Nevers se met au vert

Parmi les 27 premiers projets retenus par l’ANRU, “Banlay fertile” permettra à la ville de Nevers de consacrer 65 millions d’euros au développement de l’agriculture urbaine, avec un programme de rénovation globale de ce quartier.

Ville comestible, maraîchage, jardins partagés, pâturages urbains, la ville de Nevers se lance dans un plan inédit de de végétalisation de ses quartiers et de son centre-ville.

Avec 35.000 habitants, Nevers fait figure de ville à la campagne et revendique son titre de ville rurale. Après s’être voulue capitale du numérique, la ville s’engage aujourd’hui dans un grand projet environnemental destiné à remettre la campagne en ville : végétalisation, déconstruction et déminéralisation des sols, pour Anne Wozniak, architecte paysagiste et adjointe au cadre de vie, il s’agit de « retrouver le bon sens perdu depuis les années 1970 ». Retenu parmi les 27 premiers projets de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), “Banlay fertile” de Nevers consacrera 65 millions d’euros au développement de l’agriculture urbaine.

LES QUARTIERS, FUTUR HYMNE DE NOS CAMPAGNES ?

Si Alphonse Allais disait que les villes devraient être construites à la campagne, « car l’air y est tellement plus pur », la ville de Nevers prend le contrepied du maître de l’esprit en construisant la campagne à la ville à travers cette nouvelle opération. Ce qui a su séduire ? « Le projet social qui implique les habitants, les centres sociaux, les écoles, les partenaires à chaque étape du projet, selon Anne Wozniak, adjointe au maire chargée de l’environnement naturel et de l’urbanisme. Banlay fertile est construit sur trois piliers essentiels de l’environnement : le social, avec la co-construction avec les habitants, l’économique par la pérennisation des activités implantées et environnemental, en remettant au cœur de ce quartier un jardin de sept hectares ». Si les jardins dans les quartiers ne sont pas inédits et ont même atteint leur apogée dans les années 1970 à travers les jardins-ouvriers, le projet Banlay fertile s’inscrit lui dans une démarche plus globale qui vient compléter trois hectares dédiés à l’agriculture urbaine et situés sur deux autres quartiers : les Montôts et les Courlis. « Le projet est de développer l’agriculture urbaine autour du maraîchage comme nous l’avons fait avec l’espace-test maraîcher de la Barrate aujourd’hui sanctuarisé, du développement de l’écosystème et même de l’animal sauvage et domestique puisque la reconstruction des sols demande des périodes d’attente pendant lesquelles l’animal interviendra », ajoute Anne Wozniak. Parmi les pistes autour du retour de l’animal en ville, la mise en place d’une antenne de l’hôpital sauvage créé dans le département du Cher, la mise en place de cheptels pour l’entretien des espaces mais aussi la dédiabolisation des pigeons grâce à un pigeonnier contraceptif. Pour le maire de Nevers, Denis Thuriot, ce projet s’inscrit « dans un plan de rénovation globale du quartier entamé en 2014 (qui abrite la plus grande cité scolaire de la ville, Ndlr) avec l’objectif de le désenclaver ». Situé de l’autre côté de l’ex-RN7, le Banlay, séparé du reste de la ville par un pont, va notamment voir son aménagement revu : « Nous allons boucher le pont, y installer une citerne de récupération d’eau pluviale, ouvrir les futures terres maraîchères sur l’ancienne nationale, créer une micro-forêt, une promenade aménagée d’arbres fruitiers pour la cueillette, des jardins et un poulailler partagés… Nous voulons que le Banlay ne soit plus un quartier mais un grand jardin en ville, un lieu d’apprentissage à travers des ateliers, détaille Anne Wozniak, un espace de bien-être ». Si pour Amandine Boujlilat, première adjointe en charge de la politique de la ville, il s’agit « d’humaniser le projet global de l’ANRU pour ne pas rester sur un projet uniquement architectural », la réponse des habitants valide le projet : « La plupart d’entre eux ont demandé à être relogés dans leur quartier », se félicite Anne Wozniak.

LA MICRO-FORÊT, UN CONCEPT PETIT MAIS COSTAUD

En matière de biodiversité, ce n’est pas la taille qui compte. C’est du Japon, pays deux fois plus peuplé et plus petit que la France que vient la micro-forêt du biologiste Akira Miyawaki. Derrière le concept, une réponse à la biodiversité qui a fait son chemin jusqu’en France. Après les métropoles de Bordeaux ou de Toulouse, la micro-forêt séduit de plus en plus de villes moyennes dont Nevers, première ville de Bour- gogne à s’engager dans un programme de développement ambitieux : planter jusqu’à 200 arbres sur l’équivalent de six places de parking. « C’est un système extrêmement vertueux, dix fois plus rapide, trente fois plus dense, qui favorise cent fois plus la biodiversité qu’une forêt traditionnelle et qui se fait à partir d’essences indigènes », explique Anne Wozniak. Alors qu’il faut 200 ans pour une forêt traditionnelle, les micro-forêts atteignent leur maturité en 20 ans et permettent de recréer une biodiversité sur des petites parcelles. Pour le maire de Nevers, ces micro-forêts ont aussi un autre avantage : « remplacer des essences non productives par des essences productives » qu’il souhaite développer dans un maximum de rues. Dans la lignée de l’association Vergers Urbains, née dans le 18e arrondissement de Paris, qui défend la plantation d’arbres fruitiers accessibles au public pour une « ville comestible », le premier édile y voit une façon de « favoriser l’accès à des fruits pour des personnes en difficulté alimentaire ». Avec l’ambition de planter un arbre par habitant d’ici 2026, soit 8.000 arbres, la micro-forêt répond aux enjeux de la végétalisation urbaine. En déminéralisant 4.500 hectares depuis 2014, Nevers veut désormais expérimenter un parcours « nourricier » « Faire de toute la ville un parcours nourricier avec un libre accès à la cueillette, mélanger l’ornemental et le vivrier dans les espaces publics ». Et si la micro-forêt a le vent en poupe dans les milieux urbains, elle fait aussi son nid dans les communes rurales : « La question n’est pas de savoir si les communes ont suffisamment d’arbres mais de permettre le développement d’une biodiversité variée et enrichie », ajoute Anne Wozniak. Au-delà des ressources disponibles, pour Denis Thuriot, ces pratiques environnementales sont les leviers pour développer l’attractivité. Et le dernier recensement lui donne raison : pour la première fois depuis 1975, Nevers a gagné un peu plus de 300 habitants, permettant à la cité ligérienne de repasser la barre symbolique des 3.5000 âmes.