Logement social : un marché de plus en plus tendu

Selon l’USH, dans le département, 75 % de la population rentrent dans les critères du plafond de ressources pour accéder au logement locatif social. Ici, la Résidence Maimat à Muret, 261 logements – dont 221 locatifs sociaux et accession sécurisée à la propriété – du bailleur social Promologis.

Les professionnels constatent une décorrélation grandissante entre l’offre de logements et les budgets des ménages dans l’aire urbaine, aggravant la pression sur le parc de logements sociaux dont la production décline depuis cinq ans.

On s’en doutait un peu, mais les chiffres présentés le 26 mars dernier par Jean-Philippe Jarno, président de l’ObserveR de l’Immobilier Toulousain, Philippe Pacheu et Philippe Trantoul, respectivement vice-président et président de la commission Emploi de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) Occitanie Midi & Pyrénées l’ont confirmé à l’occasion d’un bilan du marché du logement neuf dans l’aire urbaine : il est de plus en plus compliqué pour les ménages aux revenus modestes de se loger à Toulouse et la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accentuer le phénomène. Faute pour ces derniers de trouver à se loger sur le marché libre dont les prix continuent de progresser, la pression augmente sur le parc locatif social déjà largement sous-dimensionné.

Sur l’aire urbaine toulousaine, la demande locative sociale ne fait en effet que croître depuis quelques années pour atteindre un niveau « très élevé », selon Philippe Pacheu. Elle a ainsi crû de 35 % sur cinq ans. « En 2020, 45 000 ménages ont manifesté le souhait d’être destinataires d’un logement locatif social, précise-t-il. Si l’on met de côté les mutations, ce sont 31 000 demandeurs qui attendent un logement social en Haute-Garonne ».

Plusieurs raisons d’ordre structurel expliquent ce niveau élevé dans le département : « la croissance démographique du territoire, le phénomène de décohabitations familiales, le vieillissement, et le fait que le marché locatif libre est incompatible avec les revenus de nombreux ménages », détaille-t-il. Au surplus, l’année 2020, en plongeant une partie des ménages dans la précarité, n’a fait qu’« accroître les inégalités sociales et économiques sur le territoire et finalement le besoin de logement social. On s’attend donc à ce qu’il y ait encore une hausse de la demande durant les prochaines années », ajoute-t-il. Or, rappelle Philippe Trantoul, « aujourd’hui 75 % de la population, dans le département comme à l’échelon national, rentrent dans les critères du plafond de ressources pour accéder au logement locatif social. »

EFFET CISEAUX

Autre constat : le taux de rotation est en baisse dans le parc social. Selon les chiffres recueillis par l’USH, les entrées dans les lieux ont baissé de 13 % l’an dernier, soit 9 967 emménagements en 2020. « Les locataires restent d’une certaine manière captifs de leur logement, explique Philippe Pacheu. À la fois parce qu’ils vieillissent et donc deviennent moins mobiles. Et puis, le marché libre est devenu moins accessible aux revenus de bon nombre de ménages. Il y a désormais une rupture dans le parcours résidentiel que l’on a pu connaître dans le passé avec un passage du parc social vers le parc libre. La marche à franchir est aujourd’hui très haute. » Une autre raison explique cette baisse du nombre des entrées dans les lieux l’an dernier. « Malgré la mobilisation des organismes de logement social sur le territoire, la production nouvelle a fortement baissé en 2020, déplore en effet Philippe Pacheu. Moins de mobilité dans le parc existant et moins de logements neufs sur le territoire expliquent cet effet ciseaux. »

Alors que la production de logements neufs s’est enrayée pour l’ensemble des acteurs, comme l’a à plusieurs reprises expliqué Jean-Philippe Jarno à l’occasion de différentes prises de parole au cours des derniers mois, les bailleurs sociaux n’échappent pas à cette tendance baissière. 3 780 logements sociaux ont été produits l’an dernier en Haute-Garonne, soit un recul de 20 % dans le département contre -16 % en Occitanie et – 17 % en France. « Ce sont 1 000 logements de moins en location ou en accession sociale à la propriété qui ont été financés entre ces deux années. C’est considérable », pointe Philippe Pacheu qui évoque une baisse « historique ». Là aussi, plusieurs raisons expliquent cette dégringolade. « Le contexte de crise sanitaire a en effet perturbé le process de production, détaille le président de l’USH Occitanie Midi & Pyrénées. Mais il y a aussi le report des élections municipales, avec les délais nécessaires à la mise en place des nouveaux exécutifs locaux », quand ce ne sont pas « des changements d’orientation en matière d’urbanisme et de production portés par ces nouveaux exécutifs qui ont entraîné des reports de projets, voire des abandons ».

Cette tendance à la baisse de la production de logements sociaux n’est cependant pas nouvelle. Et Philippe Pacheu de rappeler que « si les organismes de logement social se mobilisent fortement pour être au rendez-vous des besoins, il faut prendre en compte la baisse de nos capacités de financement ainsi que les problèmes d’accès au foncier. » Depuis 2018, « les organismes HLM financent en effet une bonne part des APL que reçoivent les locataires, ce qui explique en partie cette baisse », détaille Philippe Pacheu. En Haute-Garonne, la mise en œuvre de la Réduction de Loyer de Solidarité (RLS) représente ainsi, selon Philippe Trantoul, « une baisse de 7 % du chiffre d’affaires des organismes », ce qui n’est pas sans effet sur leur capacité de porter des projets de construction. Dès lors, malgré les efforts des bailleurs sociaux, « la production 2020 n’est pas à la hauteur des objectifs, pointe le président de l’USH Occitanie Midi & Pyrénées. Il a manqué l’an dernier un peu plus de 400 logements locatifs sociaux. »

SOUS-PRODUCTION

Dans le champ de l’accession abordable, le prêt social location-accession (PSLA) est un des outils phares dont disposent les bailleurs sociaux pour faciliter l’accès des ménages aux revenus modestes à la propriété. En 2020, le PSLA a ainsi représenté 17 % du total des ventes à occupant, soit 288 sur l’ensemble de l’aire urbaine toulousaine pour un prix moyen de 2 400 €/m2 contre plus de 3 900 €/m2 sur le marché libre – dans la ville centre le prix moyen de vente en PSLA s’établit à 2 450 €/m2 pour 4 170 €/m2 sur le marché libre. Le nombre de mises en ventes et des ventes nettes entre 2018 et 2020 a fortement baissé, respectivement de 52% et de 43%, en lien avec la baisse globale de production tous produits confondus. « Certes l’offre se réduit, mais il faut noter que lorsqu’elle est présente, elle correspond parfaitement à un besoin du parcours résidentiel, pointe Philippe Pacheu. L’enjeu est donc de produire davantage puisque le besoin est bien réel et le marché est là ».

Le Plan local d’urbanisme intercommunal – habitat (PLUIH) de Toulouse Métropole fixait un objectif de production de 700 logements en PSLA par an (sur un objectif total de 7 000 logements à l’échelle métropolitaine). Mais l’annulation du document d’urbanisme par le tribunal administratif de Toulouse le 30 mars vient remettre en question ces objectifs. « Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les acteurs de la production, et ce n’est pas une bonne nouvelle non plus pour les ménages. Le risque, effectivement, c’est qu’il y ait moins d’offre. L’autre risque est d’avoir une pression foncière accentuée, ce qui n’est jamais favorable. Cela peut en effet engendrer une progression du prix du foncier. »

Quid de la production de logements sociaux en 2021 ? Selon Philippe Pacheu, « on constate une prise de conscience s’agissant de la pénurie de logements sociaux en France. Le gouvernement vient d’engager une action en faveur de la relance de la production avec l’ambition de produire 250 000 logements sociaux sur la France entière en 2021 et 2022 ». Elle devrait se traduire en région par la production cette année de 2 319 logements locatifs sociaux sur le territoire de Toulouse Métropole et près de 400 en PSLA, pour un total de près de 10 000 logements sociaux à produire en Occitanie.

« Serons-nous au rendez-vous de cet objectif ? Le défi est-il finalement à portée de main ? S’interroge le président de l’USH Occitanie Midi & Pyrénées. Oui si tous les acteurs agissent de concert et alignent les moyens d’action pour relancer la production de logements. À l’évidence, les organismes de logement social sont très mobilisés pour maintenir un niveau de production très élevé en France et sur notre territoire. Mais encore faut-il que tous les acteurs de l’acte de construire œuvrent dans la même direction et facilitent la production de logements. Il y a pour cela un levier capital, le foncier. Il est essentiel – nous sensibilisons régulièrement les élus sur ce point – de libérer du foncier constructible. Il faut aussi des potentialités de construction cohérentes et suffisantes par rapport à nos objectifs de volume de production. Il va sans dire qu’il faudra un portage politique national et local sur ces ambitions », conclut-il.