Damien Abad« Nous ne devons pas créer une société de la peur »

Damien Abad, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire.

Vice-président de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire, le député de la cinquième circonscription de l’Ain, président du groupe LR à l’Assemblée nationale, revient sur les enjeux de cette mission.

Réso Hebdo Éco. Vous êtes vice-président de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire. Pourquoi ?

Damien Abad. C’est une volonté d’équilibre politique. Pour avoir une vraie commission d’enquête sans sujet tabou, pour répondre à toutes les interrogations des Français, il a été décidé que la présidence reviendrait à un membre de la majorité et que le rapporteur général serait un membre de l’opposition. Cette situation a des avantages et des inconvénients. C’est pourquoi j’ai réservé ma réponse. Si ce n’avait été moi, ç’aurait été Éric Ciotti (député LR de la première circonscription des Alpes-Maritimes et questeur à l’Assemblée nationale, Ndlr).

Quand vous dites « répondre à toutes les interrogations des Français », il faut comprendre que la crise sera analysée sous tous ses aspects ?

L’ensemble des volets de cette crise sanitaire seront effectivement abordés : la question des masques et des tests, comme la gestion des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad), l’organisation territoriale de la santé, les conséquences économiques et budgétaires du confinement, mais aussi le sujet de notre souveraineté. La France, qui compte tout de même parmi les premières puissances mondiales, tombe paradoxalement sur des choses assez basiques, comme le manque de masques, de tests et de respirateurs.

Vous voulez dire que l’on est peut-être allé trop loin dans la mondialisation ?

Ce n’est pas la mondialisation qui a tué, mais le virus. Nous avons cependant besoin de retrouver une capacité à produire en France, des masques, des tests et des médicaments, de recouvrer une souveraineté sanitaire, énergétique et alimentaire. Et ces questions doivent s’inscrire dans une coopération franco-allemande. Il nous faut un small business act qui nous permettrait de réserver une partie des commandes des hôpitaux à des productions locales et nationales. Nous devons reconquérir aussi une certaine souveraineté économique. Dans la Plastics Vallée, un certain nombre de moulistes qui étaient partis à l’étranger sont revenus. Je visitais les 28 et 29 mai, plusieurs entreprises qui ont fait de la crise une opportunité. Elles constituent de beaux exemples de redéploiement local.

Sur la partie économique, justement, les retours de terrain semblent indiquer un certain satisfecit quant aux mesures prises. Peut-on dire que c’est la partie la mieux gérée de cette crise ?

Les mesures de chômage partiel, le fonds de solidarité et les aides spécifiques au secteur du tourisme étaient nécessaires. Elles sont effectivement positives. En revanche, on peut s’interroger sur la durée du confinement et sur la vitesse du déconfinement qui ont des conséquences économiques et budgétaires très fortes. On a tout de même perdu huit points de PIB. On peut se demander si le confinement était une mesure proportionnée, s’il est intervenu au bon moment et s’il n’a pas été prolongé simplement par manque de masques et de tests. Comparativement à d’autres pays, le déconfinement de la France apparaît plus lent. Et cette lenteur correspond à de la dette supplémentaire et à des pertes économiques. Elle aura des conséquences en termes d’emploi qu’il va falloir analyser.

Nous allons devoir également plancher sur la manière dont on envisage la reprise pour différentes filières, comme l’automobile, l’aéronautique ou le nucléaire. Il est également urgent de relancer la commande publique pour la santé du BTP, raison pour laquelle les conseils municipaux et communautaires doivent être installés rapidement. Les collectivités sont en effet en première ligne, sur cette question.

Si l’aspect économique était le mieux géré de cette crise, le point noir serait la communication, non ?

Le problème, ce sont les injonctions contradictoires. En mars, le port du masque est inutile. En mai, il est obligatoire. Les Français ont dû faire face à des ordres et contre-ordres. Il va falloir déterminer quelle est la part d’incohérence et quelle est la part de mensonge.

Qu’avez-vous pensé des débats autour de la recherche d’un traitement à la maladie ?

Il y a trop eu de disputes de scientifiques, trop d’incertitudes. On a parfois eu le sentiment de beaucoup d’improvisation. Derrière ces débats se cachent sans doute, des querelles de pouvoir et des guerres d’institution.

Votre parti, Les Républicains, rassemble des courants très divers. Comment l’état d’urgence sanitaire et le confinement ont été perçus par les uns et les autres, notamment par les plus libéraux ?

Notre parti a voulu se positionner en garant des libertés. On ne peut pas tout sacrifier sur l’autel de la crise sanitaire. Les atteintes à la liberté doivent être limitées dans le temps et proportionnées à la crise. C’est d’ailleurs pourquoi il fallait sortir du confinement. Cette position explique aussi notre opposition à l’application Stop Covid, qui nous apparaît comme inutile et dépassée, et à la loi Avia, contre les contenus haineux sur internet, qui est une atteinte à la liberté d’expression.

Nous avions également un certain nombre de valeurs à défendre. Certaines questions éthiques ont paru être oubliées à travers l’impossibilité d’assister à des funérailles ou l’isolement des personnes âgées en Ehpad.

D’un point de vue sociétal, cette crise n’est-elle pas le révélateur d’un excès de prudence, la conséquence de 20 ans, au moins, de discours sécuritaires ?

On ne peut brader ni nos libertés, ni la société dans laquelle on vit. Il ne faut pas tomber dans le syndrome des trois P : peur, panique, psychose. Certes, il fallait prendre le risque sanitaire au sérieux, dès le début. Et l’on peut, peut-être, reprocher au Gouvernement d’avoir eu du retard à l’allumage. Mais, nous ne devons pas créer une société de la peur. Je pense qu’il est temps d’accélérer le déconfinement, de rétablir les mobilités, d’ouvrir les frontières. La vie doit reprendre ses droits. Cela doit se faire progressivement, mais avec détermination.

Cela concerne également le tourisme, la culture… Nous devons reprendre une vie normale, même s’il convient de mettre en place un certain nombre de protections, avec des masques et des tests pour tout le monde. Il faut remettre un peu d’optimisme, d’enthousiasme, redonner de l’espoir aux Français.

On a beaucoup glosé sur le monde d’après. Comment le voyez-vous ?

La France de demain va devoir renouer le lien intergénérationnel, s’occuper à la fois de ses seniors et de sa jeunesse. Nous risquons d’avoir une génération sacrifiée sur l’autel du chômage et de la crise. Il va falloir l’accompagner vers l’emploi.

Nous aurons également tout un travail à conduire sur une écologie non pas punitive, mais une écologie de la responsabilité qui permette de s’inscrire dans un nouveau modèle de croissance et de penser des mobilités nouvelles.

Propos recueillis par Sébastien Jacquart (Éco de l’Ain), pour RésoHebdoÉco, association regroupant 27 titres de presse hebdomadaire économique régionaux en France. reso-hebdo-eco.com

Parcours

1980 Naissance, en avril à Nîmes.
2009-2012 Député européen dans la circonscription Sud-Est. Il est alors le benjamin des eurodéputés français et le plus jeune parlementaire français en exercice.
2010-2015 Conseiller régional Rhône-Alpes.
Depuis juin 2012 Député de la Ve circonscription de l’Ain.
Novembre 2019 Président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale.