L’UIMM Champagne-Ardenne veut éviter la crise sociale

Russel Kelly, Vice-président, Christian Brethon, Président, Nicolas Grosdidier, Vice-président, et Lionel Vuibert, Délégué Général de l'UIMM Champagne-Ardenne.

L’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie de Champagne-Ardenne constate une bonne résistance des entreprises de son ressort comparativement au contexte national mais craint une crise économique et sociale.

Nicolas Grosdidier, pour les Ardennes, Russel Kelly pour l’Aube, Lionel Vuibert pour la Haute-Marne et Christian Brethon pour la Marne, font le constat que les effets de la crise sur le territoire champardennais sont quasiment comparables à ceux du niveau national. À scruter de plus près les cartes du baromètre territorial, on peut remarquer que le Grand Est, sauf pour le commerce, s’en tire plutôt bien. Avec une baisse d’activité entre 40 et 60%, l’industrie sort du confinement moins éprouvée que dans les Hauts-de-France, l’Auvergne- Rhône-Alpes ou l’Occitanie. La baisse d’activité est encore moindre qu’en moyenne nationale dans le BTP et les services.

Christian Brethon, Président de l’UIMM Champagne-Ardenne conclut sur ce sujet : « La situation est aujourd’hui comparable au niveau national. Ni mieux, ni pire. Contrairement à d’autres secteurs, l’industrie a pu globalement poursuivre son activité pendant le confinement ».

TROP TÔT POUR UN VRAI DIAGNOSTIC

L’UIMM Champagne-Ardenne constate que les reprises couvrent 70% de l’activité d’avant le confinement : « L’industrie travaille aujourd’hui sur des commandes qui datent d’avant la crise. On assiste à des reports de commandes d’un à deux mois et à des baisses sur les carnets de commandes. Des clients nationaux se sont dirigés vers des fournisseurs européens qui eux n’avaient pas cessé leur activité. Côté chômage, la hausse vient surtout des CDD non renouvelés et de la baisse importante de l’intérim. On verra plus claire vers le mois de septembre ». Autre élément perturbateur : les managers de l’industrie territoriale évoquent également la gestion délicate des ressources humaines, quand les entreprises subissent les aléas de la disponibilité de leurs salariés (tests Covid, gardes d’enfants …).

UNE CRISE INDUSTRIELLE ANNONCÉE

La situation est plus délicate encore pour les Ardennes et la Haute-Marne avec un poids majeur de l’industrie dans ces deux départements. Pas évident de faire redémarrer instantanément des forges et des fonderies. Les carnets de commandes du mois de juin devraient être déterminants.

À la question quel avenir à moyen terme, la réponse de l’UIMM Champagne-Ardenne est sans ambigüité : « On a effectivement les symptômes annonciateurs d’une crise industrielle imminente. Tout en notant que pour l’industrie, 2019 a déjà été une mauvaise année ».

Dans le département de la Marne, Christian Brethon remarque : « Des secteurs, comme l’automobile et l’aéronautique, bloqués même après le premier déconfinement. Côté industrie, très peu d’entreprises ont fermé ces deux derniers mois. Les problèmes de l’Edu- cation Nationale font qu’il est compliqué de remettre les gens au travail. Dans la Marne, également, les entreprises ont travaillé sur des commandes d’avant le mois de mars ».

LA REPRISE AVANT LA RELANCE

Les solutions provisoires, comme la prise en charge totale du chômage partiel et les prêts garantis par l’Etat ont masqué les difficultés et servi d’amortisseur à la crise. Cette mise sous perfusion des entreprises n’aura qu’un temps très limité. Le climat encore anxiogène ne favorise pas la productivité.

« Ne pas confondre, précise Christian Brethon, la reprise que les chefs d’entreprise souhaitent au plus vite et la relance que le Gouvernement imagine. Pas de relance sans entreprises, et dans quel état ces dernières seront-elles dans trois au quatre mois ? Comment conserver nos entreprises pour leur permettre de participer à la relance, voilà notre question. Nous avons besoin de commandes mais également de maintenir nos compétences humaines. Comparés à ceux de la crise de 2008, les chiffres à la baisse d’aujourd’hui sont bien plus brutaux ».

L’EMPLOI, LES COMPÉTENCES ET LES JEUNES

Trois actions (la préservation de l’emploi existant, le développement de compétences de demain et le soutien de l’alternance et de l’emploi des jeunes) sont au cœur du manifeste porté par l’UIMM, la CFE-CGC, la FGMM-CFDT et FO Métaux.

Le manifeste national rappelle que l’industrie manque de compétences. La crise intervient à un moment où la formation et les recrutements étaient en train de porter leurs fruits. Il faut absolument que l’industrie puisse préserver les compétences qui animent ses entreprises.

Les propositions du manifeste concernent, entre autres sujets, la prolongation jusqu’à la fin 2020 du dispositif exceptionnel d’aide à l’activité partielle, d’autant fait remarquer Christian Brethon que : « Les entreprises au niveau national ont été deux fois moins « dépensières » que les prévisions du Gouvernement, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Il fallait aller au bout du dispositif. Le plan de relance est annoncé pour septembre et on modifie la prise en charge au début juin. Le calendrier est paradoxal ».

LE DANGER DES PRÊTS GARANTIS PAR L’ETAT

Sur ce sujet, le Président de l’UIMM Champagne-Ardenne se montre assez critique : « Une bonne chose globalement. Par contre, nous allons subir un effet accordéon. On va à la catastrophe. La capacité de remboursement d’une entreprise est de 7% de son chiffre d’affaires. La moyenne des PGE est de 15%. Les entreprises seront-elles en capacité de rembourser le PGE ? Certains observateurs estiment à 30% la proportion des entreprises qui ne seront pas en mesure de rembourser, dès l’année prochaine. On est en crise et donc en situation de subir des baisses de chiffre d’affaires. Au mieux, ce sera un endettement maximum pour les entreprises. Et surtout des fonds de roulement à plat ».

PAS ASSEZ D’ENTREPRISES DANS LE BUSINESS ACT ?

« Ce dispositif, explique l’UIMM Champagne-Ardenne, a été imaginé sans les entreprises, sans les branches d’entreprises. Nous avons l’impression que c’est plutôt une affaire de technocrates. Des chefs d’entreprise, il y en avait dans les premières réunions. Mais peu aujourd’hui. Dans cette affaire on « confond vitesse et précipitation. On nous parle de l’Industrie 4.0 quand nous nous battons pour la survie de nos entreprises. Un Business Act, avec des entreprises dans quel état d’ici à septembre ?».

Force est cependant de reconnaître qu’en amont, le Business Act post-Covid a profité de l’expertise industrielle de Thierry Weil, conseiller de la Fabrique de l’Industrie, think tank français, créée par l’UIMM en 2011, et que l’on trouve des industriels, comme PSA, AXON CABLE, Schlumberger, Schaeffler ou Préci3D, dans ses 22 groupes thématiques.

LES APPRENTIS DE RETOUR AU PÔLE FORMATION

Après deux mois de confinement, le Pôle Formation UIMM Champagne-Ardenne a accueilli de nouveau les stagiaires de la formation continue (demandeurs d’emploi et salariés) et les apprentis courant mai. Près de 90% des apprentis ont rejoint les centres de formation de Charleville-Mézières, Saint-Dizier, Troyes et Reims pour parfaire leur pratique sur les plateaux techniques dans le respect des règles de sécurité. Un retour sur site qui a fait suite à la mise en place, dès le 23 mars, d’un Plan de Continuité Pédagogique. « Ce
plan a permis à plus de 90% de nos apprentis d’être contactés quotidiennement par nos équipes en utilisant notamment les outils de la plateforme EASI. Plusieurs outils nécessaires à l’enseignement à distance ont été déployés tels que des contenus pédagogiques digitaux, des outils d’évaluation, des espaces de partage, une application de visioconférence »
, souligne Aurélien Cattez, responsable du site de Reims. « En parallèle, nos équipes ont déployé une offre de formation 100% digitalisée permettant à des demandeurs d’emplois et salariés d’entreprise de suivre des formations à distance dans la maintenance, le management, les langues, la qualité / sécurité / environnement, etc. »