Thierry VasseurL’homme qui aimait les femmes

Ce parisien d’origine, photographe de renom, s’est posé dans la Nièvre en Bourgogne au milieu des années 2000.

À Lormes, ce photographe a fait des femmes le sujet majeur de son art et de son travail. Quarante années de carrière qui l’ont amené à devenir l’un des grands noms du pop-techno narratif. 

Avec un père et un grand-père qui en pinçaient pour la photographie, Thierry Vasseur ne pouvait que devenir photographe ; mais aussi reporter, ou encore portraitiste, artiste du Pop-art, publiciste… bref, un homme de l’image qui partage un appétit commun avec le comédien Charles Denner : c’est un homme qui aime les femmes.

Depuis quarante ans, cet artiste installé à Lormes ne cesse de les shooter. Provocantes, nues, fragiles ou super-héroïnes, en noir et blanc ou en couleur, pour lui, la question du féminisme s’est posée bien avant les épidémies de hashtags : « J’ai toujours été féministe. J’ai photographié toute ma vie des féministes qui réalisaient des performances. Les modèles ont toujours été ravies de poser. Aujourd’hui, il m’arrive d’être censuré sur les réseaux sociaux parce qu’il y a trop de chair. Comme si c’était honteux. Mais cette révolte est normale. L’image doit changer ».

Changer l’image, c’est ce qu’il a fait. En 1987 il lâche tout pour ouvrir son studio dans le neuvième arrondissement de Paris. C’est là qu’il photographie la mode, la publicité, les corps en noir et blanc, les nus féminins, les inconnus ou les célébrités. En 1990, il s’est fait un nom dans les reportages (au Brésil, au Costa Rica ou en Irlande…) et la photographie. C’est cette année là qu’il publie Combat, un véritable who’s who, parrainé par le comédien Jacques Villeret : « J’étais aussi moniteur de boxe française. Alors j’ai demandé à des personnalités de poser avec des gants de boxe et de fil en aiguille, ils se sont prêtés au jeu. Chacun appelait ses copains et ils venaient poser dans mon studio. Ça les amusait et pour moi ça a été un vrai défi. La photographie doit être une mise en danger permanente ». Au final, un livre où se côtoient André Pousse, Jacques Deray, Serge Reggiani, Yves Boisset, mais aussi Alain Dominique Perrin (PDG de Cartier International) ou… l’abbé Pierre. 

SON ARTISTE SÉRÉNISSIME

C’est sa collaboration de 1999 à 2010 avec celui que le New York Times définissait comme « L’homme le mieux renseigné du monde », Gérard de Villiers, qui va donner une autre direction à sa carrière. L’écrivain est recruté par Plon en 1963, après la mort de Ian Fleming – le créateur de James Bond – afin de trouver un nouvel héros. Ce sera Malko Linge, prince héritier en mal de trousseau qui pour financer les réparations de son château, devient agent secret intérimaire à la CIA. Tel Simon Templar – Le Saint – Son Altesse Sérénissime Malko Linge enquête mais à travers le monde. Des femmes, du sexe (“toutes les 24 pages” précise Thierry Vasseur!) et des armes lourdes en plus. Si la série SAS – 200 romans jusqu’à la mort de son auteur en 2013 – est restée célèbre, c’est pour la pertinence de ses histoires, bien entendu, mais surtout pour ses couvertures qui mettent en scène des femmes plus sexy les unes que les autres, armées jusqu’aux dents : « Gérard de Villiers assistait à 80 % des séances. Je lui présentais des modèles que je shootais ». En réalisant cinquante couvertures de la collection, Thierry Vasseur va apporter sa touche : « Gérard aimait les filles vulgaires, très maquillées. C’était une génération. Il avait des fantasmes qui n’étaient pas les miens. Moi j’étais plus glamour. Souvent on était en désaccord, mais on finissait toujours par trouver un point d’accord ». S’il semble parfois blasé qu’on le résume à SAS, son expérience a pourtant changé sa vie : « SAS ce sont 100 millions d’exemplaires vendus et ce sont les couvertures qui ont fait le succès de cette série. Pourtant, en dehors peut-être des années 1965-70, aucun modèle n’est nu. Mais c’est l’imaginaire. Et si l’imaginaire fonctionne, c’est que l’on a fait du bon boulot ». Et au-delà de la reconnaissance, cette collaboration va aussi marquer son art : « La chose sur laquelle on se focalisait le plus était le regard. Et il y a eu des rencontres incroyables. Pour un des SAS (Tome 180 Piège à Bangkok, Ndlr), Sarah Marshall, la fille de sa compagne et petite-fille de Michèle Morgan est venue poser dans une tenue de Lady Gaga créée par Jean-Claude Jitrois. Elle a beau être très sexy, on ne voit que son regard fantastique ». 

L’OEIL EN COULEUR

Au milieu des années 2000, lui et son épouse Gisèle Didi quittent Paris : « Quand j’étais gosse, je venais chez mon oncle à Arbouse. Puis ensuite nous revenions souvent à Sardy-les-Epiry voir un ami publiciste. C’est là que nous avons décidé de nous installer ».
Dans la Nièvre, le couple ouvre une galerie et une boutique, L’oeil à facettes, où Thierry Vasseur réunit ses passions : la photo, les meubles design sixties, la musique et les objets – souvent colorés et bien entendu les tirages grand format des couvertures de SAS. C’est dorénavant cette couleur qui va baliser sa création : « Il y a quelques choses de pop-art et de kitsch dans les couvertures de SAS. C’est ce qui a fait le succès de la série. D’ailleurs elles ont traversé le temps ».

Thierry Vasseur s’impose dès lors comme l’un des grands noms du pop-techno narratif, proche de l’univers des Marvel, un mouvement créatif qui mélange l’univers de la robotique, de la photographie, de la peinture et du dessin. Une enseigne de Miami sur un bâtiment de New-York, devant lequel se trouve une voiture d’un autre artistes nivernais, Bertrand Dios, puis dans un coin, sa Pénélope, Gisèle Didi. Ou la sublime Sarah Marshall entre Batman et The Joker : « Ma particularité est que j’ai photographié tout ce que je mets dans mes tableaux, je ne vais pas chercher des images sur Internet. Nous sommes très peu en France à travailler ainsi ».

Aujourd’hui, Thierry Vasseur aime toujours les femmes. Dans son studio, au-dessus des halles de Lormes, il continue de temps en temps à tirer des portraits : « Le numérique qui a été une aubaine a aussi tué le métier de photographe, même si de jeunes artistes reviennent au polaroïd ou à l’argentique ». Mais surtout, il ne cesse de faire poser les femmes. Toutes les femmes, de tous les âges… Comme un signe mystique, c’est dans un fauteuil Egg de Arn Jacobsen que ses modèles prennent la pose : « Ce fauteuil date de 1958, mon année de naissance et il a été conçu pour la société de Copenhague que De Villiers, en bon placeur de produits faisait utiliser à son héros Malko Linge ». Son nom ? Scandinavian Airlines System… SAS.

Une jolie façon de célébrer quarante années de carrières sans pour autant la boucler !

Parcours

1958 Naissance, le 3 septembre à Paris, dans le 17e arrondissement.
1980 Naissance de sa fille, Aurélie.
1987 Premier studio, rue Saint-Georges (9e arrondissement) où il réalise Combat.
1990 Sortie de Combat.
1999 Première rencontre avec Gérard De Villiers et première couverture d'un SAS.