Jean-Philippe GirardL’homme aux sommets

Jean-Philippe Girard a publié récemment Réussir en France, un abécédaire dans lequel il se livre à travers son histoire et des anecdotes, véritable chronique d’un entrepreneur à succès.

Originaire du Haut-Jura et passionné de ski, il démarre sa carrière d’entrepreneur en 1989 en créant Eurogerm, aujourd’hui valorisée à 207 millions d’euros. Décoré de la Légion d’honneur l’année dernière, cet amoureux de montagne raconte son histoire et ses anecdotes dans un livre. À l’aube de sa troisième vie, il vient de décider de céder ses parts notamment à des cadres d’Eurogerm.

Tel un cadeau, Jean-Philippe Girard est né le jour de Noël, même si son état civil indique qu’il serait du 27 décembre… Des anecdotes comme celle-ci, l’entrepreneur n’en manque pas, à tel point qu’il a décidé de raconter son histoire à travers un abécédaire préfacé par Emmanuel Macron – rien que ça – et édité par Enrick B éditions sous le titre Réussir en France. « J’avais déjà un bon millier de pages écrites sur de nombreux sujets, mais je ne savais pas comment l’organiser. C’est un ami qui travaille avec moi depuis des années qui m’a conseillé d’écrire un abécédaire. J’apporte beaucoup d’importance aux mots, c’est un format qui m’allait bien, confie Jean-Philippe Girard. Et j’ai eu la chance que le Président de la République accepte de me faire la préface… C’est quelque chose d’extraordinaire ! J’ai connu Emmanuel Macron quand il était à Bercy. Il m’avait confié le comité stratégique alimentation France, j’ai vraiment très bien travaillé avec ses équipes et lui. J’aime particulièrement son fonctionnement à la confiance ». Son livre, l’entrepreneur l’a voulu utile. « Je ne voulais pas que ce soit le livre de Jean-Philippe Girard qui a réussi. Loin de là. La réussite, c’est bien, mais on ne sait jamais où on va. Vous pouvez réussir 30 ans et, du jour au lendemain, tout perdre à cause d’une crise sanitaire… La réussite, c’est fragile, comme l’entreprise. Loin de moi l’idée de faire un livre sur la haute stratégie pour créateur d’entreprise, je voulais que les gens comprennent qu’il y a des étapes dans la création d’une entreprise. » 

TROIS VIES EN UNE 

Sa réussite, Jean-Philippe Girard l’a construite tout au long de sa vie, jour après jour et rencontre après rencontre, parfois sur un coup de bluff, mais surtout grâce au terrain et à la confiance, avec un certain attrait pour l’organisation. Originaire du Haut-Jura, ce Morberand aime à se décrire comme « plutôt passionné par le ski que par les études ». Fils de cheminot, élevé dans une famille de six enfants, il se retrouve à 20 ans à faire son service militaire avant de chercher un emploi. « Finalement, c’est en répondant à une annonce dans le Jura que j’ai trouvé mon premier métier en Côte-d’Or, aux Grandes minoteries dijonnaises », s’amuse-t-il. L’univers des céréales n’était toutefois pas étranger à Jean-Philippe Girard. « Pour payer mes skis, j’aidais le boulanger de Morbier, se souvient-il. Je me suis vite passionné pour l’univers blé-farine-pain. Comme la vigne où on parle de vendange, là, on parle de récolte et les blés, chaque année, ont des qualités différentes et vont produire des farines différentes avec lesquelles on fera des produits différents. C’est vraiment fantastique ». De ces quelque quatre années passées dans ce fleuron historique de l’industrie alimentaire de Dijon, l’homme en retient une expérience significative : « De la boulangerie dans le centre d’essai de panification à la partie laboratoire physico-chimique, en passant par la recherche et le développement, ou encore la partie moulin, de la production de farine au stockage, et la partie blé, l’amont, la sélection variétale… j’ai tout appris sur le tard et j’ai passé des années fantastiques ». Les cinq années suivantes, Jean-Philippe Girard les a passées au niveau national chez Interfarines et Intercéréales. « C’était beaucoup plus axé sur l’innovation, le développement et la diversification. » 

À l’aube de ses 30 ans, lui vient l’idée de créer Eurogerm. « J’avais en tête un projet sur la valorisation des ingrédients céréaliers. Eurogerm, c’est la contraction de germe de blé, l’élément le plus riche du grain, et euro pour donner une vision plus européenne et moins française », détaille-t-il. C’est finalement un 1er  avril qu’il acte la création de la société, avec un associé et une secrétaire à mi-temps. « Au début des années 1990, lorsque nous sommes arrivés sur le marché, nous avions la sympathie des professionnels. Mon associé et moi venions du secteur, ce qui nous a certainement donné une forme de légitimité. En revanche, je pense que très peu y ont cru. On sentait qu’il y avait quand même un scepticisme, nous étions les nouveaux arrivants alors que tous pensaient déjà tout savoir et tout faire… Nous surprenions tout le monde », se souvient Jean-Philippe Girard. La suite, tout le monde la connaît. Eurogerm s’est développé sur l’innovation avec et pour le client… un échange constant qui a permis à la jeune entreprise dijonnaise de connaître une croissance moyenne de 14,9 % par an. « Et voilà ! Eurogerm s’est développé, en France dans un premier temps, et après en Europe et à l’international, pour devenir aujourd’hui et après 30 ans d’activité ce groupe qui fait environ 120 millions d’euros de chiffre d’affaires et qui emploie plus de 500 personnes. » 

TROIS SOMMETS EN 2020 

Citoyen engagé, Jean-Philippe Girard porte une certaine importance à la gouvernance, mais aussi à la transmission. Il a notamment créé, au service d’Eurogerm, Arpèges, un institut scientifique et pédagogique pour faire de la recherche et du co-développpement, mais aussi pour former ses collaborateurs, ses associés et ses clients. « Jusqu’à mes 30 ans, le ski et la vie m’animaient. Aujourd’hui, à 60 ans, j’ai terminé une deuxième boucle en fêtant les 30 ans d’Eurogerm, et maintenant, j’ouvre un troisième volet de ma vie, confie-t-il. On est moins audacieux à 60 ans qu’à 30 ans. Donc, maintenant, il va me falloir remettre de l’audace dans tous mes projets ». Alors que l’entrepreneur est actuellement en train de céder ses parts au fonds d’investissement français Naxicap Partners, dans le cadre d’un projet de LMBO impliquant plusieurs managers d’Eurogerm dans la société de reprise, il reste très impliqué dans le groupe qu’il a créé il y a plus de 30 ans. « L’avenir ? Je le vois dans une sorte de passation souple. Nous avons des talents et il y a encore beaucoup de potentiel. Notre marché est illimité. Nous ne sommes pas encore en Inde, en Chine ou en Afrique et encore très peu présents aux États-Unis », explique-t-il. C’est d’ailleurs pour penser l’avenir qu’il a créé EG30, un groupe de réflexion impliquant tous les salariés de moins de 30 ans, « qui n’étaient pas nés quand j’ai créé Eurogerm ». En parallèle, Jean-Philippe Girard s’investit au service des entrepreneurs. Il a notamment créé trois fonds d’investissements : AGCL qui accompagne tous types de porteurs de projets sur des tickets de 50.000 à 300.000 euros, Rubis Capital qu’il a créé avec six autres dirigeants côte-d’oriens pour accompagner des projets dans des tickets de 500.000 à un million d’euros et enfin, Steva, « la contraction de Star’Terre, ceux qui vont travailler à préserver la terre de demain, et de eat valley, la vallée de l’alimentation, pour “sauver le monde” par l’alimentation et la santé ». Pour Jean-Philippe Girard, « cette troisième vie me plaît particulièrement… de pouvoir me dire que j’ai eu la chance de gagner de l’argent et de pouvoir aujourd’hui mettre ma réussite à profit de nouveaux projets ». Son engagement continuera aussi au niveau national à travers ses activités, notamment de référent économique pour les PME et ETI : « J’aime pouvoir consacrer une journée par semaine en dehors de toutes mes activités, pour mon pays et pour apporter une contribution »

En dehors de tout cela, Jean-Philippe Girard compte aussi pouvoir profiter de sa famille et de sa passion, la haute-montagne à laquelle il essaie de consacrer deux à trois jours par mois pour gravir de nouveaux sommets. « J’aime bien raconter que l’an dernier, j’ai gravi trois sommets », s’amuse-t-il, le sourire rieur, avant de développer : « J’ai gravi deux fois le Mont-Blanc et même le sommet de l’Élysée, lorsque le Président de la République m’a remis l’insigne de la Légion d’honneur »

Parcours

1959 Naissance, le 25 décembre à Morbier, dans le Haut-Jura.
1989 Jean-Philippe Girard crée Eurogerm, un 1er avril.
1999 Il se marie et son fils, Axel, naît, trois ans avant sa fille, Lise.
2007 Eurogerm passe le cap de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont deux-tiers à l’international.
2008 Il prend la présidence de la Fédération nationale des Banques Populaires.
2012 Jean-Philippe Girard est nommé à la présidence nationale de l’Ania et du Sial.
2017 Il devient président du Comité stratégique alimentation France.
2020 Emmanuel Macron lui remet la Légion d’honneur.
2021 Il cède ses parts à des cadres d’Eurogerm et un fonds d’investissement.