L’Urssaf maintient son soutien aux entreprises

Jean Dokhelar, directeur régional de l’Urssaf.

Reports de cotisations et aides directes ont atteint 1,5 Md€ en Occitanie l’an dernier.

S’il fallait tirer une conclusion positive de la crise de la Covid-19, c’est qu’« elle a conforté le rôle d’accompagnement qui est le nôtre auprès des entreprises et des travailleurs indépendants d’Occitanie », résume Jean Dokhelar, directeur régional de l’Urssaf. L’organisme vient de publier un bilan des effets de la crise sur l’économie locale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Occitanie, et particulièrement les départements des Hautes- Pyrénées et la Haute-Garonne, paient un lourd tribut à la crise sanitaire. 21 000 postes ont ainsi disparu dans le privé l’an dernier dont 10000 dans le seul secteur de l’hébergement-restauration. Dans la région, sur 12 mois, les effectifs ont reculé de 1,5 % et la masse salariale – qui est soumise à cotisations – de 6% en un an.

Dans ce contexte, l’Urssaf a mis en œuvre des mesures exceptionnelles pour accompagner les entreprises et les travailleurs indépendants : reports de paiement des cotisations et aides financières pour un montant cumulé de 1,5 Md€ l’an dernier. « L’essentiel, soit 1,4 Md€, est constitué de reports de cotisations », détaille Jean Dokhelar. Un montant six fois plus élevé que ce que l’Urssaf pratique habituellement, soit 200 M€ par an de reste à recouvrer. « Cela signifie que nous n’avons pas appelé 1,4 Md€ de cotisations sur un an auprès des chefs d’entreprise et des travailleurs indépendants, ce qui est une forme indirecte de soutien à la trésorerie, poursuit le directeur régional. Sachant que ces cotisations servent à financer des prestations très concrètes : santé, retraite, prestations familiales, qui, pour autant, ont continué à être versées. »

DES ENTREPRISES QUI JOUENT LE JEU

À ces reports de cotisations, se sont également ajoutées quelque 120 M€ d’aides directes, versées en deux fois aux travailleurs indépendants: artisans, commerçants, professions libérales. Une nouveauté pour l’Urssaf qui résulte de la reprise, par l’établissement, au 1er janvier 2020, de l’activité du RSI (Régime social des indépendants). « Le RSI menait déjà une action sociale. En reprenant l’activité, nous l’avons accentué compte tenu de cette période de crise. Nous avons distribué cette aide beaucoup plus largement », indique Jean Dokhelar. Une première aide de 750 € en moyenne a bénéficié à quelque 130 000 professionnels en Occitanie et, au terme d’une seconde vague, ce sont 24 000 bénéficiaires qui ont profité d’une aide d’un montant moyen de 840 €. « Dans le cadre de la relance, nous allons poursuivre cette action mais de manière plus ciblée cette fois, au profit des travailleurs indépendants en difficulté », ajoute Jean Dokhelar.

Ce dernier pointe un autre aspect « positif » de cette crise : « nous avons beaucoup communiqué auprès des syndicats professionnels, des chambres consulaires, des experts-comptables. Cela nous a obligés à travailler beaucoup plus en partenariat ».

UNE PREMIÈRE DANS L’HISTOIRE

Du reste, note-t-il, « la plupart des entreprises en Occitanie ont joué le jeu : celles qui pouvaient payer ont continué de payer ». De fait, en mars 2020, 40 % des entreprises ne payaient plus leurs cotisations. En juillet 2020, seules 15 % des entreprises demandaient un report de cotisations et un an après, en avril 2021, celles-ci ne représentent plus que 5 % du total des entreprises. « Un chef d’entreprise n’a pas envie d’avoir de dettes, dès qu’il peut reprendre le paiement de ses cotisations Urssaf, il le fait, même s’il utilise pour cela des leviers comme les PGE. Les entreprises ont fait un gros effort pour être à jour de leurs cotisations. C’est assez encourageant. Cela signifie que la plupart des chefs d’entreprise veulent démarrer la reprise dans de bonnes conditions. Cela signifie aussi que, si vous mettez de côté les activités toujours fermées, la restauration, l’événementiel, etc., la plupart des autres secteurs ont repris. Certains marchent même très bien », assure le directeur régional.

Après ces mesures d’urgence, l’Urssaf entend bien continuer à soutenir les entreprises et les travailleurs indépendants dans la phase de reprise d’activité. « L’idée est de ne pas casser la relance », pointe Jean Dokhelar. Pour ce faire, l’organisme mène deux actions. « Il s’agit dans un premier temps – cette action est déjà en cours – de fiabiliser la dette Urssaf des entreprises. Sachant que – c’est une première dans l’histoire – il y aura des exonérations de cotisations patronales ainsi que des aides. Ainsi, là où une entreprise aurait dû payer 100, elle ne paiera peut-être que 50. Ce ne sera toutefois valable que pour les entreprises de moins de 250 salariés dans les secteurs les plus touchés. Les exonérations pourront aller jusqu’à 1,8 M€ par entreprise sur l’année, ce qui est très conséquent. C’est ce que nous sommes en train de fiabiliser. Il y a, cependant, encore des secteurs fermés : dans ce cas, la dette continue à courir et les exonérations dont ces entreprises pourraient bénéficier aussi. À ce stade, nous ne souhaitons pas entamer les discussions avec elles, puisque leur situation n’est pas encore figée. » Le directeur régional évalue à 350 M€ en Occitanie le montant global des exonérations dont pourront profiter ces entreprises. « Ce chiffre, toutefois, doit être pris avec prudence puisqu’il dépendra du moment de la reprise d’activité ».

Pour les entreprises qui ne sont pas concernées par ces exonérations et dont on connaît précisément la dette, une campagne de mise en place de plans d’apurement a déjà débuté. « Nous avons eu un contact individualisé avec les entreprises de plus de 250 salariés (soit près de 600 entreprises NDLR) pour discuter avec elles de la mise en place d’un plan d’apurement d’une durée assez longue par rapport à ce que nous avions l’habitude de proposer, c’est-à-dire 36 mois. De fait, à ce jour, à quelques rares exceptions, toutes les entreprises de cette taille qui avaient des dettes, ont bénéficié d’un plan d’apurement, détaille Jean Dokhelar. Mais le vrai sujet concerne les structures de moins de 250 salariés, soit 90 % des entreprises en Occitanie. Lorsqu’elles ne peuvent pas bénéficier d’exonérations, nous leur avons adressé à notre initiative des propositions de plans d’apurement jusqu’à 36 mois et modulables, c’est-à-dire avec des premières échéances relativement basses pour ne pas mettre l’entreprise en difficulté. Depuis le début de l’année, nous en avons adressé plus de 20 000. Sur ce nombre, seules 5 % des entreprises nous ont demandé de rediscuter de ces plans, la plupart nous demandant de raccourcir le plan d’apurement, à notre grande surprise. »

Si les premières entreprises contactées ont été ciblées comme les plus « saines », d’autres vagues devraient suivre : « Nous allons y aller très progressivement et proposer, toujours à notre initiative, ces plans d’apurement, en allant des entreprises les moins impactées aux plus durement touchées. L’idée, encore une fois, c’est de ne pas casser la reprise. Nous serons vraiment aux côtés des entreprises, martèle Jean Dokhelar. Le recouvrement forcé ne reprendra pas avant des semaines ou des mois, nous sommes très conscients du contexte. »

La crise devrait avoir une autre conséquence, notamment sur le fonctionnement de l’institution elle-même. « L’Urssaf en Occitanie travaillait déjà avec les partenaires économiques. La crise a renforcé cette cohésion. Nous continuerons à travailler beaucoup avec eux. Elle a aussi renforcé les territoires. En région, les bassins d’emploi sont très différents. L’économie du Gers n’est pas l’économie du Gard ou de la Haute-Garonne. Il était important d’avoir des approches différenciées selon les territoires et avec des acteurs économiques locaux. Ce qui suppose d’avoir des équipes en local. On peut avoir des politiques régionales mais il est important d’avoir un maillage départemental sur l’opérationnel. Nous nous sommes rendus compte, avec la crise, de son importance. Il faut maintenir notre ancrage territorial », conclut-il.