L’Yonne, bonne élève de l’agriculture biologique

Conférence Bio

Le vendredi 7 février, la Chambre d’agriculture de l’Yonne tenait une conférence sur l’agriculture biologique et la filière viticole. Un département qui dans ce domaine fait figure de bon élève.

Entre effets d’annonce et réalité, l’Agriculture biologique (AB) est un cas d’école : le même jour, Emmanuel Macron annonce un plan de protection du Mont-Blanc, et à Bruxelles on vote l’exploitation de nouvelles mines gazières. En Bourgogne, le rapport des sénateurs Alain Houpert (LR – Côte d’Or) et Yannick Botrel (PS – Côtes-d’Armor) assassinant le Plan Ambition bio 2022 du gouvernement est publié alors que la Chambre d’agriculture de l’Yonne donne une conférence sur… le bio. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !

Ne soyons pas si sévère : l’Yonne fait figure de lauréat de l’AB dans la région, avec 60 nouvelles fermes bio en 2018 (14 % des 450 exploitations) et 9 % de la SAU (surfaces agricoles utiles), devant les autres départements qui affichent entre 30 (Nièvre) et 50 (Côte d’Or) nouvelles exploitations. En 20 ans l’Yonne a vu fleurir neuf fois plus de fermes bio, que de conventionnelles dont 72 % dans les grandes cultures, la polyculture et l’élevage. La viticulture, elle, vient en troisième position avec 12 % des domaines. Pour Julien Bourgeois du GABY (Groupement des agrobiologistes de l’Yonne) ce n’est que le début : « Les conversions sont en augmentation régulière, on atteint aujourd’hui 55.000 tonnes en comptabilisant les produits en conversion et une filière est installée : six points de collecte ». Loïc Guyard de la Chambre d’Agriculture de l’Yonne reste attentif : « Il faut être vigilants sur certaines cultures comme l’épeautre, l’avoine, le millet pour lesquelles des difficultés sont à prévoir mais se poser aussi la question de la culture du soja (passée de 13 à 32.000 hectares de 2014 à 2018, NDLR) sous nos climats » . D’autres secteurs en revanche sont en déclin comme le lait, accusé de servir de faire-valoir aux grandes surfaces et dont le coût de production n’est pas rentable, ou en état végétatif comme la viande. Mais dans ce contexte, le grand gagnant reste le vin !

LE VIN BIO SE LAISSE BOIRE

Car le vin bio, lui, est en plein expansion de +15 à +20 % par an, même s’il ne représente qu’environ 4 % du marché. Avec 49 exploitations bio (12 % des vignes, un quart de plus que la part nationale), la filière icaunaise se porte bien et offre au Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) un panel d’étude riche en matière d’expérimentations des pratiques (traitements de l’oïdium et du mildiou, cuivre, soufre). Et là-aussi, l’Yonne est en pôle position d’une viticulture qui, en général, diminue l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. L’analyse de ces parcelles en AB a bien sûr un intérêt pour le consommateur. Mais son impact est aussi économique puisqu’elle permet d’adapter les techniques dans la charge de travail (estimée à +34 % en AB), un argument souvent rédhibitoire pour les candidats à la conversion et qui pèse dans le coût de production.

BIO ET BON POUR LA PLANÈTE

Car produire du vin bio coûte plus cher. Environ 38 % de plus selon le BIVB, surplus principalement concentré sur l’entretien des sols, les travaux d’été, et les vendanges (environ 13 %). C’est donc sur ces trois postes que le BIVB concentre ses études. S’il coûte plus cher, son bénéfice sur l’environnement est évident dans un contexte mondial de recherche de performances environnementales. Mais de ce côté là, le récent rapport remis par les sénateurs Houpert et Botrel sur le financement du bio marque une incohérence entre ambitions et moyens. Alors risque t-on de voir décliner l’agriculture bio ? Non, selon Julien Bourgeois : « dans toute conversion il y a un une démarche volontaire, éthique, environnementale et humaine. Cela peut en effrayer ce tains mais il n’y aura pas de retour en arrière ». Ironie de l’histoire, l’agriculture biologique, aujourd’hui présentée comme alternative fut le modèle d’agriculture durant des millénaires, jusqu’aux prémices de la mécanisation et de la chimie à la fin du XIXe siècle.

TROIS QUESTIONS À ALAIN HOUPERT

Le Journal du palais. Pourquoi ce constat pour la filière bio ?

Alain Houpert. C’est un constat d’échec sur un plan politique et économique puisque les objectifs du plan Ambition Bio annoncé en 2018 (convertir 15 % de la SAU au bio et assurer 20 % de produits bio dans la restauration collective, NDLR) seront au mieux atteints en 2026 – Nous sommes à 7,55 % de la SAU en bio aujourd’hui. C’est plus encourageant côté consommateur où la demande est très forte mais elle est satisfaite parce que nous importons 30 % de produits !

Votre rapport pointe des freins structurels au développement du bio en France…

L’AB est encadrée par une réglementation européenne avec des déclinaisons nationales qui devraient être harmonisées : il y a un doute légitime sur des produits originaires de pays européens quand nos agriculteurs sont ultra-surveillés – ils sont d’ailleurs les premières victimes des retards de paiements des fonds européens que mon collègue Botrel et moi-même avions déjà dénoncés dans un précédent rapport. Or ces fonds sont désormais gérés par les Régions, avec des politiques disparates dont l’État se désengage alors qu’il ne se prive pas de collecter une TVA sur des produits AB plus chers ! Il se comporte en passager clandestin du bio, ce que nous dénonçons aux Ridy, nous le faisons.

Comment améliorer le modèle AB ?

En harmonisant les pratiques européennes, en simplifiant les procédures administratives et en regardant de plus près les instances du bio : notre rapport pose notamment la question du maintien de l’Agence bio dont l’efficacité est contestable et du rôle de l’INAO quant aux certifications qui sont devenues un véritable marché. Nous aimerions enfin que la DGCCRF puisse jouer ici pleinement son rôle et que la recherche de traitements compatibles avec l’AB soit relancée.