L’expert-comptable est au cœur des flux de données

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Charles-René Tandé, président du Conseil supérieur de l’Ordre, est déterminé à poursuivre la modernisation de la profession par la maîtrise du numérique et l’innovation. Un sujet au programme du 74e congrès qui a eu lieu à Paris du 25 au 27 septembre.

« L’expert-comptable au cœur des flux » : le 74e congrès de l’Ordre des experts-comptables était placé sous le signe des données. Pouvez-vous nous présenter ce choix ?

La donnée est notre matière première. En tant qu’expert-comptable, nous devons être en mesure de gérer et sécuriser les données, de les exploiter, afin de restituer à nos clients une information fiable qui va leur permettre d’optimiser la gestion de leur entreprise. L’enjeu de ce congrès est de démontrer que l’expert-comptable est aujourd’hui un maillon essentiel, au cœur des flux, au service de la confiance de l’économie et de la performance des entreprises, et qu’il le sera encore demain et après-demain par la maîtrise du numérique et la mise en lumière de la valeur ajoutée de ses compétences. Mais quand on parle de flux, on parle de tous les flux et pas uniquement des flux de données numériques. Ce congrès n’est pas réservé aux « geeks », au contraire, il y est question de l’humain et de son rôle pour vivre au mieux et accompagner le changement.

Les changements introduits par la loi Pacte vont-ils transformer la profession ?

La profession du chiffre a été très secouée par la loi Pacte et le relèvement des seuils pour le commissariat aux comptes. De ce point de vue, ce texte va forcément transformer la profession, et l’impact immédiat est négatif. En tant que président de l’Ordre des experts-comptables, je dois aussi souligner que cette loi nous offre également de nouvelles opportunités. Le législateur a satisfait plusieurs de nos demandes, pour certaines très anciennes. Ces évolutions vont également participer à la transformation de la profession, et de manière très positive, en renforçant notre rôle sur notre cœur de métier et en nous ouvrant des possibilités de pratiques nouvelles. Deux exemples, parmi les nouveautés apportées par la loi Pacte, me paraissent particulièrement intéressants. Tout d’abord, le mandat de paiement et de recouvrement, qui nous est dorénavant reconnu, est une avancée majeure. Avec ce mandat, la mission d’externalisation complète de la fonction administrative de l’entreprise est désormais possible. Ensuite, pour le développement des missions de conseil, la possibilité désormais ouverte de facturer des honoraires de succès est là aussi une évolution très positive. Parallèlement, nous avons avancé avec les pouvoirs publics sur la reconnaissance des compétences spécialisées pour les experts-comptables. La possibilité qui nous est offerte de communiquer sur celles-ci me paraît de nature à faire changer durablement la perception de l’étendue de nos compétences.
Nous sommes encore dans l’attente de la parution de certains décrets. À l’issue de cette ultime étape, le Conseil supérieur mettra en œuvre un accompagnement spécifique pour que les professionnels puissent se saisir de ces nouvelles opportunités.

Et l’action de l’expert-comptable au sein des entreprises ?

C’est également l’une des avancées de ce texte Pacte, qui répond à une demande exprimée par la profession depuis 20 ans : permettre aux experts-comptables diplômés mais exerçant en entreprise, de s’inscrire à l’Ordre. Nous avons le même diplôme, avons des enjeux et des sujets d’intérêts communs, nous faisons donc partie d’une même communauté professionnelle. C’est une belle opportunité pour promouvoir notre diplôme et nos compétences car les diplômés d’expertise comptable ont bien souvent de très belles carrières en entreprise. Cette visibilité nouvelle de la profession est bénéfique pour l’ensemble des professionnels.

L’expert-comptable est donc devenu le turbo pour les PME et pour l’économie française ?

Le « turbo », sans doute dans de nombreux cas de figure, mais de façon plus modeste et pour rester dans la métaphore automobile, je dirais que nous sommes avant tout l’ordinateur de bord. Celui qui permet de sécuriser la conduite et qui optimise les différents paramètres de fonctionnement, permettant ainsi au pilote de se concentrer sur sa tâche.

Quelles sont les nouvelles actions de l’ordre dans le cadre de la formation des experts-comptables ?

Nous avons lancé une large consultation sur le sujet de notre formation initiale. Il est beaucoup trop tôt pour évoquer les conclusions de cette réflexion mais si nous souhaitons préparer l’avenir de la profession, la formation est le paramètre premier à faire évoluer. Ce chantier est d’autant plus urgent que nous sommes dans un domaine où les changements sont très longs à mettre en œuvre.

L’innovation et la robotisation des tâches ne s’opposent-elles à la relation humaine que l’expert-comptable a su tisser dans les entreprises ?

Je pense que c’est exactement l’inverse ! L’automatisation des tâches va nous libérer du temps pour faire autre chose, et notamment être plus proche humainement de nos clients. Le manque de temps, accentué par des difficultés de recrutement, est le premier problème des experts-comptables aujourd’hui. Si la technologie nous permet de gagner du temps, nous saurons à quoi l’utiliser et nous pourrons apporter encore plus de valeur ajoutée à nos clients. Bien sûr, notre exercice professionnel va fortement changer dans les années qui viennent, mais notre profession a des atouts et saura s’adapter, l’histoire l’a montré. Je suis très optimiste quant à l’avenir de notre profession.

Propos recueillis par Boris Stoykov pour RésoHebdoEco