Louis PasteurL’homme derrière les microbes

On doit également à Pasteur le développement de l’antisepsie et de l’asepsie dans les milieux hospitaliers. C’est après avoir lu les travaux de Pasteur sur la fermentation, que le chirurgien anglais Joseph Lister se convainc, en 1865, que l'infection postopératoire est due à des organismes microscopiques. Il lave les blessures de ses opérés à l'eau phéniquée et leur applique un coton imbibé d'acide phénique. Le résultat est une réduction drastique de l'infection et de la mortalité.

Chimiste de formation, il est à l’origine des plus formidables révolutions scientifiques du XIXe siècle, dans les domaines de la biologie, l’agriculture, la médecine ou encore l’hygiène. En cette période de crise sanitaire, retracer le parcours de cet « enfant du pays », qui a tant apporté à l’humanité, nous a paru faire pleinement sens.

Le saviez-vous ? Le savant qui offrit au monde le vaccin contre la rage partage quelques points communs avec Johnny Halliday. Celui qui fut surnommé l’idole des jeunes est ainsi, tout comme Louis Pasteur, mort à Marne-la-Coquette, dans les Hauts- de-Seine. Les deux hommes ont également pour lien des funérailles nationales. Mais si je me plais ici à recourir à cette iconoclaste parallèle, c’est qu’enfant, l’illustre scientifique se rêvait artiste. Louis Pasteur naît à Dole, dans le Jura en 1822. Il voit le jour au premier étage d’une modeste maison au bord du canal des tanneurs, le métier de son père Jean-Joseph, ancien sergent de l’armée Napoléonienne. Troisième enfant de la famille, il a juste le temps de marquer ses genoux cagneux de quelques ecchymoses sur les pavés de la place principale que le voilà déjà qui déménage. Âgé de cinq ans, il suit ses parents, d’abord à Marnoz où se trouve la maison familiale de sa mère, Jeanne-Étienne Roqui, pour finalement s’installer, en 1830, à Arbois, village plus propice à l’activité paternelle. Bien avant les pipettes et éprouvettes, ce sont palettes et pinceaux qui font vibrer le cœur du jeune Louis. À 13 ans, alors au collège d’Arbois, il dessine son premier pastel. Une passion pour le dessin qui met à contribution, non seulement sa famille, mais aussi bon nombre des habitants du village, heureux de se laisser croquer par l’artiste en herbe. Des aspirations picturales vite douchées par le pragmatisme paternel qui « le convainc de faire des études sérieuses », raconte Maxime Schwartz, ancien directeur de l’Institut Pasteur dans les colonnes du magazine Le Point.

LA GÉNÉRATION SPONTANÉE MISE EN BIÈRE

Toutefois, bien loin de voir la boussole de sa destinée figée, le jeune homme ne sait pas trop quoi faire de sa vie. Au sortir du collège royal de Besançon, il obtient un premier bac littéraire en 1840, avant de changer d’avis pour repasser deux ans plus tard un bac scientifique. C’est le déclic : il sera chimiste. La suite : un parcours d’une incroyable richesse se nourrissant à la fois de valeurs fortes comme l’attachement à la nation et à la famille mais aussi de drames plus personnels. Un chemin de vie polymorphe, à l’image des cristaux qu’il traque au tout début de sa carrière, et tout en ricochets. Ainsi, l’observation du monde minéral le conduit à l’étude des fermentations. Une discipline qui l’amène à réfuter définitivement la théorie de la génération spontanée : découverte-clé qui lui ouvrira les portes de la microbiologie et de la vaccination. En 1847, Louis Pasteur, jeune chimiste tout juste sorti de l’École normale supérieure de Paris, présente une thèse sur la cristalisation du tartrate, un composé présent naturellement dans le raisin, utilisé notamment en teinturerie pour fixer les couleurs des étoffes. Il cherche notamment à comprendre pourquoi deux substances chimiques en apparence identiques ont un effet différent sur la lumière polarisée. En mettant en évidence cette dissymétrie moléculaire, il ouvre la voie à de nouvelles disciplines : la stéréochimie et la cristalographie. Cette dernière, s’illustre aujourd’hui aussi bien en pharmacopée qu’en imagerie médicale de haute précision, comme nous le précisait Yoan Rousselin (portrait du JDP n°4355), spécialiste dans la caractérisation structurale des molécules de l’équipe de recherche de l’Institut de chimie moléculaire de l’université de Bourgogne (ICMUB) et du Pôle chimie moléculaire de Welience (WPCM). Après un passage comme professeur de chimie à Dijon, il s’installe à Strasbourg où il enseigne la chimie à l’université. Très autoritaire, il est néanmoins très apprécié de ces étudiants qu’il emmène régulièrement sur le terrain, loin des bancs poussiéreux des amphithéâtres. Tombé amoureux de Marie Laurent, qui n’est autre que la fille du recteur, il se marie le 29 mai 1849. Elle sera à jamais sa meilleure et plus dévouée collaboratrice, elle écrit sous sa dictée, réalise les revues de presse et veille à son image… Ensemble, ils auront cinq enfants, dont trois mourront très jeunes. En 1854, le brillant savant est nommé doyen de la faculté des sciences de Lille. Il a tout juste 32 ans. Il est contacté par le père d’un de ses élèves : Louis Bigo producteur d’alcool de betterave. Son souci : certains de ses fûts se gâtent d’un goût acide sans raison apparente. En perçant ce mystère, à savoir la présence d’organismes indésirables, les levures, Pasteur met à jour le processus de fermentation. Ces dernières consomment le sucre et rejettent de l’alcool, chaque type de levure provoquant une fermentation différente. Partant de là, il invente un process de chauffage à une température précise et pendant une durée tout autant définie permettant de conserver les aliments plus longtemps. Il lui donne son nom : la pasteurisation et en dépose le brevet en 1865. Pasteur a alors 42 ans et ne vit pas dans la pauvreté : s’il est un scientifique éclairé, il possède aussi tous les attributs de l’entrepreneur avisé, usant à loisir du marketing et de la communication pour faire connaître ses découvertes. Chacune d’elles est brevetée, permettant le financement des suivantes. Ainsi, de ses travaux sur la bière qui voient l’installation d’une brasserie en sous-sol de son laboratoire, découle la production d’un breuvage imputrescible qu’il n’hésite pas à revendre à l’industrie brassicole. Un peu plus tôt, en 1857, alors directeur des études scientifiques à L’École normale supérieure de Paris, au milieu des éprouvettes et des burettes, dans son laboratoire de fortune situé au grenier, le savant – alors convaincu que des micro-organismes, invisibles à l’œil nu, sont présents dans tous les milieux – clot définitivement le grand débat qui agite l’époque : rien ne naît spontanément, la génération spontanée est une hérésie. Des expériences menées dans sa vigne de Montigny-les-Arsures (39) et au sommet du Mont Poupet (39) étayeront ses propos, publiés en 1861 et 1862. L’homme de science se lance alors un défi : si les maladies sont dues à ces êtres microscopiques, il faut les identifier et trouver le moyen de les contrer. En 1862, Pasteur est élu à l’académie des sciences.

L’empereur Napoléon III l’appelle à la rescousse pour sauver les élevages de vers à soie ravagés par un mal inconnu. Notre Sherlock Holmes des microbes part installer son laboratoire à Alès dans les Cévennes. Sur place, il résoudra le mystère et développera un remède en 1869. Trois ans, plus tard, après un AVC survenu à ses 46 ans qui l’a laissé en partie paralysé du bras gauche, Pasteur prend sa retraite d’enseignant, bien décidé à se consacrer pleinement à ses recherches notamment en les étendant aux grandes épidémies humaines. Ce basculement vers la médecine humaine a pour cause sous-jacente un bras de fer avec un autre grand nom des sciences biologies Robert Koch. Ce médecin allemand, à qui l’on doit les premières microphotographies de microbes est connu pour sa découverte de la bactérie responsable de la tuberculose qui porte son nom : le bacille de Koch. À plus de 1.000 kilomètres d’Arbois, il bataillera avec Pasteur sur la maladie du charbon qui anéantit des troupeaux entiers de moutons et sur le choléra. Pour le nationaliste Pasteur – qui ne digère pas la défaite de 1871 contre la Prusse et l’annexion de l’Alsace et la Lorraine, et qui voue une haine envers les allemands qui n’a d’égale que sa peine face à la disparition de son fils sur le champ de bataille – Koch est un catalyseur qui va le pousser dans ses retranchements.

L’ÈRE DES VACCINS

Tirant partie des travaux d’un médecin de campagne britannique, Edward Jenner – qui, vers 1780, met en évidence que les personnes chargées de la traite des vaches ayant contracté une maladie bénigne (la vaccine) deviennent résistantes à la variole – imagine qu’une l’injection de souches atténuées de microbes peut prémunir de certaines infections. Les premiers tests de vaccin se font sur des poules atteintes de choléra : c’est un succès. S’en suit une seconde réussite largement médiatisée cette fois, par le défi, lancé à Pasteur, par le vétérinaire Monsieur Rossignol, en 1881, à Pouilly-le-Fort. Une vaste démonstration publique de vaccinations sur un troupeau de 100 moutons, auxquels on inocule la maladie du charbon. Cinquante sont vaccinés : ils seront les seuls à survivre. Désireux de frapper un « grand coup », Louis Pasteur va chercher à isoler le virus de la rage. En vain. Ce dernier restera invisible. En effet, la résolution des microscopes de l’époque ne permettait pas de voir les virus. Il sera observé pour la première fois, près d’un siècle plus tard, en 1962, grâce à la mise au point de la microscopie électronique. Puisque la rage est une maladie du système nerveux, Pasteur a alors l’idée, avec son collaborateur Émile Roux, d’inoculer directement dans le cerveau d’un chien une parcelle de cerveau d’un canidé enragé. Ce dernier ainsi traité meurt, validant de fait l’origine de la maladie. Un vaccin peut alors être développé. Celui-ci sera mis au point en 1885. Après qu’il eut sauvé le jeune Joseph Meister – un alsacien, pour le patriote la symbolique est d’importance – contaminé par un chien enragé, ainsi que le « héros » Jean-Baptiste Jupille, contaminé en défendant six bergers, des « mordus » des quatre coins du monde affluent au cabinet de Pasteur dont le tsar Alexandre III. Le 14 novembre 1888 est inauguré l’institut Pasteur, où il vivra pendant sept ans. À sa mort, le 28 septembre 1895, sa famille refusera une place au Panthéon. Il sera enterré dans une crypte, dans la cave de son laboratoire à l’institut.

Sources : Les sites : pasteur.fr, wikipedia.org et terredelouispasteur.fr, le documentaire de Mathieu Schwartz diffusé sur Arte : « Pasteur et Koch : un duel de géants dans le monde des microbes » et la série animée diffusée sur TV5 Monde : « Louis Pasteur – Les Grands Découvreurs – Quelle Histoire »

Parcours

1822 Naissance le 27 décembre à Dole, dans le Jura. Il déménage à Arbois en 1830.
1856 Étudie la cristallographie à l’École normale supérieure de Paris.
1854 Il est nommé doyen de la faculté de Lille.
1865 Dépose le brevet de la pasteurisation.
1879 Développe un vaccin contre le choléra des poules.
1881 Découvre le vaccin contre la maladie du charbon.
1885 Mise au point du vaccin contre la rage.