Par Me Daniel Mingaud, avocat à la cour, spécialiste en droit du travail
À l’heure de la rentrée, la priorité numéro un pour les DRH doit être la mise en place, avant le 31 décembre prochain, du CSE (Comité social et économique), instance unique qui fusionne et remplace les anciennes institutions représentatives du personnel (les délégués du personnel, le CE et le CHSCT). La mise en place de ce CSE est obligatoire pour toute entreprise d’au moins 11 salariés. Aussi, pour les DRH qui ne s’en seraient pas encore préoccupés, il est grand temps de préparer ces élections professionnelles. Le process durant environ trois mois, il y a urgence.
Hors de question de se soustraire aux obligations en matière de représentation du personnel, sous peine de s’exposer à des risques financiers évidents, comme vient de le préciser la Cour de cassation. La juridiction a en effet jugé fautif un employeur qui n’avait pas mis en place les institutions représentatives du personnel, considérant que cette omission causait un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Cass. soc. 15-5-2019 n° 17-22.224 F-D).
Pour la Cour de cassation, les salariés n’ont même pas besoin de justifier du moindre préjudice en lien avec cette carence pour solliciter des dommages-intérêts. En marge de ce risque de condamnation « automatique », il existe d’autres risques sociaux majeurs liés au défaut d’organisation d’élections professionnelles. Ainsi, le règlement intérieur (obligatoire lui aussi pour les entreprises d’au moins 20 salariés et bientôt 50 au 1er janvier), ne peut être introduit ou modifié valablement dans l’entreprise qu’après avoir été soumis à l’avis du CSE. À défaut de consultation des représentants du personnel, le règlement intérieur, et sa révision éventuelle, sont sans effet.
Concrètement, et selon une jurisprudence constante, faute d’avoir consulté des représentants du personnel, l’employeur ne peut reprocher à un salarié un manquement aux obligations édictées par le règlement intérieur, encore moins prononcer les sanctions disciplinaires qui y sont prévues (à l’exception du licenciement). Plus grave encore, le défaut de mise en place du CSE avant la fin de l’année serait de nature à vicier toute procédure de licenciement pour motif économique ou pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Rappelons que dans le cadre de cette procédure, l’employeur doit rechercher à reclasser le salarié, en lui proposant un autre emploi approprié à ses capacités, et ce, après avis des représentants du personnel. Dans l’hypothèse d’une contestation d’un licenciement pour inaptitude (fondée sur l’absence de consultation de représentants du personnel), la juridiction prud’homale saisie peut donc :
– prononcer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ;
– ou, en cas de refus par l’une ou l’autre des parties (situation la plus fréquente), octroyer au salarié une indemnité au moins égale à six mois de salaire (!).
Outre cet arsenal juridique (et judiciaire) particulièrement bloquant et répressif, la mise en place du CSE est aussi le « sésame » – et la condition sine qua non – pour bénéficier d’exonérations de cotisa- tions sociales particulière- ment avantageuses comme en matière d’intéressement (dont le nouveau régime légal est particulièrement incitatif ). En conclusion, et s’il est vrai que l’employeur peut avoir l’impression parfois de crou- ler sous les obligations sociales et le poids du code du travail (1,5 kg !), mieux vaut ne pas rester inerte en cette période de rentrée et mettre en place sans délai les élections du CSE, à l’issue desquelles, qui sait, aucun salarié ne se portera peut-être candidat ? Un procès-verbal de carence et le tour sera joué ?