Mercier : Revin exige des compensations

De nombreux élus et maires ardennais ainsi qu’un député et les deux sénateurs ont pris part au rassemblement le mardi 3 août à Revin.

Les acteurs et élus locaux demandent des réparations à l’Etat suite à l’abandon du projet Mercier.

«Ce n’est pas normal d’être ainsi lâchement abandonné par l’Etat après avoir travaillé d’arrache-pied durant six mois à l’aboutissement de ce projet. La déception est phénoménale pour la population de Revin où le taux de chômage est de 27%. On pensait compter 150 nouveaux emplois dès décembre et 270 (100% locaux) à terme pour fabriquer 500 000 vélos sur un marché en pleine dynamique. Le rêve s’effondre. Ce fiasco est un désaveu complet et nous exigeons que les compensations annoncées par l’Etat soient entièrement dirigées vers Revin ». Les propos tenus mardi dernier par Daniel Durbecq, le maire DVD de cette commune de 6000 habitants, devant la presse nationale et 200 personnes rassemblées devant la friche Porcher expriment l’abattement général devant le désengagement de l’Etat. Suite à des « faits graves » constatés lors d’investigations menées par ses services, Bercy, par le biais du préfet des Ardennes, a fait savoir le 29 juillet qu’il ne débloquerait pas les 6 M€ initialement destinés à la relocalisation des Cycles Mercier à Revin. Des infractions douanières et fiscales, un détournement du droit anti-dumping par dissimulation de l’origine de vélos importés et du blanchiment d’argent par des réseaux de sociétés offshore seraient notamment reprochés à l’industriel qui dément ces attaques « diffamatoires et erronées » (voir ci-dessous). Ce sont en tout cas ces éléments qui sont à l’origine du revirement inattendu, « plombant » probablement ce projet estimé, aujourd’hui, à 15 M€.

Une prudence synonyme de désarroi pour les élus locaux. « On déplore que les recherches et vérifications faites par les services de l’Etat n’aient pas été effectuées en amont. L’Etat ne devait pas faire des annonces sans avoir pris des garanties suffisantes. Il y a quelques années, Arnaud Montebourg avait fait croire qu’Electrolux allait prospérer. En novembre 2018, Emmanuel Macron a fait rêver les Ardennes dans le cadre de l’inauguration du projet à 1000 emplois de Cevital aux Ayvelles. Cette fois, c’est la relocalisation d’une grande marque française qui s’effondre à Revin. Comment avoir confiance en l’Etat en de telles circonstances ? », cogne le député (LR) Pierre Cordier.

Bernard Dekens, président de la communauté de communes Ardennes Rive de Meuse, qui s’apprêtait à dégager 3 M€ dans l’immobilier de la future entreprise en entamant le chantier de construction le 1er septembre, est tout aussi virulent. « On veut qu’une entreprise du même acabit prenne la place des Cycles Mercier. Que Bercy assume ses erreurs et se remue pour trouver une solution alternative car on ne peut pas ainsi bafouer l’espoir de tout un bassin d’emploi. Ce programme était une bouffée d’air providentielle pour le territoire. Il faut maintenant parvenir à réindustrialiser cette friche ».

« DE LOURDES CONSÉQUENCES »

Boris Ravignon, vice-président de la Région Grand Est qui se préparait à verser 2,8 M€ d’aides relance : « Avant que l’Etat exprime des inquiétudes sur la probité de l’investisseur, personne, jusqu’alors, n’avait contesté la faisabilité économique du projet. On souhaiterait donc en savoir davantage sur les raisons ayant poussé l’Etat à l’abandonner . D’autant que le porteur de projet conteste les allégations apportées et dit ne pas avoir pu se faire entendre. Il se défend aussi en faisant valoir qu’il n’a jamais fait l’objet de condamnations. Pourquoi dans ce contexte-là et compte-tenu de l’intérêt économique du projet et des lourdes conséquences représentées par un arrêt pur et simple, l’Etat n’initierait-t-il pas un nouveau montage financier en se donnant davantage de garanties, de protection et d’assurance pour mener à bien ce projet en préservant les intérêts publics ? ». Le président du conseil départemental, Noël Bourgeois, estime quant à lui que « l’Etat doit vite mobiliser tous ses moyens et toutes ses ressources pour soutenir et accompagner ce territoire qui n’a que trop souffert ».

Epargné par les critiques en raison de son fort investissement pour les Ardennes depuis sa nomination dans le département, le préfet Jean-Sébastien Lamontagne, a d’ores et déjà pris des engagements pour que « les 6M€ de subventions étatiques soient redéployées vers d’autres projets locaux afin que le département en conserve le bénéfice ».

JEAN-MARC SEGHEZZI CONTRE-ATTAQUE

Après nous avoir précisé qu’il venait de saisir le parquet national financier par le biais de son conseil, le cabinet d’avocat Jean David Scemama, afin d’être entendu « car jusqu’alors je n’ai pas fait l’objet d’enquêtes douanières et on souhaite donc avoir des explications par rapport à tout ce qui se dit », Jean-Marc Seghezzi, le Pdg des Cycles Mercier, nous a ensuite envoyé le communiqué titré : « Incompréhension totale et colère » en guise de réponse à toutes les attaques dont il fait l’objet. Bien qu’encore abasourdi, il se dit en tout cas « plus motivé que jamais pour monter cette usine que ce soit dans les Ardennes ou dans d’autres régions qui m’ont sollicité ».

Sa réaction : « En octobre 2020, alors que je venais d’être reçu à Bercy, j’étais alors satisfait et confiant après avoir été poussé et orienté vers la région Grand-Est par le ministère de l’industrie qui m’a motivé en me promettant son soutien et un accompagnement garanti pour les Cycles Mercier. On m’avait dans le même temps dissuadé de répondre aux offres d’une autre nation européenne économiquement plus viable pour un industriel. (N.d.l.r. : le Portugal). Le 15 mars 2021, après dix mois de travail avec les acteurs locaux et régionaux, j’étais conforté par la visite de la ministre de la Cohésion des territoires qui a annoncé sur le site une aide de 800.000 euros dans le cadre du plan de relance. Aujourd’hui, suite à l’abandon de l’Etat et du lynchage dont je fais désormais l’objet, je suis en colère et je m’exprime. Car le projet était bouclé avec, en mains, les rescrits sociaux et fiscaux validant le dispositif Bassin d’Emploi à Redynamiser (B.E.R.) et les lettres de confirmation des aides françaises, régionales et européennes. Le permis de construire a été obtenu. Et un plan de réhabilitation et d’implantation industriel de la friche Porcher, polluée et abandonnée depuis 11 ans, avait aussi été réfléchi avec le soutien d’une société d’ingénierie régionale. Pour ma part, j’ai financé par me soins plus de 2,5 millions d’euros dans la commande de la machinerie. Tout était donc en place.

Nous réunissons, par ailleurs, tous les critères y compris l’écologie et les mobilités vertes pour s’inscrire dans une démarche de relance économique locale, parfaitement dans les cordes du projet de France relance 2030. Sans oublier bien sûr la création de 250 emplois d’ici 5 ans grâce au retour en France d’une marque mythique et centenaire. De quoi redynamiser la ville de Revin, sinistrée par un chômage dépassant les 25%. Enfin, les premières démarches d’embauches avaient d’ailleurs démarrées en collaboration avec Pôle emploi et les centres de formations. Et après la validation de toutes ces étapes et onze mois de travail acharné, on se heurte désormais à une réponse négative de l’Etat et de la BPI qui plus est en me salissant par des propos calomnieux et diffamatoires. On a beaucoup grossi le trait. C’est pourquoi j’ai décidé de passer à l’offensive pour aller chercher les infos au parquet national financier.

Car il me semble qu’on se moque du monde ! Une telle volte-face est inacceptable d’autant que les annonces de l’Etat sont insuffisantes et non étayées. Et comme j’ai eu une fin de non recevoir au ministère de l’industrie, j’ai donc demandé à l’Etat, avec le soutien du président de Région, M. Rottner, et de tous les élus locaux, de faire marche arrière et proposé un rendez-vous au Premier Ministre ».