Jean-Jacques GermainL’homme aux 36 métiers

Jean-Jacques Germain

Ce serial entrepreneur n’est pas prêt de tirer sa révérence. À 73 ans, il poursuit le développement du groupe Terre de Pastel qu’il a confondé avec Sandrine Banessy en 2013. Passioné par la création et la vie associative, il garde cette envie infatigable de semer des graines dans sa ville d’origine qu’il aime tant.

À 73 ans, Jean-Jacques Germain en impose avec son costume sur mesure et un CV à rallonge. Serial entrepreneur et investi depuis sa jeunesse dans la vie associative, ce Toulousain d’origine a su tisser sa toile dans la Ville rose avec 35 boutiques et autant de franchises ; et voit désormais la vie en bleu. En 2013, il a créé, avec Sandrine Banessy, le groupe Terre de Pastel qui a pour concept de redonner des couleurs au Pastel, une plante aux mille vertus et trésor du patrimoine occitan. La ville de Nougaro qui, au Moyen-Âge était la capitale incontournable de cette plante tinctoriale dont le célèbre pigment a paré de nuances de bleu les tissus de toute l’Europe, est aujourd’hui de nouveau au premier rang, la plante attirant les regards du monde entier. L’or bleu rapporte ! Comprenant quatre boutiques en propre, un spa et un musée, le groupe a fait du pastel un axe de développement économique maîtrisé. Avec 15 % de croissance en moyenne par an, il a réalisé en 2019, 1,4 M€ de chiffre d’affaires et emploie près de 40 salariés.

Avant la création du groupe, les deux associés planchaient sur des livres dédiés au patrimoine dans le cadre de Tourisme Média Éditions (TME). Lui en tant que photographe amateur et elle, en tant que rédactrice avant de fonder l’Académie des arts et des sciences du pastel, il y a 15 ans, et de devenir experte en la matière. De son côté, celui qui depuis 1993 avait mis sa carrière de commerçant derrière lui pour se consacrer à la promotion immobilière et qui portait différentes casquettes (propriétaire de SCI, co-fondateur de la société d’éditions TME, administrateur de SA Immobilière Courtois et gérant de la société de presse PCI en charge du journal national de l’Union nationale des propriétaires immobiliers) flaire la bonne affaire et replonge dans le commerce. « J’aime passer d’un domaine à l’autre et j’ai cette passion de créer dans le sang. Sandrine et moi sommes complémentaires. Cette passionnée d’histoire m’a soufflé l’idée et j’ai développé le concept. De son côté, elle s’implique autant dans la médiation culturelle que dans la mise en valeur des propriétés naturelles du pastel et la création des produits, et moi, j’innove. De plus, je suis très attaché à ma ville et cette plante fait partie de sa richesse. J’ai imaginé Terre de Pastel plus en termes d’apport culturel qu’en termes d’affaire », souligne l’entrepreneur aux 36 métiers et qui s’est toujours formé sur le tas, ayant comme seul sésame, le certificat d’études. Malgré sa carrière fructueuse, ce paternaliste dans l’âme ne se définit pas comme « quelqu’un d’extraordinaire, au-dessus des autres ». Une leçon de vie qu’il a inculquée à ses trois enfants.

Ce succès et cette envie de mener à bien des projets, il les doit à sa famille, ayant évolué en grande partie dans le petit commerce. À son père, principalement, qui lui a mené la vie dure. « J’étais l’aîné et pas très doué pour les études contrairement à mon frère. Quand il pouvait profiter de toutes ses vacances, moi, à 16 ans je travaillais dans l’épicerie familiale, Crémerie Germain, une partie de l’été. J’ai même commencé à 14 ans en tournant de la chantilly. On m’a appris la débrouillardise mais certains ne le voyaient pas de cet œil », se souvient-il. Piqué par « quelques moqueries » mais pas timoré pour autant, il vise alors la réussite. Après 16 mois de service militaire, il fonde l’association des commerçants Triangle d’Or qu’il présidera pendant cinq ans. « Il existait Dynamag mais qui ne réunissait que les grandes enseignes. Ma volonté était de défendre le petit commerce face à l’arrivée de mastodontes. Encore salarié chez mon père, je ne l’ai pas fait pour la famille mais par motivation personnelle. » C’est ce qui lui a permis de se faire remarquer : le lendemain de son élection, le nouveau maire de l’époque, Pierre Baudis, était présent pour inaugurer sa première animation commerciale « un souvenir mémorable ». Sa vie associative n’en est qu’à ses débuts. Il crée ensuite l’opération « Moi j’achète en ville » qui réunit plus de 800 commerçants toulousains avec l’appui de la Chambre de commerce, puis en parallèle, CAP 2000, un club de réflexion économique qui lui permet d’avoir le bras long et les jeunes de la ville à ses côtés. À la demande du maire, il devient aussi secrétaire général de l’office de tourisme. « À l’époque, il n’y avait que des personnalités au conseil d’administration, ce que je n’étais pas ».

En parallèle, à 26 ans, il rénove entièrement l’épicerie de son père et monte en grade, faisant partie de diverses confréries, avant de créer sa propre boutique, CBHL, la première d’une longue série. « Un de mes oncles arrêtait son activité de concessionnaire de cuisine intégrée, Leicht. J’ai sauté sur l’occasion mais je n’avais pas un sou ! Je suis allé voir les Allemands qui m’ont proposé de participer à la foire de Toulouse. J’ai réalisé quatre fois plus de CA qu’attendu. Ils m’ont alors formé et l’office de tourisme m’a aidé à acquérir 400 m2 dans le nouveau centre commercial Saint-Georges ». Ce n’est qu’un premier pas dans sa vie d’entrepreneur. « Je n’ai pas forcément choisi mon métier de commerçant mais j’y ai vu des opportunités à saisir, tout en commençant à bien connaître le milieu ». La trentaine, de 1980 à 1982, il enchaîne alors les créations et devient connu comme le loup blanc, en devenant en parallèle le président de l’association des commerçants du centre commercial Saint-Gorges puis de carrefour Labège : Culinarion (accessoire de table), Briothèque et Picopain, racheté plus tard par Brioche Dorée, création de l’enseigne nationale Pizza Picollo devenue Pizza del Arte, deux boutiques Courir, une boutique de BD, deux kiosques de jus de fruits, les boutiques Repetto et Caroll. En 1983, il décide de créer une ligne de prêt-à-porter masculin, Jaques Germain, avec 29 boutiques en direct et 26 franchisés dans l’Hexagone et à l’international, suivi de Jaques Germain Détente (trois boutiques et 12 franchisés). De 1990 à 1993, il crée le centre de visite médicale de l’aviation civile avec la complicité du docteur Mouchard et deux restaurants, Le port Saint-Germain et Les Oliviers offrant chacun plus de 200 couverts. Comme cela ne suffisait pas, il s’est attelé à la construction d’un centre de congrès qu’il a lui-même piloté. Progressivement, la promotion immobilière prend le pas sur le commerce.

« Fin des années 1980, chapeautant plus de 300 salariés, j’ai décidé de tout vendre. J’en avais fait le tour, malgré une expérience très enrichissante. Ma force, c’est que j’ai toujours su revendre au bon moment », confie-t-il.

Ouvrant un nouveau chapitre de sa vie, il ne s’arrête plus et poursuit ses activités annexes dont deux qui l’ont profondément marqué : la présidence du Festival international de Toulouse les Orgues, presque un hommage à son grand-père maternel. « Ma fibre pour la musique vient de lui, le seul à avoir choisi une voie différente puisqu’il a été chanteur d’opéra-comique et chef d’orchestre, avant de prendre la tête du Théâtre du Capitole de Toulouse. À travers cette association que j’ai dépoussiérée, j’ai permis plus de 60 concerts ». Puis, en 2002, l’Académie du Languedoc perd pied. Il devient alors académicien et en prend les rênes jusqu’à la renommer Académie des arts, des lettres, sciences et traditions populaires d’Occitanie. Depuis, il poursuit son engagement. « Je n’ai pas été un très grand sportif, mais pour ma vie associative et professionnelle, je suis un marathonien. Et je n’ai jamais su dire non à une association. Il n’y a pas un projet où je ne suis pas allé au bout, j’ai une bonne capacité de résistance ! »

Aujourd’hui, le septuagénaire n’est ni à court d’idées ni essoufflé. S’il avoue qu’il n’aurait peut-être pas lancé Terre de Pastel seul, il n’a toujours pas dit son dernier mot. En pleine expansion, le groupe prend une nouvelle dimension: un bâtiment de 3 000 m2 qui sortira de terre d’ici la fin de l’année à Labège, sur un terrain de 5 000 m2 acquis par le groupe, qui permettra d’agrandir les ateliers et d’accueillir le musée, déjà existant, sur 400 m2. De nouveaux terrains seront également mis à disposition par le Sicoval, avec qui le groupe a signé mi-janvier un contrat. « Terre de Pastel évolue vite mais il faut sans cesse innover pour renouveler sa clientèle et ne pas décliner. On travaille sur une histoire et un devenir. Le groupe passe au niveau industriel mais on continue de travailler avec des artisans et on a planché sur notre transition écologique qui compte beaucoup. Notre processus comprenant 12 hectares de champs, la création, la manufacture, etc. tout est écoresponsable et maîtrisé », s’enorgueillit le fondateur. Il est fier d’annoncer un programme de R & D, en partenariat avec le laboratoire de Chimie Agro-Industrielle INPT/Inra, et financé par la Région et l’Europe, et espère ainsi d’ici la fin de l’année, poser la première pierre de la Manufacture Terre de Pastel. Après l’ouverture d’un boudoir pour des soins de beauté en centre-ville fin 2019, d’autres chantiers sont en cours : une boutique immersive autour des métiers d’art du pastel et le lancement d’une e-boutique pour accompagner l’essor de la marque Bleu par Nature à l’international.

« Je crée de l’emploi, de la richesse et je suis fier de ça, mais je ne suis pas seul à le faire, je suis entouré de mes salariés même si j’apprends toujours à déléguer ! Ça me permet d’être bien dans ma peau, je ne pense pas à moi mais à mes projets comme éventuellement une future fondation ». La retraite ? Il n’y pense même pas !

Parcours

1947 Naissance à Toulouse
1965-1979 Intègre l'entreprise familiale Crémerie Germain
1979 Crée sa première boutique CBHL et devient concessionnaire exclusif de Leitch
1980-1993 Crée diverses boutiques et franchises
1993 Arrête ses activités commerciales pour se consacrer uniquement à la promotion immobilière
1997 Cofonde la société d'éditions TME
2013 Cofonde le groupe Terre de Pastel avec Sandrine Banessy