Tous les étés, la ville de Nantes et ses environs sont rythmés par l’art, via une invitation à un parcours touristique baptisé « Voyage à Nantes ». Au fil des ans, la cité des Ducs de Bretagne s’est dotée d’œuvres contemporaines pérennes, d’autres n’ayant d’existence, comme la cigale, que l’été.
L’initiative a boosté la fréquentation estivale. Et chaque année de nouvelles surprises s’installent dans l’espace public, permettant à Jean Blaise, metteur en scène et patron du Voyage à Nantes, de continuer à donner à Nantes l’image d’une ville culturelle branchée, symbolisée notamment par « L’éloge du pas de côté », la statue signée Philippe Ramette installée au centre de la place du Bouffay, à l’été 2018.
Cette mutation quasi métaphysique, s’est traduite aussi sur l’Île de Nantes avec le grand éléphant, la galerie des Machines de l’île et le Manège des Mondes Marins qui ont pris place là où, aux XIXe et XXe siècle, les ouvriers bâtissaient des navires. Un peu plus loin, en face, sur la rive droite de la Loire, un parcours des belvédères invite à découvrir la ville depuis la butte Sainte-Anne avant de rejoindre le nouveau Jardin Extraordinaire, qui profite du microclimat d’une carrière réinvestie. Au fil des éditions, le parcours s’est ainsi enrichi. Une ligne verte tracée au sol permet de ne rien manquer de cette exposition géante à ciel ouvert.
DANS LE PATRIMOINE COLLECTIF
Si, cette année, l’édition 2020 est décalée du 8 août au 25 septembre, aucune œuvre n’a été annulée. « Entre les œuvres pérennes, les enseignes et les chambres d’artistes, nous pouvons compter sur une centaine d’installations artistiques. C’est un patrimoine sur lequel on peut compter et que l’on peut exploiter dans le bon sens du terme », glisse Jean Blaise.
Ainsi, certaines œuvres sont entrées plus largement dans le patrimoine collectif, à l’instar du fameux bateau mou d’Erwin Wurm prêt à plonger dans la Loire depuis l’écluse du canal de la Martinière. Le Voyage à Nantes ose bousculer les lieux incontournables. Comme « Le paysage glissé » signé Tact architectes et Tangui Robert, un long toboggan en inox, suspendu au-dessus des douves, accroché aux remparts du vénérable château des Ducs de Bretagne. « Le public s’engage dans le vide, découvre un point de vue unique à 12 mètres du sol, embrasse dans son champ de vision la cour publique du château, les jardins des douves et la ville historique. Une glisse vers l’inconnu, 50 mètres plus loin », vante le Voyage à Nantes.
DES NOUVEAUTÉS ET DES VALEURS SÛRES
Plusieurs étapes incontournables marqueront cette nouvelle édition, comme place Graslin, le « Rideau » d’eau, signé Stéphane Thidet, qui tombera du haut du théâtre, les lieux investis par Vincent Ollinet, notamment canal Saint-Félix avec son surprenant lit à baldaquin flottant, ou encore les ludiques personnages dessinés signés par Jean Julien dans le Jardin des Plan- tes, au sortir de la gare SNCF.
À la pointe de l’Île de Nantes, le long des anneaux signés Buren et Patrick Bouchain, le potager cultivé par le maraîcher Olivier Durand, alimente en tomates, basilic, radis, courgettes, concombres, la voisine et fameuse Cantine du Voyage, où une formule unique autour d’un poulet fermier d’Ancenis est servie sur de grandes tables en bois.
L’édition 2020 s’appuie aussi sur les valeurs sûres que sont le Musée d’arts, le Muséum d’Histoire naturelle, le Musée JulesVerne et celui du Château, avec l’exposition « LU, un siècle d’innovation : 1846-1957 ».
Par Victor Galice L’Informateur Judiciaire pour RésoHebdoÉco, association regroupant 27 titres de presse hebdomadaire économique régionaux en France. reso-hebdo-eco.com
Stéphane Thidet tire le rideau d’eau
En 2009, l’artiste Stéphane Thidet avait créé l’événement en introduisant une meute de loups dans les douves du château des Ducs de Bretagne. En 2020 il a choisi le théâtre Graslin, monument nantais emblématique, sur la place du même nom, au cœur de la ville XIXe pour tirer « le rideau ». En l’occurrence il s’agit d’un rideau d’eau, une chute liquide, une cascade qui partant du haut de l’édifice, au pied des statues des muses pour s’écraser sur la place. Stéphane Thidet crée des installations oniriques à partir de gestes souvent simples et d’éléments prélevés dans le monde qui l’entoure, notamment des éléments naturels : l’eau, le feu, la pluie, la glace, les animaux. Ce gigantesque rideau d’eau, métaphore de l’accessoire théâtral qui masque l’artefact et dévoile le spectacle, renvoie autant à l’activité créatrice à l’intérieur du théâtre qu’au plan d’ensemble de la place, dessiné à l’époque par l’architecte Mathurin Crucy. Il est possible de passer derrière la chute, mais pas de la traverser.
Un lit à baldaquin oublié sur les eaux de l’Erdre
À proximité de la gare et du Lieu Unique, dans le petit port de plaisance du canal Saint-Félix créé lors des comblements de la Loire, Vincent Olinet installe « Pas encore mon histoire ». Avec ses colonnes aux tons rose poudré, ses dorures, ses coussins, drapés, satins, dentelles et autres perles brodées, l’œuvre de Vincent Olinet imite le traditionnel lit à baldaquin rappelant le confort et le luxe d’une époque révolue. Pourtant, bien qu’il semble tout droit sorti d’un conte de fée, ce mirage inaccessible, flottant et halluciné, vogue, quelque peu oublié, sur les eaux de l’Erdre.