L’IA au cœur de l’audit des domaines critiques

Denis Roelants, cofondateur d’Olgham.

L’entreprise Olgham, basée à Pelleport, qui accompagne le développement des systèmes, des logiciels et des matériels embarqués critiques notamment dans le domaine aéronautique, met le cap sur l’intelligence artificielle.

Experte en sûreté et certification des systèmes critiques industriels et notamment dans l’univers de l’aéronautique et du spatial et de la défense, l’entreprise haut-garonnaise Olgham, qui, depuis sa création en 2018, s’est attaquée à un marché de niche, poursuit son développement au sortir de la crise. Dans le détail, Olgham dont le siège est basé à Pelleport, accompagne les industriels dans l’optimisation de leurs systèmes et logiciels complexes, dans des domaines dits « critiques » dans lesquels la notion de « safety », à savoir la « protection de la vie humaine », entre en jeu.

À l’origine de cette création, il y a deux actionnaires issus du monde de la certification aéronautique embarquée : Phuc Dinh et Denis Roelants, ancien salarié du groupe Airbus, spécialisé dans les audits de certification auprès de fournisseurs d’équipements aéronautiques. « Dans le cadre de ces audits, je devais m’assurer que les équipements rendent leurs fonctions, quel que soit l’incident, ou le contexte dégradé, par exemple, une panne, une erreur de conception, une faille de vulnérabilité, etc. Cependant, par déontologie, j’étais limité dans ma capacité d’aide aux industriels. Même si je connaissais les solutions, je ne pouvais pas les suggérer. De cette frustration est née l’envie d’entreprendre. À travers Olgham, j’ai voulu apporter aux fournisseurs des solutions alternatives optimisées, avec la casquette d’auditeur mais aussi avec celle de consultant, en vue de construire une approche nouvelle de la safety et de la certification. »

DÉTECTER LES INCOHÉRENCES FONCTIONNELLES

L’entreprise, qui mêle ainsi des activités d’audit, d’accompagnement et de formation détient une large palette d’expertises – comme assurer la fiabilité et la sûreté des systèmes complexes, aider à respecter la conformité aux normes réglementaires et industrielles, à résoudre des défauts techniques des logiciels ou détecter des cyber-failles de sécurité, ou encore accompagner les industriels dans le développement de logiciels de modélisation ou de simulation GNSS. Elle dévoilera en octobre un nouvel outil d’audit basé sur l’IA (six moteurs IA cumulés, par apprentissage), baptisé Scannol. « Un système aéronautique est, par exemple, une succession d’équipements électroniques couplés souvent avec un logiciel complexe. Si on y implémente une modification (correction ou évolution), cela peut générer des effets de bord ailleurs, à savoir des régressions fonctionnelles difficilement détectables humainement. J’ai d’abord développé une technique d’audit qui me permettait d’identifier ces problématiques, avant d’affiner ma méthode et de la transformer sous forme d’outil intégrant l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, nous finalisons le développement de cet outil qui représente une rupture technologique par la détermination de régressions fonctionnelles dans des codes logiciels complexes et critiques. Il ne s’agit nullement de déterminer des erreurs de codage, car beaucoup d’outils savent le faire, mais plutôt de permettre à l’IA de comprendre les intentions du codeur, et de construire un raisonnement de cohérence ou d’incohérence fonctionnelle sur l’ensemble du code source, lorsque des évolutions ou des corrections sont implémentées quelque part, détaille Denis Roelants. C’est la première fois qu’une IA va raisonner comme un humain pour comprendre l’architecture en place. Cet outil permet aux entreprises en charge du développement de codes sources complexes de réaliser des économies considérables. On économise ainsi une grande quantité de tests et les temps d’analyse sont naturellement plus rapides. Les gains peuvent aussi être réalisés du côté du client qui réceptionne le code source pour en valider son intégrité fonctionnelle. » Une façon aussi pour l’entreprise de se préparer aux nouvelles normes déployées par les autorités européennes. « Notre outil va au-delà de l’application du référentiel aéronautique DO-330 et prend en compte les recommandations du Codann. Car en effet, d’une manière générale, l’IA est non déterministe, et, par conséquent, la vérification du bon fonctionnement du logiciel ne peut pas être réalisée par la simple création de tests. Il faut prendre en compte la matière initiale et évaluer les raisonnements et le faisceau de conclusions possibles. Cette problématique est la même pour les développements dans des domaines contraints et critiques, tels que l’aéronautique embarquée. Depuis mars 2020, les autorités européennes, accompagnées de grands industriels, avancent sur la définition d’un standard de développement qui aiderait à la « certification » de logiciels critiques pour, par exemple, décider à la place d’un pilote, à l’horizon 2035. Nous en sommes au tout début de l’ère de l’IA dans des systèmes décisionnaires critiques et nous avons le moyen de nous mettre au diapason. »

SECTEURS PLUS GÉNÉRALISÉS

Si l’entreprise concentre l’essentiel de son activité autour de services dédiés aux domaines critiques, elle envisage également d’apporter son expertise dans d’autres secteurs plus généralistes tels que l’automobile, le ferroviaire ou le médical.

D’ici 2023, elle prévoit de poursuivre ses efforts de R & D et d’élargir l’utilisation de l’IA à ces secteurs.

Quid d’une croissance à l’international ? « Nous nous concentrons d’abord sur le marché français même si nous avons quelques clients à l’étranger basés notamment au Canada, aux États-Unis, en Chine, en Suisse et en Turquie. Nous envisageons cependant d’étendre l’accompagnement et le développement de logiciels embarqués en Corée du Sud. »

Apporter une rupture, c’est sans conteste le credo de l’entreprise. Au-delà des méthodes d’audit moins cloisonnées, le dirigeant a également mis en place une organisation interne basée sur l’intelligence collective, le télétravail (avec activités sur sites clients) et des prises de décisions en concertation. Une approche managériale qui a permis à Olgham, forte de 18 collaborateurs, de garder le cap pendant la crise, puisqu’elle a vu son CA augmenter en 2020. Elle s’est également distinguée lors de la 18e édition du prix de la TPE 2020 dans la catégorie « piloter » décerné par le CCI, qui récompense les entreprises capables de projeter leurs équipes dans l’avenir et de ne pas dévier de leur feuille de route.