Oncologie : SmartCatch fait avancer la médecine personnalisée de précision

Smartcatch

Aline Cerf, chercheuse au Laas-CNRS, Sylvain Sanson, urologue à l’Uropole de Montauban, Bernard Malavaud, urologue à l’IUCT, et Christophe Vieu, professeur de physique à l’Insa et chercheur au Laas-CNRS.

La start-up toulousaine développe des dispositifs médicaux qui permettent d’isoler les cellules cancéreuses dans le sang.

Accompagnée depuis décembre par Nubbo, l’incubateur régional, la start-up SmartCatch vient d’entamer la phase de vote sur la plateforme de financement participatif Wiseed. Son objectif ? Réaliser une levée de fonds de 600 K€ d’ici le mois de juin qui doit lui permettre de combler un besoin de financement estimé pour les deux ans à venir à 2,1 M€ en coinvestissement auprès d’autres fonds. La société de biotechnologie espère ainsi finaliser le prototype de sa « nano-épuisette » à cellules tumorales.

Spin-off du CNRS créée en septembre 2016, SmartCatch est le fruit d’une rencontre entre deux chercheurs au Laboratoire d’architecture et d’analyse des systèmes (Laas-CNRS) et spécialistes des micro/nanotechnologies, Aline Cerf et Christophe Vieu, et deux médecins, Bernard Malavaud, urologue à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse (IUCT) et Sylvain Sanson, urologue à l’Uropole de Montauban, autour du concept de biopsie liquide. Moins invasive qu’une biopsie solide, celle-ci permet d’identifier grâce à une prise de sang la présence de cellules tumorales.

L’équipe, qui a bénéficié d’un financement de l’Agence nationale de la recherche, a mis au point un procédé très innovant, aboutissement de sept ans de travaux. « Il s’agit d’un piège en trois dimensions qui permet de retenir les cellules tumorales circulantes (CTC) sur la base de critères physiques à partir de sang complet. Cela signifie que cette sélection est faite directement dans le flux sanguin. Les cellules tumorales présentent en effet des particularités physiques de taille et de rigidité qui nous permettent de faire cette sélection. L’innovation repose sur le fait que notre système à lui seul permet de faire cette discrimination sans avoir à traiter le sang et en gardant les cellules vivantes », détaille Aline Cerf.

Ce faisant, SmartCatch franchit un nouveau « gap technologique ». « Avec les technologies actuelles, on ne parvient à isoler que très peu de cellules qui sont souvent endommagées, confirme-t-elle. Or on sait que pour établir un diagnostic fiable et pertinent, il faut capturer un maximum de ces cellules, qu’elles soient suffisamment représentatives de toute la diversité des cellules tumorales circulantes et qu’elles soient vivantes. Le verrou réside donc dans la capture et l’enrichissement et non pas dans l’analyse des cellules, ce que l’on maîtrise parfaitement aujourd’hui. »

SmartCatch prépare donc la commercialisation d’un premier produit sous la forme d’une plateforme fluidique, un élément de paillasse qui permet d’isoler les cellules tumorales à partir d’un prélèvement de sang complet. « Mais pour aller plus loin sur le plan clinique, il faut pouvoir sonder un volume de sang beaucoup plus important. Nous développons donc un second produit qui nécessitera une certification. Il sera connecté en aphérèse au chevet du patient pour collecter en continu les CTC ». En clair, le sang est dérivé pour passer à travers le filtre développé par SmartCatch avant d’être réinjecté.

MÉDECINE PERSONNALISÉE ET DE PRÉCISION

Si le premier produit est destiné au marché de la recherche (laboratoires académiques, sociétés de recherche contractuelle [CRO], industrie pharmaceutique), le second vise le champ du diagnostic et de la routine clinique ce qui explique qu’il nécessitera une phase de certification dont la durée est estimée à deux ans. La nano-physicienne imagine à terme « un dispositif portable miniaturisé capable d’équiper les cabinets de consultation et être utilisé directement par l’oncologue ou le corps infirmier afin de pouvoir faire cette mesure de cellules tumorales de manière très fréquente dans le temps, tout au long de la prise en charge du patient. »

Plusieurs fois primée – elle a été lauréate de la bourse French Tech émergence de Bpifrance en 2017, du concours i-Lab du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du programme d’accompagnement ReAliZe d’AstraZeneca et du programme Netva, service pour la science et la technologie de l’ambassade de France aux États-Unis en 2018 –, la start-up se positionne aujourd’hui sur les cancers « déjà avancés », métastatiques, « à la fois sur le plan du diagnostic et de l’appréciation de l’efficacité thérapeutique ». La présence plus ou moins importante de CTC donne en effet une indication sur la pertinence du traitement et la nécessité de l’adapter ou non. En outre, si « ces cellules tumorales sont porteuses de mutations, elles en acquièrent de nouvelles à travers le temps. C’est un biomarqueur crucial dans la genèse du cancer : pouvoir suivre l’évolution des mutations va permettre de mieux cibler les thérapies et agir beaucoup plus rapidement. »

Quid de l’utilisation de ce dispositif pour faire du diagnostic précoce ? « Rien ne nous empêche de penser que ce serait possible, ajoute Aline Cerf. Cela nécessitera cependant de valider des seuils de sensibilité. Pour l’instant, nous ne pouvons pas nous avancer sur ce point. »

Les fonds levés par Smart-Catch devaient lui permettre de finaliser le produit à destination de la recherche, de lancer la certification et de financer les essais cliniques qui seront conduits. SmartCatch, qui compte, en plus des quatre associés, cinq collaborateurs, est aujourd’hui hébergée au sein de l’institut Claudius Regaud au cœur de l’IUCT.