L’Intelligence Artificielle, accélérateur de croissance

Gérard Larcher, président du Sénat, a visité le supercalculateur Roméo de l’URCA, outil fleuron de l’IA sur le territoire du Grand Reims, le 26 septembre 2019. (Photo : Benjamin Busson)

Bpifrance propose des diagnostics pour sensibiliser et inciter les entreprises à utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour développer leur activité. À l’image de Toosla, la start-up rémoise qui vient de lever 8M€.

Si elle semble de plus en plus présente dans la composante entrepreneuriale, l’Intelligence Artificielle l’a pourtant toujours été. Elle est simplement aujourd’hui davantage démocratisée grâce à de nouveaux outils. Les équipes de Bpifrance cherchent elles aussi à démystifier l’intelligence artificielle pour la faire sortir du cercle fermé des start-up liées aux nouvelles technologies pour la faire entrer dans les habitudes des entreprises traditionnelles.

« L’IA existe depuis longtemps mais c’est un outil qui est mis sur le devant de la scène car il permet de multiplier les outils de calcul », explique Grégory Givron, directeur régional Bpifrance. À l’image du supercalculateur Roméo de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, qui réalise « un million de milliards d’opérations » en une seule seconde, l’IA permet donc notamment de traiter une quantité considérable de données en des temps records. « L’IA ne prédit pas l’avenir mais à partir d’un ensemble de cas concrets, permet de travailler sur le son, l’image, le texte ou la voix par exemple », poursuit Grégory Givron, qui souhaite démystifier l’IA. Les chatbots (ou agents conversationnels) et les applications telles que Siri découlent ainsi de travaux réalisés à partir de l’IA. Depuis 2007, Bpifrance a recensé 660 start-up travaillant sur l’Intelligence Artificielle et a estimé le marché mondial à 90 milliards de dollars en 2025. L’IA concerne tous les secteurs d’activité : santé, transport, banque, commerce, formation, restauration… et 2 milliards d’euros ont déjà été investis en France dans ce domaine, ce qui place le pays en deuxième position en Europe derrière la Grande-Bretagne et devant l’Allemagne.

Lancé par Cédric Villani début 2018, le Plan IA vise à développer cet outil dans les entreprises françaises et aussi à enrayer la fuite des cerveaux, les principales têtes pensantes de la recherche des GAFA étant des docteurs français. Grégory Givron le rappelle : « Aujourd’hui les centres de recherche des grandes entreprises mondiales (Samsung, Google, IBM, Facebook, Fujitsu…) s’installent dans l’Hexagone, qui compte déjà 82 laboratoires et 5 300 chercheurs qui travaillent sur le sujet. Entre 2007 et 2018, le nombre de start-up créées est passé de 71 à 371 ».

Rien que dans le Grand Est, une quarantaine de start-up IA sont en activité, avec l’aide de Bpifrance. On peut citer parmi celles-ci Sikim, Vitibot ou Toosla (voir ci-dessous). Si de nombreuses entreprises possèdent des données, peu sont celles qui savent les exploiter au mieux. D’où l’idée de Bpifrance de se mettre à leur disposition pour leur proposer des diagnostics réalisés par des consultants habilités et une prise en charge de leur coût à hauteur de 50%.

De quoi leur donner les clés d’une utilisation efficace de l’IA au niveau local : Plan régional IA Grand Est, Bpifrance, supercalculateur Roméo… Pour Grégory Givron, « tous les éléments sont réunis sur notre territoire pour se lancer et réussir ».

TOOSLA, UN MODÈLE ÉCONOMIQUE QUI COMPTE SUR L’IA
La jeune start-up rémoise qui vient de lever 8 M€ mise sur les informations recueillies grâce à l’Intelligence Artificielle pour améliorer sa rentabilité.

Créée en 2016 par le Rémois Eric Poncin, la start-up Toosla’s First Agency possède aujourd’hui un parc de près de 200 véhicules haut de gamme (essentiellement de marque BMW et Mercedes). Si la réussite de cette société de location de voitures via le smartphone repose inévitablement sur l’utilisation des nouvelles technologies, son modèle économique fait également appel à l’utilisation de nombreuses données. « Comme pour toutes les entreprises qui évoluent sur le marché de la mobilité et du partage, nous avons un sujet avec l’analyse comportementale du client. Généralement, celui-ci a tendance à moins prendre soin de ce qui ne lui appartient pas et nous pouvons nous en apercevoir dans le secteur de la location de trottinettes, de vélos ou de voitures en libre service. Tous les acteurs font face au même problème », explique le Pdg rémois. Des comportements qui entrainent des frais élevés en matière d’immobilisation et de réparation de véhicules, et auxquels n’échappe pas Toosla dans son domaine de la location de véhicules haut de gamme. « Or, notre modèle économique ne peut fonctionner que si nos clients font une utilisation correcte de nos véhicules », explique Eric Poncin qui a donc décidé de faire appel à l’intelligence artificielle pour analyser les comportements de ses clients. « Cette analyse passe par le respect du code de la route (limitations de vitesse), des conditions d’accélération et de freinage, mais aussi du comportement civique (amendes…) du conducteur. Ces éléments que nous récupérons via les services de l’Etat, des systèmes embarqués des voitures, des constructeurs ou des préparateurs de véhicules, vont nous permettre de réaliser un scoring. Celui-ci agrègera les données pour déterminer une forme de quality score pour chaque client ».
La démarche prévue dès le lancement de la start-up a été mise en application il y a 18 mois. « Nous sommes aujourd’hui en phase de finalisation du scoring, à nous de déterminer comment l’utiliser et sur quels critères précis : économique, civique ou écologique ? ».

UN MODÈLE CUSTOMER FRIENDLY

Dans sa stratégie, Toosla pourrait alors imaginer une pénalisation voire un rejet des clients qui abîment les véhicules, de ceux dont le comportement n’est pas suffisamment civique ou dont la conduite est fortement émettrice de CO2… « Nous avons vocation à être customer friendly. Nous ne pouvons accepter des comportements irrespectueux de la part de clients qui se gareraient sur des places handicapés ou de livraison ». En effet, se refusant à mutualiser le risque et à faire peser sur l’en- semble de ses clients le comportement indélicat de certains, Toosla préfère récompenser les plus vertueux d’entre eux. Pour cela, l’entreprise doit collecter ces informations, les traiter et décider de quelle manière elle les utilise. Quatre personnes travaillent aujourd’hui au recueil et à l’analyse des données.
Un développement réalisé dans le respect de la RGPD et surtout avec le soutien de Bpifrance. « C’est pour nous un partenariat très important qui nous apporte du carburant pour financer notre recherche, pour développer et tester nos différentes solutions. Ce soutien nous donne de la profondeur et du temps. C’est également un gage de crédibilité auprès des fonds d’investissements et des fonds de dette », précise Eric Poncin qui vient justement de boucler une levée de fonds de 8M€, destinée notamment à étoffer sa flotte de véhicules. « Notre idée globale est d’adapter le prix au comportement du client et de récompenser sa fidélité. Notre meilleur client a 180 locations au compteur et pas une seule rayure… Et même si nous savons qu’un accident peut arriver au meilleur conducteur, nous avons envie de récompenser ce genre de profil », note le Pdg, dont la start-up enregistre près de 50 000 comptes clients pour près de 20 000 locations de véhicules.

Toosla est spécialisée dans la location de voitures haut de gamme via un smartphone. (Droits réservés)