Stéphanie BenaObjectif Lunéville

Comme « tout ce qui se perce se brode », Stéphanie Bena travaille actuellement sur une toile plastique transparente pour jumeler l’art du vitrail avec celui du crochet de Lunéville. (Photo : Agathe Cèbe)

Passionnée et patiente, elle a choisi l’artisanat et la broderie main, munie de son crochet de Lunéville, comme activité professionnelle quotidienne.

Les savoir-faire anciens reviennent sur le devant de la scène. Il en est un, parmi tout ceux que pratiquaient nos aïeux depuis les temps aussi lointains que la Préhistoire, qui a de plus en plus de visibilité : la broderie main. « Nos ancêtres ne se limitaient pas à la confection de liens utiles : ils ornementaient déjà leurs vêtements de perles, de coquillages, par le biais de la technique de la broderie ».

Stéphanie Bena a toujours été attirée et intéressée par les arts manuels. Un loisir entretenu depuis l’enfance, notamment grâce à sa mère qui pratiquait le crochet, la couture, le tricot, la broderie… « Elle m’a transmis son savoir-faire, et j’ai commencé à occuper tout mon temps libre avec du fil entre les mains, à essayer plusieurs techniques », et la broderie a rapidement eu les faveurs de la jeune fille. Elle ne savait pas, à l’époque, qu’elle en ferait plus tard son métier.

Stéphanie Bena a entrepris des études de lettres modernes à Nancy. « J’ai obtenu ma maîtrise mais je ne voulais pas m’engager dans l’enseignement. J’ai donc commencé à faire du bénévolat dans l’univers du spectacle et de l’évènementiel » : des expériences enrichissantes qui lui ont permis de trouver un premier emploi à l’Orange Bleue, à Vitry-le-François. Elle travaille alors dans tout le spectre de la production du spectacle vivant : « le planning des salles, les répétitions, la préparation technique des scènes avant l’arrivée des artistes, les réservations d’hôtels, l’accueil des artistes… ».

Après l’Orange Bleue, Stéphanie Bena expérimente le statut d’intermittente du spectacle, en travaillant, toujours dans ce même domaine, mais en indépendante. Cette transition, de courte durée, l’amena ensuite dans une entreprise de prestation de services dans l’évènementiel : « je suis intervenue sur le Cabaret Vert et d’autres festivals du territoire, mais j’ai aussi organisé des évènements d’entreprise, des assemblées générales…» précise-t-elle avant de mentionner la perte de son emploi au mois de mai 2017 : « Je me suis retrouvée à la croisée des chemins, sans emploi mais avec de nouvelles envies. Je me suis remise en question ». La broderie a alors surgi auprès d’elle, comme une évidence. La passion pourrait bel et bien devenir une profession à part entière. Mais il s’agissait, pour Stéphanie Bena, de bien négocier ce prochain virage.

DE L’OR DANS LES DOIGTS

Même avec un emploi du temps professionnel bien chargé, Stéphanie Bena n’a jamais perdu de vue la broderie. En 2015, elle effectue un stage d’une semaine de broderie d’or au château de Lunéville, puis en 2016, toujours à Lunéville, un stage d’initiation au crochet qui porte le nom de sa ville d’origine. « C’était très intéressant mais surtout compliqué, car le crochet de Lunéville pique sur l’envers de la toile. Il faut faire l’effort de se retourner le cerveau ! » admet-elle. Pourtant, il en faudrait bien plus pour la décourager. Après plusieurs ABCdaires classiques et un nombre incalculable de tissus d’entraînement, elle a su s’essayer à diverses techniques de travail, des points différents, et a approfondi son savoir-faire, en autodidacte, par les lectures et recherches personnelles.

« Mon projet professionnel de broderie s’est, par chance, très vite concrétisé » : et pour cause. En juin, Stéphanie Bena postait sa candidature auprès du Greta de Lorraine, en août, elle était acceptée et en septembre, elle commençait une formation de dix mois au lycée professionnel Paul Lapie de Lunéville. « C’est réellement une affaire de bonnes rencontres, aux bons moments. Il y a eu Christophe de Lavenne, de l’INMA (Institut National des Métiers d’Art) et Olivier Jacquot, du GIP Lorraine : ils ont été déterminants, car ils m’ont fait confiance et m’ont donné ma chance, exactement quand j’en avais besoin » se souvient-elle, reconnaissante.

Les dix mois de formation à Lunéville ont été intenses, ponctués de séminaires, de travaux personnels à réaliser, mais aussi de huit semaines en entreprise : Stéphanie Bena a pu approfondir ses connaissances chez une couturière-costumière : « J’ai participé à la restauration d’un costume du XVIIIe siècle, utilisé pour le Carnaval de Venise. J’ai travaillé sur le dos en tissu d’un miroir, sur le corset, les chaussures et j’ai pu assister à l’assemblage final et à l’essayage du costume. Une expérience unique et précieuse ! ».

En juin 2018, Stéphanie Bena obtient son CAP art de la broderie, dominante main. Une reconversion professionnelle rondement menée, donc, mais non sans effort, car condensée à l’extrême. « Dix mois, ça passe vite ! Et il a fallu penser à la suite… ».

D’UNE CRÉATION L’AUTRE

Créer son entreprise, c’est encore une autre ambition ! Mais la brodeuse a ses objectifs bien en vue. Elle participe donc en aout 2018 au parcours Be EST Entreprendre, un programme de coaching pour les porteurs de projets. Elle y apprend beaucoup, notamment pour définir son projet, ses objectifs, appréhender ses financements, sa trésorerie, etc. Elle double ses nouveaux acquis avec une autre semaine de stage à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat, pour y apprendre les bases de l’installation de l’artisan à la tête de son entreprise. « J’y ai trouvé tout le soutien nécessaire pour me lancer officiellement », avoue-t-elle, et pour cause : en février 2019, l’Atelier Waksu a vu le jour, à Vitry-le-François. « Waksu signifie “broderie perlée” en lakota, une langue amérindienne », explique la brodeuse, qui a toujours été passionnée d’Histoire et notamment de celle des peuples Sioux.

Aujourd’hui, l’Atelier Waksu occupe toutes les journées de Stéphanie Bena. La broderie au crochet de Lunéville se décline dans une multitude de possibilités de créations : des objets, comme par exemple des luminaires, des bijoux, des accessoires de mode, notamment pour la customisation de sac ou de vêtement, mais aussi des œuvres d’art, des tableaux, à l’instar de son ouvrage du moment. « Je travaille une broderie inspirée des vitraux de Brigitte Simon Marq, “eaux vives” et “grisailles”, qui sont visibles à la Cathédrale de Reims ». Ces ouvrages, outre les commandes qui peuvent lui être faites par des clients, ne sont voués qu’à être exposés.

Ce sera chose faite, ce dimanche 23 juin aux Halles du Boulingrin de Reims, au Marché des artisans d’art, où la brodeuse montrera pour la première fois au public son travail, sensible et authentique.

Parcours

1974 Naissance le 26 septembre, à Vitry-le-François.
2003-2008 Travaille à l'Orange Bleue, à Vitry-le-François.
2009-2017 Travaille dans la prestation de services pour l'évènementiel local.
2017 Entre au lycée professionnel Paul Lapie, à Lunéville, pour dix mois de formation.
2019 Crée son entreprise Atelier Waksu.
23 juin 2019 Participe au marché des artisans d'art, aux Halles du Boulingrin, à Reims.