Thierry AlcouffeMordu de la recherche

Cet ancien vétérinaire libéral a toujours eu la recherche dans la peau. Il est aujourd’hui le nouveau directeur scientifique en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine de l’Onera et compte plus que jamais jouer collectif.

Ce Toulousain pure souche, qui à l’âge de cinq ans aimait déjà se lancer des défis expérimentaux avec « de la ficelle à rôti » et a toujours été guidé par la recherche, est aujourd’hui à la tête du rayonnement scientifique en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera). Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il croise la route du centre français au fil de sa carrière sans fausse note puisqu’il a eu l’occasion de collaborer avec l’Onera lors d’un appel à projets dédié à la navigation satellitaire et de permettre à la Direction de l’action économique et de la recherche (DAER) – dont il est devenu le premier chargé de mission scientifique – de bénéficier de l’appui d’un acteur capable d’« aider les petites entreprises à parvenir à une maturité industrielle au profit des grands groupes ». Un grand pas à l’époque.

Aujourd’hui, Thierry Alcouffe prend à bras-le-corps sa nouvelle mission en tant que directeur du rayonnement Sud-Ouest (DRSO). « Mon rôle est de faciliter les échanges et les coopérations tant en interne qu’en externe, notamment en collaboration avec la direction des centres en Région Occitanie, le site de Toulouse tout comme le site de Fauga Mauzac, assurer la représentation de l’Onera dans les instances de gouvernance et de partenariats en région, identifier les opportunités de collaborations et permettre les convergences de visions stratégiques entre Onera, universités, industriels, et collectivités. Nous avons déjà des partenariats intenses avec l’Enac et l’Isae-Supaero, mais des rapprochements avec des laboratoires, l’université Paul Sabatier, le CNRS, l’Institut national polytechnique, le CEA peuvent être renforcés. Tout le monde aurait à y gagner, pointe celui dont le rôle d’ambassadeur et de veilleur lui tient à cœur. Il faut des logiques d’ingénierie, des logiques de décryptage, de modalités d’appel à projets, et accompagner la construction d’une stratégie pour faciliter la vie des chercheurs. » Jouer collectif paraît essentiel surtout dans un contexte difficile où plane l’incertitude avec un plan de relance « qui se concentre sur l’existant et qui devra se mobiliser pour préparer l’avenir. Nos besoins sont ceux du ressourcement scientifique. La recherche se fait avec des hommes et des équipements scientifiques, ce sont donc des investissements sur ces deux dimensions que l’Onera espère. » Pour l’heure si certains projets de recherche ont été ralentis du fait du confinement au sein de l’Onera, aucun projet n’est cependant à l’arrêt, les partenaires industriels ayant maintenu leur dynamique. Pour ce quinqua, la question est de savoir si les industriels auront les capacités à relever les défis environnementaux portés par l’État ? Actuellement, l’office, qui travaille sur la production de savoir dispose d’un budget de 236 M€ dont la moitié provient de contrats commerciaux, – le centre fédère 420 chercheurs dont 280 ingénieurs et techniciens de recherche, 90 doctorants et une centaine de stagiaires par an – travaille en lien avec les grandes entreprises du secteur « à l’allégement des avions grâce à l’usage des composites (projet Pycofire), sur la limitation des rejets carbone grâce à l’utilisation de l’hydrogène ou de carburants alternatifs, sur des systèmes de propulsions d’avions distribués permettant de réduire la consommation de carburant, et des systèmes de propulsion hybride pour les avions de demain ». Un vrai terrain de jeu pour cet ancien vétérinaire libéral qui a toujours eu la fibre scientifique.

Issu d’une mère professeur de physique et d’un père maître de conférences, il baigne également dans le monde rural grâce à un grand-père à la fois agriculteur et commerçant. Rapidement, il sait reconnaître la valeur du travail et croit d’ailleurs au compagnonnage, une notion cultivée en parallèle par le souvenir d’un grand-père menuisier. Celui qui se définit comme « un produit du syndrome Daktari », s’oriente vers des études de vétérinaires à Toulouse. « J’ai toujours été passionné par cette série qui racontait l’histoire d’un vétérinaire au sein des réserves naturelles d’Afrique. Cela a contribué à nourrir mon envie de travailler avec les animaux. Sauf que je me suis ravisé concernant les pays tropicaux ! » sourit-il. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une thèse qu’il effectue sur la parasitologie dans le milieu pyrénéen que le virus de la recherche le saisit.

Après son service militaire, il s’installe à Ramonville, comme vétérinaire libéral. « J’ai une relation particulière avec les animaux. Du reste, le métier me nourrissait intellectuellement. Je me suis d’ailleurs spécialisé dans le comportement et la chirurgie osseuse. Et puis c’est une activité forte sur le plan humain car on soigne tout autant le patient que le client », explique-t-il. Lors de ce premier chapitre de sa vie, il réalise des essais cliniques en dermatologie et cardiologie pour le compte de groupes pharmaceutiques. « Cette opportunité est venue à moi quelques années après une mission humanitaire en Roumanie à laquelle j’ai participé en tant qu’étudiant, qui consistait à apporter des médicaments dans un élevage de buffles. Sauf qu’il a fallu faire le tour des industriels pour les trouver et mon profil a été repéré. J’ai eu la surprise de recevoir un appel quelques années plus tard d’un groupe pharmaceutique. Les essais ont ainsi été une valeur ajoutée pour mon cabinet mais c’était très chronophage », se souvient-il. Un métier passionnant mais trop prenant.

Le jeune marié décide de tourner la page. Toutefois, cet amoureux de la nature et des grands espaces veut continuer à être un apporteur de solutions et poursuivre son incursion dans le milieu de la recherche. Il accède à la fonction publique, après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur en chef option « environnement, aménagement du territoire et urbanisme », ce qui n’était pas gagné d’avance. « Il n’y avait que 10 places tous les deux ans ». De là, il intègre le service recherche de la DAER Midi-Pyrénées dont il devient le premier chargé de mission scientifique pendant un an. Entre 2004 et 2009, il prend la tête du service recherche avec un objectif ambitieux. « Il fallait prioriser l’attribution des financements régionaux pour la recherche en fonction des critères publics, car, autrement dit, c’était les directeurs de labo qui expliquaient auparavant comment soutenir les projets. L’objectif était de changer ça et de fédérer tous les acteurs, organismes de recherches, universités, syndicats, personnalités, etc. autour d’une vision commune et co-construite. » Un nouveau souffle qu’il a apporté en cinq ans en collaboration avec le Comité consultatif régional pour la recherche et le développement technologique (CCRRDT) qui a fléché les financements. Il devient alors directeur par intérim de la DAER pour laquelle il impulse une évolution au sein de l’organisation pour mieux accompagner les différentes filières. « L’objectif était de basculer d’une segmentation territoriale à des chargés de mission techniques, par filière, et ce, en vue de développer des appels à projets thématiques. » En 2007, les modalités de pilotage des appels à projets de la région ont par ailleurs évolué. En marge, le projet phare est aussi de capitaliser sur de nouveaux partenariats. C’est ainsi que Thierry Alcouffe met la DAER sur la voie d’un acteur de poids, l’Onera, qui secoue un écosystème plus académique. « C’était, et ça l’est toujours, un établissement qui dispose d’une force de frappe intéressante en matière de ressourcement scientifique. Le centre bénéficie de programmes R & D réalisés en partenariat avec des industriels qui permettent d’aller jusqu’au prototype. Cela a permis à des petites entreprises de bénéficier d’un savoir-faire sans elles-mêmes dépenser deux ans de budgets pour faire de la recherche et développement ». Ce rapprochement a bénéficié à près de 450 PME innovantes. Puis des programmes de recherche pluriannuels ont fleuri. À ce moment-là, après 10 ans de loyaux services, il commence à s’ankyloser et choisi de devenir directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche pour la Région Midi-Pyrénées puis directeur de la recherche, du transfert technologique et de l’enseignement supérieur en Occitanie. Il pilote des politiques régionales d’accompagnement à la recherche, au transfert technologique et à l’innovation liées au Schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (SRESRI) mais Thierry Alcouffe en fait vite le tour malgré l’élargissement de son périmètre d’intervention avec la création de la région Occitanie. Pour autant, il ne quittera le bateau qu’en 2019.

Il souhaite renforcer son sens de la collectivité ailleurs, car relève-t-il, « on devient myope à force de regarder toujours du même côté » et il devient alors directeur général des services adjoint délégué au pôle de recherche, international, partenariats et innovation à l’université de Bordeaux. Un titre à rallonge qui réunit cependant ses aspirations. Dans ce cadre, il pilote, entre autres, la création d’Adera SAS, une filiale de l’université destinée à promouvoir la culture entrepreneuriale, et renforce le dispositif national Pépite en faveur de l’entrepreneuriat étudiant.

Devenu expert en management stratégique, capable de piloter des projets d’ingénierie complexes, celui qui a dû se retirer il y a longtemps de nombreuses structures associatives du fait de ses galons, a aujourd’hui le souhait de servir et de « rendre à la République ce qu’elle m’a donné ». C’est d’ailleurs l’un des arguments qui a fait mouche lors de sa candidature à l’Onera.

Parcours

1966 Naissance à Toulouse
1996 Doctorat de l’école nationale vétérinaire de Toulouse
1993 S’installe comme vétérinaire à Ramonville
2010 Devient directeur adjoint de l'action économique et de la recherche au Conseil régional Midi-Pyrénées
2016 Devient directeur de la recherche, du transfert technologique et de l’enseignement supérieur à la Région Occitanie
2019 Devient directeur général des services adjoint délégué au pôle Ripi de l’université de Bordeaux
2020 Intègre l’Onera en tant que directeur scientifique