Malgré la crise, ils recrutent

Alors que la progression du volume de colis était de 10% ces dernières années, La Poste enregistre aujourd’hui une augmentation de 30%.

La crise sanitaire, et par effet boomerang, économique a fragilisé certains secteurs (aéronautique, hôtel-restaurant, commerces…) mais aussi inversement, en a favorisé d’autres (logistique, nettoyage, e-commerce).

Tout le monde s’en est rendu compte, ce second confinement n’a rien à voir avec le premier. Écoles ouvertes, majorité des secteurs en poursuite d’activité, en présentiel ou en télétravail, nombreux déplacements autorisés… La plupart des responsables des branches professionnelles ont sonné l’alarme, exhortant les pouvoirs publics à encourager la poursuite du travail. Et si la baisse du PIB de près de 14% a été brutale au deuxième semestre 2020, la reprise a néanmoins été forte dans certains secteurs : automobile, commerce, bâtiment, industrie… À tel point que le confinement a créé « un effet d’aubaine » pour quelques entreprises, qui loin de mettre la clé sous la porte, ont dû embaucher pour faire face au surcroit d’activité. C’est le cas de l’entreprise OC Logistique (voir ci-dessous) mais aussi dans une moindre mesure, de la société de nettoyage Lustral.

« Durant le confinement, il y a eu un jeu d’équilibre entre les entreprises qui arrêtaient leurs prestations de nettoyage et les structures qui au contraire les renforçaient, comme toutes celles touchant à la santé et au médico-social notamment », indique Marc Pierre, directeur des Ressources humaines chez Lustral. « Tout le monde a un protocole sanitaire renforcé et un certain nombre de tâches se sont ajoutées, comme le nettoyage plusieurs fois par jour des poignées de portes ou des postes de travail. » Avec un volume de 3 000 salariés, si Lustral a un turn-over important dû à la gestion des remplacements, l’entreprise recrute beaucoup. « Nous avions plus de 80 postes en cours de recrutement ces derniers mois, pour des fonctions d’agent polyvalent, d’inspecteur, de chef d’équipe, de caristes, d’administratifs… », détaille le DRH qui confie avoir encore une bonne vingtaine de postes à pourvoir hors agent de service.

« Le client a besoin de proximité et nous avons des commerciaux qui sont dédiés à son accompagnement. Surtout, l’employeur a une obligation de santé et de sécurité au travail envers ses salariés, c’est pourquoi aujourd’hui, de nouvelles structures se tournent vers nous. » Présente dans tout le Grand Est (Champagne, Aube, Bourgogne, Franche-Comté) Lustral réalise un chiffre d’affaires entre 38 et 40 millions d’euros par an.

UNE POURSUITE TIMIDE DES EMBAUCHES

Concernant le marché du travail des cadres, dirigeant du cabinet de recrutement Euroconsulting dont le siège est basé à Reims, Eric Bohn se déclare agréablement surpris par la poursuite de l’activité malgré la crise sanitaire. « En mars, à l’annonce du confinement il y a eu un gel immédiat pendant un mois. Environ un tiers des missions signées avant le 15 mars ont été mises en stand-by et les missions qui n’avaient pas encore été signées ont été reportées en mai-juin. Mais aucune d’entre elles n’a été annulée. D’ailleurs même en plein confinement nous avons mené à terme plusieurs belles missions de recrutement », souligne le consultant spécialisé dans les recrutements de cadres moyens et de cadres dirigeants.

Si son activité a connu un redémarrage en juin, c’est fin août qu’elle a vraiment repris, avec une vingtaine de postes à pourvoir. Surtout, Eric Bohn a noté un changement de profils des candidats lié au Covid. « De nombreux cadres ont profité du confinement pour réfléchir à la suite de leur carrière, notamment des cadres qui veulent quitter la région parisienne et les grands centres urbains, à la recherche d’un nouvel environnement de vie et de nouveaux projets personnels parfois aussi ».

S’il a connu un certain fléchissement de son activité, le consultant rémois se veut optimiste. « Actuellement nous avons une quinzaine de missions en cours sur toute la France dont la moitié en local, sur le Grand Est, où l’activité, sans être pléthorique, est plutôt bonne. Nous intervenons d’ailleurs sur des secteurs d’activité très divers : industrie, coopératives agricole, industrie agro-alimentaire, secteur sanitaire et social, packaging, marketing, enseignement supérieur, tourisme… et malgré le nouveau confinement, les projets sont maintenus ».

DES SECTEURS TOUJOURS EN TENSION

Du côté des agences d’Interim, la reprise d’activité se fait également ressentir et l’embauche est toujours d’actualité dans les secteurs traditionnellement en tension. « Les secteurs qui souffraient du manque de main d’œuvre avant le premier confinement sont toujours les mêmes aujourd’hui », indique Laurent Herzog, directeur régional Grand Est de l’agence d’interim Triangle. « Les maçons, les coffreurs, les plombiers, les soudeurs mais aussi les électriciens sont des professions toujours extrêmement en tension. Lors du premier confinement les chantiers s’étaient arrêtés les premières semaines le temps de se fournir en matériel de protection et de définir des protocoles sanitaires. Mais une fois tout cela réglé, les chantiers sont repartis », précise Julie Richard, directrice de l’agence Triangle d’Epernay.

« Aujourd’hui, la jeune génération a plus tendance à rechercher une expérience qu’un travail, et les métiers où la pénibilité est toujours là, ont encore du mal à trouver leur public », explique Laurent Herzog. En revanche, les secteurs tels que le nettoyage, le conditionnement, la logistique, le e-commerce, eux, ne connaissent pas la crise. « On arrive sur une période où en entre des offres de préparateurs de commandes ou d’opérateur de contrôle et conditionnement », relève le directeur régional qui chapeaute onze agences du Grand Est.

La hausse des commandes en ligne pendant le confinement, s’il y a bien une entreprise qui l’a ressenti c’est La Poste. « Dans le Grand Est, nous allons recruter 450 personnes en renfort pour la période mi-novembre, fin décembre. Les fêtes débutent en réalité à partir du 11 novembre, le single day, en Chine où des offres promotionnelles sont très importantes sur les sites de e-commerce asiatiques, puis le black Friday le 27 novembre et ensuite jusqu’au 24 décembre », souligne Laetitia Royaux de La Poste qui indique que les envois de colis ont progressé de 30% sur une année, là où la progression des années précédentes était de 10%. « Au plus haut du confinement, nous avons atteint un pic de traitement de 11 millions de colis ». Ce Noël « sous covid » est une première et promet de bouleverser un peu plus les modes de consommation ordinaires. « On s’attend à un très fort trafic avec la fermeture des commerces. »

D’ailleurs depuis le mois de juillet, La Poste enregistre une hausse de 30% du volume de colis à traiter comparativement à la même période en 2019. Les renforts d’effectifs font se faire sur la distribution et le tri ( 6 000 postes nationalement) et sur les bureaux de poste (3 000 postes nationalement). Cette augmentation de trafic sur une période bien déterminée ne vient pas pour autant, rattraper la baisse du chiffre d’affaires dûe à l’effondrement de la partie courrier : « une perte d’1 milliard d’euros pour un gain de 300 millions pour les colis. »


POK continue d’embaucher

L’entreprise nogentaise POK, spécialisée dans les équipements de lutte contre l’incendie, recrute dans de nombreux domaines.

« Toute notre communication est projetée vers le recrutement », observe Alexandra Grandpierre, directrice générale de POK, l’un des leaders européens spécialisés dans la fabrication d’équipements de lutte contre l’incendie. L’entreprise auboise de Nogent-sur-Seine, reconnue mondialement pour son savoir-faire et la qualité de ses produits, est en pleine expansion et continue d’embaucher. Son département qualité, sécurité et environnement recrute actuellement pour six postes. Et autant pour son département ressources humaines, finances et juridique.

Les autres départements embauchent également : deux postes sont à pourvoir dans le domaine de la technologie de l’information ; trois pour le service achats ; deux pour la recherche et développement produits et onze au département production et logistique ! Ce qui signifie que POK propose actuellement pas moins de trente offres d’emploi.

Les annonces du site Internet de l’entreprise www.pok.fr, reprises automatiquement sur Indeed, transmises à Pôle Emploi et à l’APEC pour certains profils sont ainsi constamment à jour. « On reçoit actuellement 600 CV par mois. Davantage qu’avant la crise sanitaire », explique Alexandra Grandpierre. Malheureusement, les candidatures ne sont pas toujours pertinentes. Certains postes sont en outre difficiles à pourvoir. Par exemple « on ne trouve pas de contrôleur de gestion dans la région ».

ADÉQUATION ENTRE PROFILS RECHERCHÉS ET CV

« Pour trouver les bons profils, nous sommes également très à l’écoute des entreprises en difficultés financières.

Les personnes travaillant sur des machines à commandes numériques sont des profils à reprendre. Si le CV ne correspond pas à l’offre d’emploi, on n’hésite pas à proposer autre chose à la personne », fait-elle valoir. Les processus de l’entreprise son extrêmement variés. Ce sont des processus comme la fonderie, l’usinage, la découpe laser, les traitements chimiques, que l’on va retrouver dans d’autres entreprises.

POK propose aussi des offres de stages, qu’ils soient conventionnels, en alternance . « Cela concerne deux types de compétences. En montage assemblage, en travaillant du début à la fin sur une pièce on apprend beaucoup de chose en mécanique. Le stage de magasinier permet d’apprendre à réceptionner la marchandise, à la compter et à la ranger», explique la dirigeante auboise. L’idée étant de donner envie aux étudiants d’intégrer l’entreprise. « Avec les bons candidats, on fait les bons projets. Et on a beaucoup de projets qui n’avancent pas, car on n’arrive pas à recruter ».

Nadine CHAMPENOIS


Dans les Ardennes aussi, les embauches se poursuivent

Arthur France coussins attend de savoir si elle est retenue pour l’appel d’offre lancé par Ardenne Métropole pour transformer six CDD en CDI.

Après le premier confinement, plusieurs entreprises ardennaises ont dévoilé des projets porteurs quant à leur avenir et débouchant sur la création d’emplois.
C’est notamment le cas de La Fonte Ardennaise qui aura besoin de dix recrues après la mise en place d’une unité de régénération de sable de fonderie nécessitant un investissement de quatre millions d’euros.

D’Acciome 08 qui procédera à l’embauche de six nouveaux chaudronniers et machinistes dans un nouveau bâtiment érigée aux Mazures.
D’Arthur France Coussins à Neufmanil qui pourrait transformer six CDD en CDI si elle est retenue dans l’appel d’offre lancé par Ardenne Métropole lié à la confection de masques. Mais aussi de Colin Milas qui va se doter d’un nouvel atelier d’usinage à Hautes-Rivières, de la Semap qui en construisant une nouvelle usine à Bogny-sur-Meuse fera appel plusieurs soudeurs, agents de maîtrise et chef d’équipes et d’ADCL qui, en doublant sa surface, sur la friche Porcher à Revin aura besoin de deux emplois supplémentaires.

« Le développement de ces différentes entreprises dans un contexte pourtant difficile prouve que lorsque des Pme savent prendre des initiatives en trouvant des créneaux porteurs, en profitant des opportunités d’innovation et en sachant grâce à leur qualité et leur savoir-faire se faire reconnaître par leurs donneurs d’ordre, elles sont moins impactées et arrivent même à tirer leur épingle du jeu », constate Géraud Spire, le président de la chambre de commerce et d’industrie des Ardennes. Celui-ci craint, par contre que l’hypermarché Cora au moment où il était en passe d’embauche une trentaine d’apprentis remette ce projet en cause à cause de la récente fermeture de plusieurs rayons.

Notons aussi que le 3e régiment du génie de Charleville-Mézières a lancé sa campagne de recrutement pour 2021. La garnison souhaite engager environ 130 militaires dont 120 sapeurs de combat après une formation de six mois mais aussi six mécaniciens, deux maîtres-chiens, eux transmetteurs et un personnel administratif.

Pascal REMY


L’insolente croissance d’OC Logistique

L’entreprise rémoise spécialisée dans le transport et la logistique a purement et simplement doublé ses effectifs en 2020 pendant la crise sanitaire et s’étend sur le grand quart nord-est du pays.

Olivier Clément a doublé ses effectifs et a acquis pas moins de 60 camions cette année pour faire face à la croissance de son activité.

Spécialiste de la logistique du transport express à domicile, l’entreprise dirigée par son fondateur Olivier Clément ne connaît pas la crise. Au contraire, le dirigeant rémois a plus que doublé ses effectifs au cours de l’année, malgré les confinements et le couvre-feu. « Nous avons recruté 150 personnes en moins d’un an, nous sommes plus de 270 actuellement », explique le chef d’entreprise. Des emplois en CDI uniquement, qui accompagnent la croissance exponentielle de la structure qui fête à peine ses cinq ans d’existence.

Avec la crise sanitaire, la livraison à domicile a connu une spectaculaire recrudescence d’activité en raison notamment du développement du e-commerce. Surtout quand, comme Olivier Clément, un de vos partenaires s’appelle Amazon. Le géant américain décrié par les petits commerçants n’en reste pas moins un pourvoyeur d’activité et d’emploi dans le domaine de la logistique. Et parmi les quelque 700 transporteurs à travailler avec Amazon sur le territoire national, OC Logistique est systématiquement classée sur le podium des meilleurs en matière de qualité de service et de taux de livraison.

Une fierté pour le chef d’entreprise qui n’en oublie pas ses très nombreux clients locaux. « Nous travaillons beaucoup en masqué avec des entreprises locales, pour le dernier kilomètre, pour de la logistique, (réception, conditionnement et livraison) de produits spécifiques comme de l’électroménager par exemple ».

AUX QUATRE COINS DU GRAND QUART NORD-EST

Des entreprises qu’il sollicite également quand il achète 60 camions neufs auprès des concessions Mercedes et Citroën locales. « Les entreprises nous font travailler, c’est normal que de notre côté nous les fassions travailler quand nous le pouvons. D’ailleurs, l’activité est tellement forte que j’ai été obligé de louer 50 camions supplémentaires », précise-t-il. Aujourd’hui, le principal problème d’Olivier Clément, c’est de recruter, justement. « Avec le développement de l’entreprise j’ai dû embaucher une directrice des ressources humaines car le recrutement c’est un boulot à temps plein aujourd’hui chez nous. Malheureusement ça n’est pas simple de trouver du personnel »,regrette-t-il. Sa meilleure communication pour trouver du personnel ? « Les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille », avoue-t-il, un peu dépité par les canaux traditionnels et spécialisés.

Acteur majeur du « dernier kilomètre » dans le grand quart nord-est du pays, le dirigeant dispose désormais d’entrepôts logistiques à Strasbourg, Colmar et Noyelles-Godault (Hauts de France) en plus de ses deux sites rémois où l’entreprise se sent aujourd’hui à l’étroit. « Nous avons acheté un terrain de 6,5 hectares à Witry-lès-Reims où nous pourrons débuter les travaux à l’été 2021 pour construire un nouveau bâtiment de 4000 m2 ».