Masques et surblouses : mobilisation à tous les étages

35 bénévoles fabriquent les surblouses pour les établissements hospitaliers et les Ehpad de Châlons et d’Epernay.

À l’arrêt depuis le 16 mars, les machines de l’usine Chantelle (Epernay) servent aujourd’hui à la fabrication de surblouses pour les soignants.

L’annonce du confinement signant la fermeture des usines et des boutiques, le site sparnacien de Chantelle a mis sa centaine de salariés au chômage partiel. Pourtant, à la mi-avril, l’activité a repris sur une partie des machines habituellement consacrées à la fabrication de lingerie. « Dès la fermeture, plusieurs salariées nous ont demandé si nous comptions faire quelque chose pour les soignants », explique Stéphan Rigot, directeur du site. Il faut dire que le site de Chantelle dispose d’un précieux savoir-faire en matière de confection. Depuis 1962 à Epernay, le bâtiment abrite un bureau d’études et des ateliers de conception de lingerie, que de nombreuses salariées avaient envie de mettre à la disposition de l’effort national pour contrer la crise sanitaire. Une idée généreuse pas si simple à mettre en pratique.

PARTENARIAT AVEC LE LION’S CLUB

« Il nous était impossible de faire travailler bénévolement des salariées en chômage partiel », souligne le directeur qui a contribué à rendre le projet réalisable auprès du groupe. Seule solution : la création d’une association pour permettre la mise à disposition du site et des machines par l’entreprise, tout en donnant la possibilité aux salariées en activité partielle de participer. Le groupe ayant donné son accord, pas moins de 35 salariées se sont portées volontaires pour découper et assembler des tissus destinés à la fabrication de surblouses pour les soignants par l’entremise de l’association Les Blues du cœur, présidée par Delphine Chapelot, responsable du bureau d’études. Chaque jour, les couturières bénévoles se succèdent sur les machines par groupes de onze. Pour fabriquer les surblouses, les équipes utilisent du voile d’hiver- nage fourni par le Lion’s Club. 700 surblouses sont découpées chaque jour. Parmi celles-ci, 600 sont destinées aux couturières bénévoles du Lion’s Club, tandis que 100 autres sont cousues sur place par les membres de l’association. Le Lion’s Club distribue ensuite aux Ehpad marnais, mais aussi aux soignants des centres hospitaliers de Châlons-en-Champagne et d’Epernay. Depuis le début de l’activité, les bénévoles qui se relaient par demi-journées ont déjà coupé plus de 12 000 surblouses et en ont fabriqué près de 1 500.

« Nous avons aussi livré près de 270 kits pour des couturières de Châlons », rappelle Delphine Chapelot, dont le bureau d’études travaille habituellement sur la création et la conception de nouvelles créations pour le groupe Chantelle qui compte les marques Chantal Thomass, Chantelle, Passionata, Darjeeling et Femilet.

Le site accueille pas moins de 45 opératrices qui travaillent sur près de 350 machines pour développer près de 180 références.

À l’arrêt jusqu’au 8 juin, le site sparnacien continuera à accueillir l’association Les Blues du cœur jusque fin mai.

LE PRÉFET EN VISITE

Le 6 mai, les bénévoles de l’usine Chantelle ont reçu la visite du Préfet de la Marne, Pierre N’Gahane et de la sous-préfète d’Epernay, Odile Bureau. Outre les membres du Lion’s Club, plusieurs élus locaux ont visité le site pour apporter leur soutien aux couturières.

Eric Girardin, député de la troisième circonscription de la Marne, Franck Leroy, maire d’Epernay et les conseillers départementaux Dominique Lévêque et Marie-Christine Bression.

Chanteclair accélère grâce au masque présidentiel

Chanteclair produit jusqu’à 18 000 masques en tissu par semaine.

Emmanuel Macron porte le masque fabriqué par une PME auboise qui croule déjà sous les commandes.

Il y a quelques mois à peine, la PME textile auboise Chanteclair était connue pour ses fabrications d’articles haut de gamme dont la moitié s’exportent au Japon. Depuis quelques semaines, sous l’impulsion de son PDG, Thomas Delise, cette entreprise de 32 personnes est devenue la grande spécialiste du masque de protection made in France. Et encore plus depuis que le président Emmanuel Macron a eu la bonne idée de porter un masque bleu marine orné d’un petit ruban tricolore lors de sa visite d’une école à Poissy. Un masque très remarqué, dont l’Élysée a mis en avant la fabrication entièrement française et plus précisément auboise. « C’était à l’origine une commande que l’Élysée nous avait passée, après audit, pour les besoins de son personnel et je ne savais pas que le président de la République allait le porter », explique Thomas Delise. Une énorme surprise qu’il a partagé aussitôt avec ses équipes, dans l’atelier de Saint-Pouange.

« C’est une grande fierté pour nous tous et je remercie encore mes équipes qui font un travail extraordinaire pour produire les masques dont la population et les entreprises ont besoin », poursuit cet ancien banquier qui a changé de voie en 2018 pour devenir industriel en reprenant l’entreprise de Jean-Pierre Chanteclair. Depuis, il a vécu un apprentissage très accéléré, lançant Elacio, une nouvelle marque de vêtements il y a quelques mois, avant d’opérer un virage radical à l’occasion de la crise sanitaire. « Nous produisons jusqu’à 18 000 masques en tissu par semaine dans nos ateliers et j’ai également monté un réseau avec des entreprises textiles de toute la France pour atteindre une capacité de production de 300 000 pièces par semaine », ajoute- t-il. Les grosses commandes émanant de collectivités et d’entreprises affluent depuis quelques semaines déjà et le chef d’entreprise se démène pour y répondre. Mais la demande est énorme.

UN SITE DE VENTE EN LIGNE EN PRÉPARATION

L’engouement pour le modèle porté par Emmanuel Macron n’a fait qu’accroître la pression. La PME est submergée de mails et de coups de fil destinés à passer commande. « Il faut nous laisser un peu de temps pour nous organiser, le temps de lancer un site de vente en ligne, fin mai ou début juin », précise-t-il. Le temps aussi de déployer la logistique adaptée. Les entreprises et les collectivités seront prioritaires, mais les particuliers pourront également commander. Selon les quantités, le prix unitaire oscillera entre 5,5 euros et 7 euros hors taxes. « Nous ferons en sorte que le prix pour le particulier ne dépasse pas non plus 7 euros, notre objectif est de rendre service au plus grand nombre et pas de faire du profit, notre prix de revient étant de près de 5 euros car il s’agit de production française de grande qualité », ajoute le chef d’entreprise. Ces masques respirants et filtrants, certifiés catégorie 1 par la Direction générale de l’armement, bénéficient aussi du savoir-faire d’une autre PME auboise, Bugis, qui a mis au point le filtre. Thomas Delise est persuadé que le masque de protection deviendra un marché pérenne en France, au-delà de la crise du moment. Certains modèles de masques relèvent quasiment de l’accessoire de mode. Un nouveau marché que la PME auboise entend bien continuer d’investir à plus long terme.