Ludovic IbbaL’explorateur du passé

En mai 2018, Ludovic Ibba participe à une fouille archéologique en Martinique.

Aventurier dans l’âme, il est aujourd’hui archéologue. Et lorsque le jeune homme, originaire d’Asnières-lès-Dijon, n’est pas sur un site de fouille, il s’attèle à parcourir le monde.

La nature et lui, c’est une grande histoire d’amour. « Dès que j’ai su marcher, j’ai toujours eu besoin d’aller dehors et dans les bois. Je m’y sens bien », explique-t-il. Ludovic Ibba est originaire d’Asnières-lès-Dijon, et les forêts alentours, il les connaît par cœur. C’est d’ailleurs en lisière de l’une d’elles que nous l’avons rencontré. « Mes grands-parents étaient paysans en Auvergne et vivent dans une maison perdue au fin fond de la campagne. J’ai toujours baigné là-dedans. Et à Asnières-lès-Dijon, j’avais toute une bande de potes avec qui, dès qu’on avait fini les cours ou dès que le week-end arrivait, nous allions directement construire des cabanes. Et je n’ai pas voulu lâcher la nature », confie-t-il. Pour lui, la nature est un véritable terrain d’apprentissage. « Au début, tu ne connais pas et tu vas faire une erreur et c’est comme ça que tu vas apprendre que telle plante il ne faut pas la toucher ou que tel insecte est dangereux. Et tu apprends tous les jours. C’est l’école de la vie ! », complète Ludovic Ibba.

Aujourd’hui diplômé d’un master II en Archéologie à l’université de Bourgogne, Ludovic Ibba voulait au départ faire un BTS “gestion et protection de la nature”. « Je n’ai pas été pris dans le BTS dans la ville que je voulais et du coup, j’ai découvert sur un forum les études d’histoire de l’art et archéologie et je me suis inscrit à l’université de Bourgogne », complète-t-il. Au cours de ses études, ce passionné de nature a eu l’occasion de réaliser diverses missions archéologiques sur des sites et des périodes diverses. « On cherche tout, tous les vestiges humains, de la préhistoire à aujourd’hui. Même hier c’est de l’archéologie ». Dès 2015, l’étudiant en archéologie réalise une campagne de prospection archéologique sur les pourtours rocheux de la vallée de Rhoin, entre Savigny-lès-Beaune, Bessey-en-Chaume et Bouilland. Et c’est en 2016 qu’il dirige sa première fouille archéologique programmée, sur une commune de Villeberny
à la découverte d’un site fortifié protohistorique.

UN UNIVERS DE CLICHÉS

« On a énormément de clichés par rapport à l’archéologie. Les gens nous imaginent avec des petits pinceaux et une truelle à découvrir des pièces d’or tout le temps, mais ce n’est pas ça l’archéologie. Quand ça arrive, on est super content, mais la plupart du temps, on est avec une pelle mécanique et une pioche et on creuse. On a des délais très courts, on intervient avant les travaux d’aménagement, et on se rend compte qu’on est dans des sols extrêmement pollués ». D’après l’archéologue explorateur, la France compte environ trois sites au kilomètre carré. « Un site archéologique, ce n’est pas qu’une nécropole avec des squelettes… ça peut juste être un trou de poteau de la personne qui, il y a 200 ans, à planter des tomates ». Aujourd’hui, Ludovic Ibba enchaîne les missions et CDD, notamment avec l’Inrap – l’institut national de recherches archéologiques préventives. « Il y a deux formes d’archéologie et celle pour laquelle j’interviens est l’archéologie préventive, nous intervenons avant les aménagements ». Avant toute construction, le terrain sera sondé grâce à des tranchées réalisées sur 5 à 10 % du terrain et ainsi vérifier son potentiel archéologique. « On a un an pour remettre un rapport de diagnostic à l’État, et ce sont eux qui vont décider ensuite si oui ou non, on poursuit sur une fouille archéologique ». Sachant que dans 95 à 98 % des cas, les fouilles s’arrêtent à ce stade, même quand il y a des vestiges. « Des vestiges, on en trouve tout le temps. Et la plupart du temps les diagnostics suffisent à caractériser les vestiges lorsqu’ils ne sont pas suffisamment importants scientifiquement parlant pour poursuivre sur une fouille ». Selon lui, le meilleur exemple est la villa gallo-romaine. « On peut en trouver une magnifique et décider de ne pas la fouiller derrière parce qu’on connaît déjà super bien ces édifices et cela n’apportera pas plus de grandes avancées scientifiques ».

LA GUYANE, DES FOUILLES ET DES EXPÉDITIONS

C’est à l’occasion de son stage de fin d’études que Ludovic Ibba a foulé pour la première fois le sol guyanais. Diplôme en poche, il a décidé de se focaliser davantage sur le continent sud-américain. « Il n’y a pas beaucoup de postes en France métropolitaine et très souvent, ce sont des CDD. C’est aussi pour cela que je suis parti en Guyane, pour avoir plus de chances d’avoir des contrats ». En effet, la distance fait que personne ne veut s’expatrier aussi loin. Le climat, qu’il soit environnemental ou social, freine aussi. Sans oublier les maladies et les insectes.

« Encore une fois, c’est la nature qui fait peur aux gens… Sachant que 90 % de la Guyane, c’est de la forêt », complète-t-il. Depuis, Ludovic Ibba va-et-vient entre la France métropolitaine et la Guyane. Depuis2017, il a déjà eu l’occasion de réaliser plusieurs opérations archéologiques dans cette région outre-Atlantique, ainsi que dans les Antilles et en France métropolitaine pour le compte de l’État et plus rarement des entreprises privées. Son souvenir le plus marquant ? « J’avais fouillé des tranchées de première ligne de la première guerre, proche de Verdun… Et là, c’est assez émouvant parce qu’on retrouve la tranchée comme elle a été abandonnée. On a retrouvé des chaussures avec encore un morceau de pied dedans, des morceaux de journaux… On retrouve des éléments de la vie qui ont été figés à un moment précis et ce n’est pas juste une poubelle… Parce que généralement, les archéologues, on fouille des poubelles. Mais de temps en temps, on a des instants comme ça qui sont figés. En Martinique aussi, j’avais fouillé un des plus gros sites amérindiens des Antilles qui avait subi l’éruption de la montagne Pelée. Ça peut être comparable à Pompéi. L’éruption a figé totale- ment dans le temps tout le village et là, pareil, on retrouve tout. Ce sont des moments émouvants », confie-t-il.

Déjà reparti en Guyane pour de nouvelles fouilles à proximité de Kourou, Ludovic Ibba est actuellement en train d’écrire, en parallèle, son premier livre dédié à ses trois dernières expéditions en Guyane. Il prépare aussi une nouvelle expédition en Asie. « Nous avons pour projet de descendre à deux et en autonomie sur plusieurs mois le Mékong ».

Parcours

1993 Naissance le 8 mai à Paris.
Septembre 2012 Il entre en première année d'Histoire de l'art et Archéologie à l'université de Bourgogne.
Juillet 2016 Il réalise sa première fouille archéologique programmée en tant que responsable d'opération, à Villeberny, en Côte-d'Or.
Mars 2017 Premiers pas en Guyane et dans la forêt amazonienne.
Septembre 2017 Il sort de l'université de Bourgogne, diplômé d'un master 2 en Archéologie.
21 août 2019 Il tombe nez à nez avec un jaguar à l'issue de sa plus grande expédition au cœur du parc amazonien de Guyane.