L’hydrogène, moteur de la mobilité de demain

Haffner Energy va construire une unité pilote de production d’hydrogène à partir de biomasse en 2019 à Vitry-le-François. Elle souhaite devenir un acteur mondial de la transition énergétique grâce à ce procédé destiné à terme à alimenter les véhicules.

Depuis la visite du président François Hollande à Vitry-le-François en mars 2017, Haffner Energy progresse dans son projet de création d’une unité pilote de production d’hydrogène dans la ville marnaise. Fin juin 2018, le projet VitrHydrogène a officialisé la construction en 2019 de ce démonstrateur. Il est porté avec la communauté de communes et la société d’économie mixte Vitry Energies et accompagné par un laboratoire de Centrale Supélec installé au Centre Européen de Biotechnologie et de Bioéconomie (CEBB) de Bazancourt-Pomacle. Evalué à 4,5 M€ (R&D comprise) et subventionné par l’Ademe à hauteur de 2,7 M€, il permettra dans un premier temps de produire du gaz utilisé par la chaudière de la ville et du biochar (une sorte de charbon biosourcé et renouvelable), avant de pouvoir devenir une station de distribution d’hydrogène (120 kg/jour) pour les véhicules en 2020.

Si Haffner Energy fonctionne comme une start-up d’une vingtaine de collaborateurs à Vitry-le-François, elle s’appuie sur son bureau d’études nantais SOTEN pour revendiquer vingt-cinq ans d’expérience dans l’ingénierie et la réalisation clés en mains de près de 30 centrales de production d’énergie, surtout à partir de biomasse ou de déchets. « Nous avons acquis de la crédibilité et nous avons depuis fait évoluer notre modèle économique, nous sommes moins dans les chantiers et plus sur l’ingénierie. Nous nous concentrons aujourd’hui sur le développement de notre activité hydrogène qui consiste à optimiser notre procédé Hynoca », présente Philippe Haffner, président de l’entreprise.

Cette technologie doit en effet permettre de passer outre un cercle vicieux – l’absence de stations hydrogène pour servir de carburant et le manque de véhicules adaptés – ne permettant pas aux acteurs industriels et distributeurs d’investir dans ce domaine. « Notre procédé résout le problème de l’œuf et de la poule car il nous permet de valoriser la biomasse avant même de pouvoir s’en servir comme carburant. Il permet en effet de produire un hyper-gaz se substituant au gaz naturel. Cela fera plus que diviser par deux le coût de l’hydrogène », apprécie le dirigeant qui ajoute donc le biochar (combustible thermique) pour compléter la production d’une unité rentable avant même de produire de l’hydrogène à destination de la mobilité.

Concrètement, le démonstrateur vitryat doit donc permettre de produire un hydrogène à 8,5 €/kg (soit un plein à prix comparable au diesel aujourd’hui), avant une industrialisation qui fera diminuer les coûts à moins de 4€/kg, ce qui en fera un carburant peu coûteux.

UN PROJET MAJEUR À STRASBOURG

Avant même que l’unité pilote (120 kg/jour) de Vitry-le-François ait pu faire ses preuves, Haffner Energy travaille à la construction d’une unité importante de production d’hydrogène à Strasbourg (650 kg/jour) à l’horizon 2020. « Elle sera la deuxième unité mondiale après celle de Toyota en Californie », souligne le président d’Haffner Energy. Cela prouve l’ambition de l’entreprise qui prépare une importante levée de fonds en 2019 et même son introduction en bourse. « Nous avons une avance technologique, mais il faut aller vite, nous voulons devenir un leader mondial », indique celui qui cite des pays comme les Etats-Unis, les Pays-Bas, le Japon et les nations scandinaves comme des territoires fortement intéressés par l’hydrogène. Autant de clients potentiels à qui la société pourra vendre des unités de production d’hydrogène (15 kg/h) et des prestations de maintenance, sans avoir vocation à gérer directement leur exploitation.

MIEUX QUE L’ÉLECTRIQUE ET LE BIOÉTHANOL

Sur la période 2024-2033, Philippe Haffner estime que les carburants alternatifs d’aujourd’hui vont disparaître, l’avenir appartenant à l’hydrogène qui cumule les atouts : « C’est le chaînon manquant de la transition énergétique ». Il rappelle en effet que l’électricité ne représente que 25 % de l’énergie consommée et que les véhicules dits électriques (utilisant une batterie) ne sont qu’une solution intermédiaire car « s’ils ne polluent pas en roulant, ils déplacent la pollution dans la production de l’énergie et dans le recyclage des batteries », tout en cumulant le frein majeur du manque d’autonomie. Les solutions hybrides ont en revanche un intérêt pour celui qui qualifie les voitures hydrogènes de « véritables véhicules électriques » car leur pile à combustible permet de produire de l’électricité.

Quant à la comparaison avec le bioéthanol, là aussi le match tournera clairement en faveur de l’hydrogène assure Philippe Haffner : « La biomasse (résidus sylvicoles et agricoles, lisier, déchets organiques) est abondante et l’hydrogène consommera nettement moins de surface agricole (3 %). Utilisée comme biomasse, une plante comme le miscanthus a beaucoup de qualités et peut être intégralement valorisée, sans être en concurrence avec d’autres usages comme l’alimentation humaine ou animale ». Dans son scénario 2033, la société marnaise estime ainsi réaliste de produire 706 Twh d’hydrogène (574 TWh à partir de biomasse et de déchets organiques), dont la moitié servira à la mobilité : « C’est économiquement envisageable, cela créerait une économie circulaire et des emplois dans les territoires, avec des débouchés pour une matière non valorisée actuellement et des perspectives pour les agriculteurs ».