L’intelligence de groupe

Murmuration

Tarek Habib, Cathy Sahuc et Ghislaine Abbassi. La start-up Murmuration met les données satellitaires au service d’un tourisme plus durable.

Emprunté à l’anglais, le terme de murmuration désigne à l’origine ces étranges vols qu’accomplissent les étourneaux, qui forment au crépuscule des nuages ondoyants et virevoltants de centaines d’individus… Les fondateurs de Murmuration, eux, ne sont pas ornithologues, mais trouvaient que le mot « reflétait bien notre base intellectuelle et éthique, explique Tarek Habib. D’abord, parce que seul, un étourneau est un oiseau assez banal, mais en groupe, il forme un ensemble exceptionnel. Et puis il y a des études qui montrent que si les étourneaux agissent ainsi, c’est pour se protéger d’un prédateur. Et pour nous, le prédateur, c’est le changement climatique! » Concrètement, les trois entrepreneurs ont décidé de s’attaquer au problème du tourisme qui, selon une étude, serait à lui seul responsable de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais comment ? En regroupant dans une même démarche les professionnels du secteur – dont les hôteliers – les voyageurs soucieux de leur empreinte écologique, ainsi que les collectivités et les États concernés, grâce par exemple à une plateforme web baptisée Flockeo. Laquelle permet aux hôteliers qui s’engagent en faveur du tourisme durable (tri et réduction des déchets, recours au circuit court, valorisation de la culture locale…) d’être référencés, et donc visibles des voyageurs, qui en retour donnent leur avis ; tandis qu’une carte alimentée par des données satellitaires et des informations recueillies au niveau local permet de repérer les zones sous pression. Si le référencement est gratuit, les professionnels peuvent en outre choisir un abonnement de 20 € par mois grâce auquel ils disposent d’une page dédiée à leur établissement ; pour 60 € par mois, Murmuration se transforme même en agence de communication, en assurant une promotion de l’hôtel sur les réseaux sociaux et en publiant des communiqués de presse régulièrement dans l’année. La start-up s’adresse également aux acteurs publics, puisque « nous allons faire deux études sur la côte méditerranéenne et sur les Alpes pour l’Agence spatiale européenne (Esa). Nous sommes aussi en contact avec l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO), qui fait des rapports sur les pays et qui est intéressée pour y rajouter des indicateurs environnementaux », précise Cathy Sahuc. Grâce aux satellites, « nous avons accès à plusieurs types de données, par exemple sur la consommation de l’eau, le risque de sécheresse ou d’inondation, mais aussi la qualité de l’air, la proximité avec des zones protégées, autant d’informations qu’on peut coupler avec des données de terrain et des tendances dans le temps », poursuit cette ingénieur en informatique, qui souligne que grâce à ces informations, Murmuration est capable de proposer « un tableau de bord aux États et aux collectivités, qui va leur permettre de prendre des décisions sur la gestion des flux touristiques ». À l’horizon de la fin 2020, la start-up vise ainsi les 400 K€ de chiffre d’affaires, et espère atteindre 1 M€ l’année suivante. Murmuration devrait recruter l’année prochaine « deux ou trois personnes, avec un profil ingénierie et R & D pour les indicateurs environnementaux, ainsi que pour la partie commerciale et la communication », conclut Tarek Habib.