L’Urssaf, une amie qui ne vous veut pas que du bien

Qui n’a jamais entendu parler de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, plus connue sous son acronyme, Urssaf ? L’Urssaf est omniprésente : dirigeant d’entreprise, artisan, profession libérale, indépendant, salarié … tout le monde cotise auprès de cet organisme. 

UN RÉSEAU BIEN ORGANISÉ POUR PRÈS DE DIX MILLIONS DE COTISANTS 

L’Urssaf est un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public. Autrement dit, elle assure une mission d’intérêt général, celle de la collecte et de la redistribution des cotisations et contributions. 

Plus particulièrement, il existe en France 22 Urssaf, rattachées à une caisse nationale, l’Acoss (Agence centrale du réseau des Urssaf ). Au total, pas moins de 13.000 collaborateurs travaillent au sein de cette « entreprise ». 

L’Acoss et les Urssaf se définissent comme un réseau ayant vocation à accompagner les employeurs et entrepreneurs dans le cadre d’une relation de service simple. 

Alors que l’Acoss prône une démarche d’accompagnement et d’amélioration continue visant à renforcer la qualité des relations avec le cotisant, l’argent qu’elle se félicite chaque année de récolter au travers de son rapport d’activité et les objectifs fixés par l’État (1), peuvent nous amener à douter de ses intentions si bienveillantes à l’égard des cotisants… 

NEUF CONTRÔLES SUR DIX ABOUTISSENT À UN REDRESSEMENT 

Depuis quelques années, l’Urssaf se donne pour mission principale de lutter contre la fraude au prélèvement social. Une telle démarche doit bien évidemment être encouragée mais jusqu’à quel point ? 

Si, d’un point de vue strictement juridique, la fraude suppose un élément intentionnel de la part de son auteur, force est de constater que l’Urssaf élude totalement cette condition, pourtant essentielle. La Cour de cassation a d’ailleurs récemment soutenu l’Urssaf considérant qu’il n’était pas nécessaire pour les contrôleurs d’établir l’intention frauduleuse de l’employeur (3)

Dans un tel contexte, l’Urssaf ne se prive pas. Ainsi, neuf contrôles sur dix se clôturent par un redressement et plus du tiers le sont au titre du travail dissimulé. 

Cela signifie-t-il qu’un chef d’entre- prise sur trois est un fraudeur ? j’en doute fortement ! 

Sur ce sujet, un ancien contrôleur Urssaf a eu l’occasion de témoigner sur les pratiques, selon lui abusives de l’Urssaf, en reconnaissant que le travail dissimulé, volontairement mis en œuvre par le dirigeant, ne concernait en réalité que 10 % des cas redressés (4)

À titre d’illustrations, lorsque des cotisants pensent être dans leur bon droit en invoquant le bénévolat, l’entraide familiale ou encore le recours à un prestataire de service, l’Urssaf pourra, quant à elle, raisonner bien différemment en opposant une dissimulation d’emploi salarié. 

DES TEXTES BEAUCOUP TROP COMPLEXES ET UN MANQUE GÉNÉRAL D’INFORMATION SUR LES DROITS DES COTISANTS 

Ces redressements massifs, quel qu’en soit le motif, sont probablement dus à la détermination d’Inspecteurs désireux de remplir leurs objectifs et au manque d’information et de connaissance des textes par les cotisants. 

Et pour cause, du Code de la sécurité sociale au Code du travail, pesant à eux deux près de 11.000 articles, de la loi de financement de la sécurité sociale adoptée chaque année la veille de Noël aux innombrables Circulaires Acoss qui finissent, parfois même, par se contredire et bientôt le bulletin officiel de la sécurité sociale … comment s’y retrouver pour un non juriste ? 

Espérons, ainsi qu’elle le revendique sur son site internet et dans son rapport annuel d’activité, que l’Urssaf améliorera ses relations avec les cotisants et que les pouvoirs publics simplifieront cette matière pour la rendre compréhensible aux cotisants et protectrice de leurs droits. 

Si j’ose l’espérer, je crains que ce ne soit peine perdue lorsque l’on sait que ce qui est récolté par l’Urssaf permet de financer « le modèle social français », c’est-à-dire d’alimenter les 900 organismes afférents aux prestations sociales (prestations familiales, aides au logement, soins de santé, arrêts maladie, soins et indemnités liés aux accidents du travail, congés maternité, pensions de retraite…). 

L’EMPLOYEUR DOIT RÉAGIR FACE À UN CONTRÔLE URSSAF ET NE PAS LE SUBIR 

En attendant, face à des inspecteurs du recouvrement peu coopératifs, le chef d’entreprise doit agir avant, pendant et à l’issue du contrôle. 

Un contrôle Urssaf se prépare et comme l’indique l’inspecteur du recouvrement dans son avis de contrôle, l’employeur a la possibilité de se faire assister par le conseil de son choix. 

N’oublions pas que les contrôleurs sont soumis à un formalisme rigoureux dès l’envoi de l’avis de passage, dont le non-respect peut entrainer l’annulation du redressement. 

Par conséquent, Si l’Urssaf procède à un redressement que le cotisant estime injustifié, sur le fond et/ou sur la forme, il doit le contester en veillant à respecter les délais – très courts – et voies de recours. Précisons d’ailleurs qu’au terme d’une jurisprudence récente (5), il n’y a plus de seconde chance de contester le redressement en faisant opposition à la contrainte de payer de l’Urssaf (qui intervient lorsque le cotisant n’a pas donné suite à la mise en demeure) si le cotisant n’a pas contesté la mise en demeure de payer le redressement devant la Commission de recours amiable en temps utile. 

Pourtant, seulement 8 % des redressements font l’objet d’une contestation auprès de ladite commission de recours amiable ; preuve que les cotisants n’o- sent pas affronter cet organisme qui n’a pourtant pas toujours raison. 

(1). convention d’objectifs de gestion (COG) État-Acoss.

(2). Rapport d’activité 2019 Acoss.

(3). Cass. civ., 2e ch. 9 juillet 2020, n° 19-11860 D. 

(4). loretlargent.info/entreprises/ex-inspecteur-de-lurssaf-temoigne-80-controles-seraient-injustifies/18014/

(5). Cass.civ 2e 4 avril 2019 n°18- 12014, CA Fort-de-France ch.Soc 20 novembre 2020, CA Grenoble ch. Soc 17 septembre 2020, CA Versailles ch 05 14 janvier 2021. 

En chiffres (2) 

534 milliards d’euros encaissés par l’Urssaf en 2019 (contre 516 en 2018), soit six fois le montant récolté au titre de l’impôt sur le revenu. 

128.000 contrôles et actions de prévention en 2019, soit – en moyenne – trois fois plus que les contrôles fiscaux. 

3,1 % de la fréquentation étrangère en France (nuitées). 

708 millions d’euros de redressement de cotisations et contributions sociales en 2019, soit une augmentation de plus de 10 % par rapport à l’année précédente. 

Clémence Puig, Avocat Associé, spécialiste en droit du travail. clemencepuig@legiconseils.com