Nevers entame sa “Loire story”

À Nevers, la municipalité investit les bords de Loire pour « réconcilier la ville avec son fleuve ».

René Fallet, dans La soupe aux choux avait imaginé transporter le hameau des Gourdillots à l’aide d’une soucoupe volante. À Nevers, c’est par une politique de grands travaux que la municipalité veut « retourner la ville » vers la Loire, jusque-là boudée par l’urbanisme. Un divorce qui date des années 1960, lorsque la destruction du quartier des Pâtis (comprenant le port et les quartiers des pêcheurs) pour des raisons sanitaires, avait mis un terme à des siècles d’entente cordiale -et intéressée – entre la ville et son fleuve.

CÉLÉBRER LA LOIRE

En 2014 déjà, la municipalité, dirigée par un maire neversois depuis plusieurs générations, avait tiré de sa nostalgie une ambition de grands travaux. La Fête de la Loire qui célébrait le fleuve jusque dans les années 1980, fut réinventée dès 2014, le feu d’artifice – à grand peine pour des raisons environnementales – fut tiré sur le fleuve mais surtout la Guinguette on Loire fut créée. Un lieu que Christophe Bezin, son propriétaire a voulu « inspiré par les guinguettes de la Marne ». Convivialité, musique, concerts, le propriétaire assume proposer un lieu « conforme à ce que j’aime ».

TOURNER LA VILLE VERS SON FLEUVE

Jusque-là, un relatif consensus régnait au conseil municipal, même si le réaménagement de la route des Saulaies (dont les arbres centenaires furent remplacés) avait suscité une vague d’indignation. Pour les autres travaux, d’une autre ampleur, la tâche s’est montrée plus difficile. En 2018, la municipalité s’attaque à la Maison de la Culture (devenue La Maison). Cons- truite en béton dans les années 1960, elle masque le fleuve, lui tourne le dos, et constitue une « verrue architecturale ». L’ambition est donc de la tourner vers la Loire : transfert des entrées de la façade Nord à la façade Ouest, création d’un parvis, d’un bar et d’une cafétéria avec terrasse. Sur le bâtiment, végétalisation, murs de verre et un écran géant d’information : « Le but est de construire un vrai lieu de rencontre, explique le maire Denis Thuriot, qui fasse le lien avec le centre-ville. Nous réfléchissons à la façon dont la perspective peut-être travaillée depuis l’esplanade du Palais ducal et du Théâtre municipal pour créer une liaison visuelle avec le fleuve ». D’un coût de 1,8 millions d’euros HT, ces travaux devaient être simultanés au réaménagement de la Place Mossé. Mais le projet a été retardé de deux ans, non seulement à cause d’une opposition politique mais aussi à cause de chauves-souris… qui ont nécessité une étude environnementale de deux ans.

MOSSÉ RÉHABILITÉ

Réhaussée en 1833, la place Mossé, qui accueillait l’une des plus importantes faïenceries, finit le 20e siècle en parking. Cinq millions d’euros, c’est la somme nécessaire pour redonner à Mossé – ingénieur qui la fit édifier – sa place. Une rampe routière rejoindra le pont de Loire, la réouverture d’une arche du pont prolongera le sentier du ver-vert le long du fleuve.

Nevers retrouverait donc sa seule place en bord de fleuve. Pour Charles Masters, récent propriétaire du Café Vélo : « C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons pensé ce nouveau commerce. » La réhabilitation du Grand Monarque – ancien hôtel célèbre pour les deux heures que Bonaparte y séjourna en 1799 – est aussi conditionnée par ces travaux. L’ensemble accueillera appartements, bureaux et probablement des commerces.

À terme, l’ambition est de « créer un réseau routier périphérique » par le réaménagement, du Boulevard de Coubertin, ancienne N7 qui constitue depuis l’ouverture de l’A77 en 2004 une véritable rupture entre la ville et la Loire.

Critiqué pour sa politique d’endettement et le coût important des travaux, Denis Thuriot se défend: « Nous allons poursuivre notre investissement. Nous avons quasiment terminé les phases de sauvegarde et de réhabilitation du patrimoine. Aujourd’hui, nous allons transformer la ville tout en nous engageant dans une politique de désendettement. » Ceci notamment par le recrutement récent d’un agent spécialisé dans la recherche de fonds : « Aujourd’hui, le plafond de subvention de 80 % a été levé, il est donc possible d’atteindre 100 %. Je ne dis pas que ce sera le cas mais nous y travaillons », avec en ligne de mire l’envie de « redonner une âme à Nevers, qui s’est construite et développée grâce à la Loire ».