L’immobilier résiste à la crise économique

À Bezannes, où les prix ont bondi de 13% en une année, les constructions neuves se poursuivent et trouvent rapidement preneurs.

2020 est une année très particulière pour le secteur de l’immobilier, entre un bon démarrage au niveau des ventes, un arrêt complet durant le confinement puis de nouveau, un rattrapage, à partir du mois de mai. Et si la rentrée a signé un ralentissement, les taux bas ainsi que le contexte économique font de la pierre un placement toujours sûr et rassurant.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les professionnels de l’immobilier n’auront pas eu une année de tout repos. 2020 a plutôt bien commencé, dans un contexte de taux bancaires toujours très attractifs et une balance entre offre et demande plutôt équilibrée, avec peu de tensions, sauf sur certains biens particuliers. 

DES AMÉNAGEMENTS ATTRACTIFS

Localement, notamment à Reims, le secteur est dynamique, porté par les aménagements fortement attractifs effectués par la Municipalité, en particulier pour une population venant et / ou travaillant en Ile-de-France. « Le marché est fluide. Pour vendre un bien, si on s’aligne sur les prix du marché, on met entre un et deux mois. Sur un an, on a presque 5% de hausse des prix sur la Ville avec un prix median au m2 de 2 110 € », explique François Gauthier, notaire à l’office notarial Thiénot & Associés et délégué à la communication à la Chambre des Notaires. « Cette moyenne peut cacher des disparités, sur certains biens en bon état bien classés, on sera peut-être à + 10%, et puis avec une très faible hausse sur des biens de moins bonne qualité. » Le centre-ville par exemple, enregistre une hausse de 5,6% avec un prix médian au m2 de 2 710 €. Le développement de la ville en matière d’infrastructures (UCPA sport station, Arena) ainsi que l’installation de nouvelles écoles et campus boostent également l’implantation de population étudiante. C’est pourquoi dans la Marne, on note une présence importante d’investisseurs, avec un attrait toujours soutenu pour l’immobilier avec l’acquisition de petites surfaces mais aussi en raison de nouvelles formes de location avec des appartements plus grands qui peuvent être mis en colocation ou en location saisonnière type AirBnB, « phénomène qui se développe de manière significative », soutient François Gauthier.

« On a toujours le meublé classique qui se développe, car le régime fiscal est plus intéressant que la location vide pour un loyer en moyenne plus élevé. »

Il faut dire que les taux restent attractifs, même si les banques ont resserré les conditions d’octroi de crédits en demandant plus d’apport personnel. Les dispositifs existants, comme le Pinel dans le neuf (réduction d’impôts contre un engagement d’une durée de location et avec des loyers plafonnés et des conditions de ressources pour les locataires), confortent aussi une certaine sécurité dans l’achat pour les investisseurs.

La ville de Bezannes, qui a misé ces dernières années sur de gros programmes immobiliers neufs et innovants, en est une illustration, avec sur la période septembre 2019 – août 2020, un prix médian au m2 de 3 450 € soit une importante progression de 13,4%. 

EFFET DÉCONFINEMENT ET TÉLÉTRAVAIL

Au déconfinement, il y a eu un rattrapage de ce qui ne s’est pas fait durant les deux mois précédents. « Il y a eu un rattrapage de la part des gens qui avaient mûri un projet, avec une grande dynamique de marché. Peut-être aussi des envies de changement d’environnement. Le marché immobilier a connu un réel sursaut mi-mai, qui a ensuite duré tout l’été. » Cela s’est traduit par une hausse des prix, qui s’est manifestée cet été, avec une réelle embellie du marché contenant plus de demandes que d’offres.

« Nous avons constaté un déséquilibre du marché pour des demandes sur les maisons, les appartements avec des accès extérieurs mais aussi pour des petites surfaces, provenant d’investisseurs », indique le délégué à la communication à la Chambre des Notaires. « On a été tout de même assez surpris par l’envolée du marché immobilier après le confinement. » Il faut souligner l’arrivée d’une clientèle qui existait mais qui s’est renforcée, celle provenant d’Ile de France, « un effet du télétravail, les gens pouvant se rendre en région parisienne qu’une à deux fois par semaine ». Avec le TGV et le télétravail, Reims a donc eu un attrait supplémentaire.

La raréfaction des biens, qui sont partis très vite pendant l’été, explique aussi le coup de frein des banques. « Pendant quatre à cinq mois, le marché a très bien tourné, et en septembre aussi bien sur le marché des particuliers que des professionnels, tout a ralenti, pas au niveau des prix mais des volumes de ventes. » Cette embellie a sans doute aussi contribué à légèrement augmenter le prix médian au m2 de la maison individuelle, + 6,6% à Reims.

À la différence du 1er confinement, les études notariales restent ouvertes, avec signatures d’actes (actes avec hypothèque, ventes dans le neuf, donations, le client doit être présent) mais le marché immobilier est de nouveau bloqué car les visites sont interdites. Néanmoins, depuis le premier confinement, les agences et offices notariales ont adapté leur manière de travailler, en proposant encore plus de visites virtuelles. « Cela permet de faire un premier tri dans les biens, mais pour une signature, les clients attendent de faire une visite en physique. » 

TENSION SUR LES PETITES SURFACES

Actuellement, il y a une tension au niveau du centre-ville à Reims, surtout les maisons. « Il y a une vraie et forte demande pour quasiment pas d’offres. » Sur les petites surfaces d’investissement, là, c’est plus général sur Reims avec un manque de produits. Tout ce qui est maison avec jardin, même en quartier périphérique, il y a une demande importante, « renforcé par l’effet confinement qui a accentué une certaine mobilité des gens, mais c’est le cas à Reims depuis de nombreuses années. »

Aujourd’hui, la situation est complexe, avec une pénurie de biens à vendre qui garantit une stabilité des prix, sans effondrement du marché, car la demande est elle, toujours soutenue. « Est-ce que les acheteurs vont revenir sur le marché, c’est l’incertitude », s’interroge François Gauthier. « Néanmoins, une fois cet épisode Covid terminé, les fondamentaux de l’immobilier restent bons. Avec toujours des taux d’intérêts historiquement bas, un attrait des investisseurs pour la pierre qui demeure fort et puis une mobilité des Français qui s’accroit grâce au télétravail et donc un intérêt pour des régions telle que la nôtre qui va augmenter vis à vis des habitants d’Île-de-France. » 

Une activité soutenue au niveau bancaire

Le Crédit Agricole du Nord-Est pèse 40% de parts de marché sur son territoire.
« Cette année l’activité est restée très soutenue sur nos trois départements (la Marne, l’Aisne et les Ardennes, ndlr) », confirme Jérome Bonna, directeur du groupe commercial du Crédit Agricole du Nord-Est. « Début 2020, l’activité a démarré très fort, avant de connaître un gros ralentissement au printemps. Puis, les professionnels se sont adaptés, avec des systèmes de visites virtuelles et de signatures électroniques. Le Crédit Agricole du Nord-Est a proposé des signatures électroniques de prêts immobiliers pour permettre aux clients d’emprunter à distance ».

Reparti de plus belle fin juin, le marché est resté soutenu en juillet. Traditionnellement calme, le mois d’août a, cette année, connu une forte activité, certains notaires restant même ouverts pour assurer les signatures d’actes durant l’été.

Le deuxième confinement ne semble pas encore avoir affecté le marché de l’immobilier régional.

« Aujourd’hui les clients qui ont signé leur compromis veulent aller au bout de la démarche. C’est pourquoi pour le moment, le deuxième confinement n’a pas d’effet sur le marché ». Acteur majeur de l’immobilier régional avec 40% de parts de marché, le Crédit Agricole du Nord Est enregistre en effet des résultats surprenants en cette année 2020. Après avoir réalisé 1,1 milliard d’euros de crédit immobilier en 2019, la caisse régionale a déjà dépassé le milliard d’euros réalisés à fin octobre 2020, et peut donc tabler sur une année à +10%. 

LA PIERRE VALEUR REFUGE

Directeur de l’aménagement de la caisse régionale Nicolas Ancelle note quant à lui davantage de changements sur son marché plus spécifique. « L’année 2019 ayant été exceptionnelle, nous sommes plutôt sur les mêmes volumes que lors de l’année 2018 sur l’immobilier neuf », souligne-t-il. Un marché du neuf rassuré par le prolongement du dispositif Pinel jusqu’en 2024 et qui enregistre néanmoins des changements d’habitudes de la part des investisseurs et des primo-accédants.

« Les demandes sont de plus en plus axées sur des recherches d’espaces extérieurs. Cela a des conséquences sur nos projets et les architectes s’adaptent à ces nouveaux critères pour proposer des jardins privatifs en rez-de-chaussée ou davantage d’espaces verts communs par exemple ».

L’immobilier voit également, comme lors de chaque crise, les investisseurs revenir à lui, le Covid-19 confirmant à son tour la pierre comme valeur refuge. « C’est plutôt positif car cela soutient l’investissement locatif », note Nicolas Ancelle. Loi Pinel, taux toujours exceptionnellement bas, valeur refuge… autant d’arguments pour continuer à dynamiser l’immobilier malgré la crise sanitaire. « Les taux bas sont un vrai moteur et un facilitateur pour l’accession et l’investissement. Mais au-delà de l’immobilier, les taux actuels contribuent à soutenir la consommation en général ». La bonne nouvelle pour les porteurs de projets étant qu’ils ne devraient pas remonter à court terme. 

La bonne santé du marché du haut de gamme

La résidence Armona, boulevard Lundy proposera des biens haut-de-gamme.

Pour l’agence Dker, créée en 2015, spécialisée dans l’investissement et dans les biens haut-de-gamme, l’année 2020 a connu une croissance continue, malgré la crise. « S’il y a toujours un décalage entre le travail fait en amont et la vente, les engagements d’avant-crise ont tous été maintenus après », relève Kellie Thienot, responsable de l’entreprise. « Pendant le confinement, on ne pouvait certes plus faire de visites, mais le travail administratif a continué tout comme celui de la communication. » En sortie de crise, l’agence située rue Cerès à Reims a de fait, eu beaucoup de demandes, « de gens qui souhaitaient changer de résidence principale mais aussi de Parisiens. Le confinement a eu l’opportunité de faire repenser notre mode de fonctionnement et de s’intéresser de nouveau à notre cadre premier, celui où l’on vit », analyse Kellie Thienot. Sur la dynamique et le contact commercial, la période de mai à août a été très riche pour Dker, « avec une activité très importante ». L’attrait pour les maisons avec terrains et les appartements avec extérieurs, terrasses ou rooftop ont eu les honneurs de la clientèle de l’agence. « Nous avons eu une tension sur les petits particuliers, primo accédants sur des biens en dessous de 700 00 euros. En revanche, nous avons vendu un très beau château dans l’Aisne », note le dirigeant. L’inquiétude «dans les placements boursiers et la volatilité des marchés fait que les investisseurs se retournent vers l’immobilier. Récemment nous avons mis sur le marché 29 appartements de très beau standing dans le quartier du Boulingrin, aucun de ceux qui se sont positionnés ne se sont désengagés », indique celui qui est aussi promoteur. 

L’immobilier professionnel fait plus que résister

Les demandes en location et en acquisition restent élevées dans la région.

Si pour les acteurs de l’immobilier professionnel, comme pour leurs homologues spécialisés dans l’immobilier particulier, les contraintes sanitaires compliquent l’organisation de visites, certains ont su s’adapter comme Eric Devrière, dirigeant de l’entre- prise rémoise Cotrim, spécialisée dans l’immobilier de bureaux, le tertiaire et les terrains : « Nous avons organisé une quinzaine de visites virtuelles pour permettre aux acquéreurs potentiels de faire des présélections et de réfléchir en attendant la reprise ».

En effet, si le marché de l’immobilier professionnel local a connu quelques heurts liés au confinement du printemps, il ne subit pas de ralentissement marqué et continue à se montrer attractif et dynamique, même si les comportements évoluent.

« On assiste à la mise en vente d’un certains nombre de biens, qu’ils soient libres ou déjà loués. Y compris de la part d’investisseurs qui ne les vendaient pas auparavant », souligne Eric Cleroy, gérant de CBIE Conseil. « On constate que ce phénomène de mise en vente est plus rapide aujourd’hui. Dans le cadre d’un déménagement ou d’une cessation d’acvtivité, les dirigeants faisaient souvent le choix de conserver le bien pour le mettre en location. Aujourd’hui la tendance est plutôt de le mettre en vente quasiment dans la foulée ». Des décisions de se séparer d’une partie de leur patrimoine qui peuvent être liées au Covid-19 mais aussi pour des raisons fiscales et se libérer notamment de l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière).

Ces derniers mois, les professionnels constatent également l’arrivée sur le marché d’une nouvelle génération d’investisseurs, qui profitent de la crise pour se constituer un patrimoine immobilier « quitte parfois même à acheter plus cher ou dans des conditions moins avantageuses pour avoir accès aux biens ».

La preuve que comme toutes les crises, celle-ci est source d’interrogation et de réflexion sur l’avenir. Elle permet aux professionnels de s’interroger sur leur patrimoine et a recentré certains d’entre eux, comme pour les particuliers, vers la pierre comme valeur refuge.
Eric Devrière constate lui aussi un marché dynamique malgré les épisodes de confinement. « Il y a actuellement de la demande de la part des professionnels pour de la location et de l’acquisition », souligne-t-il. « Nous avons notamment quelques belles recherches en cours pour des locaux de 2 000 à 2 500 m2 sur le territoire rémois. Et la tendance à passer de la location à l’acquisition s’est confirmée au cours de l’année ». Un constat partagé par Eric Cleroy, qui note « des contacts intéressants dans le tertiaire, moins dans le commerce et un marché de l’entrepôt qui marque le pas. Les acheteurs sont présents et surtout, on arrive à financer les dossiers. Les dossiers solides et sérieux sont toujours financés ».

Avec une bonne nouvelle pour le marché : comme pour l’immobilier particulier, les prix du marché n’ont pas été impactés et ont plutôt tendance à se maintenir.