Pierre-Olivier NauOptimiste par nature

Le nouveau président du Medef Haute-Garonne a pris la tête il y a un an et demi du groupe Manatour. Au carrefour du tourisme, de l’événementiel et de la culture, l’entreprise est durement affectée. Ce qui ne l’empêche pas de garder le cap. 

Pierre-Olivier Nau est le nouveau président du Medef Haute-Garonne. À 46 ans, il dirige le groupe Manatour, l’un des leaders français du tourisme de découverte économique, qui accueille près de 500 000 visiteurs par an sur une trentaine d’installations différentes, dont Airbus, EDF, Aeroscopia, La Dépêche du Midi, le Stade Toulousain, le Grand Marché, ou encore Paris La Défense Arena… Un secteur aux confluences du tourisme, de la culture et de l’événementiel qui s’est retrouvé depuis le début de la pandémie, « dans l’œil du cyclone ». « Cette pause Covid est d’une grande violence pour nous, confirme Pierre-Olivier Nau qui s’attend à « une baisse de 60 à 65 % de son chiffre d’affaires » cette année. Pour y faire face, l’entreprise a fait appel « aux exonérations de charge patronales, au chômage partiel et nous avons souscrit un PGE à hauteur de 12 % du chiffre d’affaires de 2019, précise le dirigeant. Nous sommes du reste en train de faire nos prévisions de trésorerie pour voir s’il faut envisager une deuxième souscription ». Malgré cette situation fortement dégradée, le patron de Manatour ne se dit pas inquiet pour la survie de son entreprise et veut voir dans cette crise « une immense opportunité de réorganiser l’entreprise, de l’armer différemment pour aller vers un modèle opérationnel plus efficace, une meilleure rentabilité. En travaillant notamment sur la gestion des relations avec les visiteurs, la gestion des lieux et en développant un nouvel esprit de conquête. » Ce dont le groupe, fondé il y a 30 ans par son père, Philippe Nau, et Jean-Pierre Mas, actuel président des Entreprises du voyage (ex-Snav), a un peu manqué au fil des ans. Depuis mars 2019 à la tête d’un groupe qui emploie aujourd’hui 82 personnes pour un chiffre d’affaires de 6,5 M€ en 2019, Pierre-Olivier Nau veut donc imprimer un nouveau souffle à ses équipes. Une nouvelle page aussi dans son parcours sans écueil loin de la Ville rose. L’ancien élève du Caousou qui se rêvait à Sciences Po, a, après « deux très belles années » en prépa HEC à Ozenne, finalement intégré le programme Grande École de Toulouse Business School en marketing, grande conso. Dans les pas de ses parents, deux anciens de Sup de co, versés dans le métier de la communication et l’entrepreneuriat – sa mère a dirigé pendant une quinzaine d’années NRJ Toulouse et son père a créé un cabinet de conseil avant de se lancer dans l’aventure de Manatour. Des parents qui reçoivent beaucoup et fréquentent les milieux business de Toulouse. « Cela a dû me marquer un peu ! », reconnaît dans un sourire Pierre-Olivier Nau, qui, son diplôme en poche, décide d’« aller prendre un peu l’air ailleurs, d’essayer de vivre un peu par moi-même. » Recruté comme chef de produit dans le secteur des cartes bancaires au Crédit Lyonnais à Paris, il franchit la Manche trois ans plus tard pour intégrer Visa Europe, où il est nommé responsable marketing marché pour la France, le Benelux et Israël. « J’avais 28 ans à l’époque, se souvient-il, et la boîte m’a fait confiance ». Il y passera « trois années qui ont constitué un virage très important dans ma vie. D’abord parce que c’est là que j’ai rencontré ma femme ! », explique-t-il. Cette grosse entreprise de la tech américaine est, à l’époque, « totalement effrayée à l’idée de subir le même sort que Kodak, mort à cause du digital. C’était très intéressant de voir comment une boîte mondiale se pose la question, et décide d’innover pour ne pas rater le coche. » Outre la « dynamique d’innovation » et « l’esprit de conquête » affichés par la firme, ce qui attire le jeune diplômé, c’est surtout le melting-pot dans lequel il baigne, côtoyant au quotidien 15 nationalités différentes. « J’ai adoré vivre dans un environnement très international où chaque jour, chaque minute est rythmée par une façon différente de voir les choses. Je crois que l’air que je cherchais en quittant Toulouse, je l’ai vraiment trouvé là-bas. Cela m’a alimenté pour la suite de ma carrière, dans le sens où on est loin de détenir la vérité, c’est à plusieurs qu’on la bâtit. Et plus ce “plusieurs” est large, mieux c’est. Je crois qu’il y a un lien entre ça et mes envies d’engagement, mes envies de rassembler, de réunir. » En 2007, Pierre-Olivier Nau fait un nouveau saut de puce au-dessus de la Mer du Nord, pour pousser la porte du concurrent, Mastercard, qui à 32 ans, lui propose le poste de directeur marketing France, « avec un beau budget publicitaire » à la clé. Un poste basé à Bruxelles, puis Paris. En rejoignant le comité de direction de Mastercard France, l’homme franchit un nouveau cap « en termes de management, de gestion d’équipe et de stratégie ». Les années passent et Pierre-Olivier Nau garde toujours un œil sur Manatour, dont il est devenu administrateur à la fin de ses études. En remportant d’importants appels d’offres, son père a largement développé l’entreprise jusqu’aux limites de la région, tout restant « dans sa zone de confort ». En 2011, alors que l’envie de s’engager le titille à nouveau – cet éternel délégué de classe a figuré sur la liste de Dominique Baudis aux municipales de 1995 – il a l’opportunité de travailler au sein du cabinet de Jeannette Bougrab, alors secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de la Vie associative dans le troisième gouvernement Fillon. « J’étais attiré par la personnalité de Jeannette Bougrab, une femme iconoclaste qui se bat énormément sur les questions de laïcité », explique-t-il. L’expérience ministérielle ne dure qu’un an « parce que c’est une vie de dingue, reconnaît-il. C’était juste après la révolution de Jasmin en Tunisie. Nous avons beaucoup bossé sur l’engagement 2.0 et la force des réseaux sociaux sur l’envie d’engagement des plus jeunes. » La même année, Pierre-Olivier Nau troque sa mastercard pour la Société Générale où il prend la direction de la communication d’une division.

Quelques mois plus tard, la carrière du dirigeant opère une nouvelle bascule. « En 2015, mon père s’était mis en retrait de sa boîte, détaille-t-il. L’entreprise ne participait plus guère aux appels d’offres et le modèle économique semblait ne plus vraiment fonctionner. Or, je trouvais qu’il y avait une immense opportunité autour de la découverte économique et du marché de la curiosité – les gens aiment de plus en plus comprendre comment ça marche, ce qu’ils consomment et ce qu’ils achètent. Il y avait aussi l’idée d’apporter une petite pierre à la culture scientifique, technique et industrielle en France et puis aussi l’envie d’entreprendre. » En 2016, il quitte la banque et crée à Paris, Insider Tour qui séduit rapidement trois gros clients, la Société Générale – « dont on peut visiter le campus informatique et les salles de marchés », la fondation EDF, et Paris La Défense Arena. Il mettra ensuite un an et demi pour convaincre son père et son associé de lui vendre Manatour. Arrivé aux commandes en mars 2019, il a rejoint deux mois plus tard le comité de direction du Medef Haute-Garonne, avant de se présenter en fin d’année à la succession de Pierre-Marie Hanquiez à la présidence du mouvement patronal. Le coronavirus ayant retardé l’élection, c’est en septembre qu’il a pris ses fonctions. En plein « brouillard ». « Nous avons zéro visibilité et alors que les équipes attendent des réponses de leur patron, c’est très dur pour le chef d’entreprise de devoir leur dire : “je ne sais pas”. Mais la vérité est là. Tout ce que je peux apporter, c’est mon dynamisme, mon optimisme, mon pragmatisme, ma capacité de m’adapter à la situation. Ensuite, il s’agit de préparer l’avenir. Tout ce que je peux faire, c’est apporter à mes collaborateurs une vision d’avenir, un cap : “voilà où je souhaite que nous allions tous ensemble avec l’organisation suivante dont nous allons discuter tous ensemble”. La situation actuelle peut se résumer dans ces deux phrases », affirme-t-il. Alors que dire aux entreprises qui ne voient pas le bout du tunnel ? « Il existe énormément de dispositifs d’aide, depuis les PGE jusqu’aux exonérations de charge en passant par le chômage partiel. Il ne faut pas perdre espoir… et s’engager dans une organisation. Cela permet d’échanger avec d’autres chefs d’entreprise, de confronter son expérience et de se sentir moins seul. » Cette crise, assure-t-il, peut constituer « une opportunité pour se réinventer. Il faut se rappeler que celui qui nous fait tous manger, c’est le client. Il faut le remettre au centre de notre modèle opérationnel, s’interroger sur la façon dont l’entreprise travaille, voir comment on peut l’améliorer et se donner un cap. Personnellement, pour me donner le moral, tous les deux jours je feuillette le guide du Routard de la visite d’entreprise en France et je me demande quelle entreprise je ferai visiter bientôt ! » Cet incurable optimiste ne doute pas de la capacité de Toulouse à sortir de cette crise. « Des oiseaux de mauvais augure aiment comparer Toulouse à Detroit du fait de notre dépendance à l’aéronautique. Je pense que nous sommes plutôt un vrai Seattle. La ville a dépendu de Boeing pendant 50 ans et pendant les 50 années suivantes a donné vie à Microsoft, Amazon, Starbucks… Je pense que la même chose peut se passer chez nous grâce à l’état d’esprit assez génial qui existe à Toulouse. C’est une ville un peu fêlée et j’aime bien l’expression : « heureux les gens fêlés, ils laissent passer la lumière » ! 

Parcours

1974 Naissance à Bordeaux
1990 Philippe Nau et Jean-Pierre Mas fondent Manatour
2000 Diplômé du programme Grande École de TBS en marketing, grande conso
2000 Devient administrateur de Manatour. Et intègre le Crédit Lyonnais à Paris
2003 Rejoint Visa Europe à Londres
2007 Intègre le concurrent, Mastercard à Bruxelles, puis Paris
2011 Est débauché par la Société Générale
2019 En mars, prend la tête du groupe Manatour
2020 En septembre, devient président du Medef Haute-Garonne