seul a le pouvoir d’assigner une société en redressement judiciaire. Le but de tout cela n’est pas d’être méchant, au contraire, c’est d’essayer d’aller capter les chefs d’entreprise et de les faire venir pour analyser la situation », rappelle Jérôme Prince. Le tout dans un circuit très court, puisque pour assurer une totale confidentialité, seuls sont au courant le président du Tribunal du commerce, son secrétariat et une commis greffière.
DES PROCÉDURES AMIABLES AUX PROCÉDURES COLLECTIVES
« Lorsque l’entreprise a un problème spécifique, si elle ne fait rien, au fur et à mesure, elle creuse son trou parce que cette créance ne sera pas étalée, les dettes s’empileront et les moratoires ne seront pas respectés… Alors que si l’entreprise fait appel à la CCSF (Commission départementale des chefs des services financiers, Ndlr) depuis le début avec tous les organismes sociaux, ce sera déjà un problème en moins et si elle a un problème bancaire ou avec un créancier en particulier, elle peut faire une procédure amiable. » Dans cette procédure, le mandat ad hoc et la conciliation sont des outils confidentiels de prévention des difficultés qui peuvent être déclenchés à condition de ne pas être en cessation des paiements (pour le mandat adhoc). « Avant d’être malade, dès l’apparition des symptômes, l’entreprise peut s’orienter vers une procédure amiable. En revanche, dès qu’elle devient malade, elle devra se diriger vers une procédure collective. Le problème avec les procédures collectives, c’est qu’elles ne sont pas anonymes », développe-t- il. Parmi les procédures collectives, la sauvegarde permet de traiter en amont les difficultés et reste une procédure souple, à condition que l’entreprise ne soit pas en état de cessation des paiements. Enfin, le redressement judiciaire est ouvert lorsque l’entreprise se trouve en état de cessation des paiements, afin de permettre la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif, à travers l’adoption d’un plan de redressement ou de cession. En dernier lieu, si aucune solution n’a été trouvée et si le redressement est impossible, une liquidation judiciaire devra marquer l’arrêt de l’activité de l’entreprise. « Les chefs d’entreprise que nous voyons viennent trop tardivement, ils sont bien souvent déjà en cessation des paiements. C’est un vrai problème et on ne cesse de le répéter. »
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Pour toutes demandes de prévention : prevention@greffe-tc-dijon.fr
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Mieux accompagner les entreprises
À la demande notamment de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) qui attire régulièrement l’attention sur le risque de fragilité de certaines entreprises plus durement touchées par les restrictions et le recul de l’activité, le gouvernement a mis en place un “Plan d’action sur l’accompagnement des entreprises en sortie de crise”.
« La CPME se félicite de la volonté de tous les partenaires de l’entreprise de prévenir les défaillances d’entreprises en s’efforçant de détecter de manière anticipée les fragilités financières », commente Martin Six, secrétaire général de la CPME 21. La mise en place d’un conseiller départemental à la sortie de crise et d’un numéro de téléphone unique devraient ainsi permettre aux entreprises de s’orienter vers le meilleur dispositif de soutien.
La “boite à outils financiers” offre également un soutien utile à la liquidité et aux fonds propres des TPE-PME. L’octroi d’une avance remboursable ou d’un prêt bonifié couvrant les besoins en investissement ou en fonds de roulement d’une durée d’amortissement pouvant aller jusqu’à dix ans avec trois ans de franchise et ce, dans la limite de 800.000 euros pour les PME, rejoint ainsi la logique du prêt de consolidation proposé par la CPME. Des “plans d’apurement échelonnés regroupant à la fois les dettes fiscales et sociales” pourront également être proposés aux entreprises débitrices auprès de plusieurs créanciers publics. La durée maximum de remboursement sera portée de 36 à 48 mois.
« La CPME se réjouit enfin de voir retenues un certain nombre de ses préconisations sur les procédures judiciaires. On peut par exemple mentionner la création d’une procédure collective simplifiée pour les TPE et la mise en place d’un “mandat ad hoc de sortie de crise” qui ne pourra dépasser un délai de trois mois et dont le coût sera plafonné en fonction de la taille de l’entreprise, complète Martin Six. Reste maintenant à concrétiser sans plus attendre les mesures de soutien réclamées par la CPME pour les indépendants contraints de cesser leur activité, qu’il s’agisse de la suspension des cautions personnelles en cas de défaillance, de l’inscription au Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ou de la clôture des dettes sociales en cas de liquidation ».