Les vins de Bourgogne tiennent bon face à la pandémie

Dans un contexte inédit de pandémie, les vins de Bourgogne ont pu, jusqu’à présent, limiter en partie les effets des confinements et du ralentissement économique général qui en a découlé. Cette situation reste toutefois très fragile surtout si d’autres re-confinements s’avéraient nécessaires.

 L’évolution des marchés du vin en 2020 aura été intimement liée aux multiples mesures restrictives prises pour prévenir la propagation de la Covid-19 sur l’ensemble de la planète. Une situation atypique qui a généré beaucoup d’incertitude dans la commercialisation des vins de Bourgogne, dont 50 % des ventes se font à l’export. Les périodes de confinement liées à la Covid-19, amorcées par la Chine dès février et inédites dans l’histoire moderne, se sont enchaînées dans tous les pays du monde, ralentissant ou même stoppant de multiples échanges commerciaux. La pandémie liée à la Covid-19 a ainsi mis fin à une longue période de croissance des exportations de vins de Bourgogne. 

DES HAUTS ET DES BAS

Sur les neuf premiers mois de 2020, la baisse est limitée mais réelle : -3,9 % en volume et -9,3 % en chiffre d’affaires par rapport à la même période en 2019. L’année 2020 revient à des niveaux connus en 2018, après une année 2019 record. En effet, cette dernière s’est clôturée avec d’excellents résultats : +9 % en volume (89,8 millions d’équivalent 75 centilitres) et +10,4 % en chiffre d’affaires par rapport à 2018. La Bourgogne a même dépassé la barre symbolique du milliard d’euros de chiffre d’affaires (1,039 milliard d’euros). Et, comme le rappelle le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), 2020 avait tout pour s’inscrire dans la continuité, avec une croissance de 2,9 % en volume sur les deux premiers mois. Puis entre mars et mai, les exportations de vins de Bourgogne chutent de 11,8 % en volume et 21 % en valeur par rapport à la même période de 2019. Avec le premier déconfinement, les chiffres reprennent des couleurs : +7,5 % en volume et +6,8 % en chiffre d’affaires. Toutefois, l’embellie ne dure pas. Les chiffres d’août affichent une nouvelle baisse en volume de 12,8 % et en chiffre d’affaires de 13,1 % par rapport à août 2019. La tendance à la baisse s’amplifie sur septembre, mais pas sur tous les marchés. Le cas du Royaume-Uni est particulièrement intéressant. En perte de vitesse depuis la crise économique de 2008, certains le croyaient perdu avec le Brexit. Or, le pays de Boris Johnson a relancé ses importations de vins de Bourgogne. Selon les chiffres du BIVB, sur les neuf premiers mois de l’année, la part de ce pays croît de 11,6 % en volume et de 1,3 % en valeur par rapport à 2019. Il reprend même temporairement sa place de premier marché des vins de Bourgogne en mai et juin, devant les USA ! Et qui plus est, cette réussite est portée par toute la des vins de la Bourgogne : blancs, rouges et Crémant de Bourgogne. Bien que le Royaume-Uni soit toujours en cours de redéfinition de ses règles d’importation, suite au Brexit, les exportations ne sont pour l’heure pas impactées par de nouvelles taxes ou mesures administratives. Toutefois la prudence reste de mise : les mesures prises en octobre et le confinement décidé récemment par le gouvernement Johnson, pour tenter une nouvelle fois d’enrayer la propagation du virus, pourraient mettre un frein à cette belle progression. 

D’IMPORTANTS COUPS DE FREINS AUX ÉTATS-UNIS ET EN CHINE

Autre marché très en forme, le Canada conserve facilement sa troisième place en volume sur les mois premiers mois de l’année, avec une belle croissance de 8 % en volume et de 7,7 % en valeur. Les vins blancs sont à l’origine de ces très beaux résultats. Ils représentent 70 % des volumes exportés. Là encore, l’ombre de la Covid-19 tend à mettre un bémol sur ce tableau mirifique. Ainsi, le Québec, principal marché des vins de Bourgogne au Canada (70 % des vins de Bourgogne consommés dans le pays) a dû prendre de nouvelles mesures pour freiner la propagation du virus. Celles-ci pourraient avoir un impact plus important que lors de la première vague, car les bars et les restaurants sont fermés depuis début octobre et les habitants ne peuvent plus recevoir à domicile. La Suède et la Suisse sont également des destinations qui invitent le BIVB a se réjouir. Ces deux pays poursuivent leur croissance de 2019 à un bon rythme, avec respectivement +17,1 % et +2,5 % en volume sur les neuf premiers mois de 2020. Les chiffres d’affaires réalisés sont également à la hausse de 9,7 % pour la Suède et de 8,2 % pour la Suisse.

Plus mitigée, la Belgique reprend sa place dans le top 5 des pays export de la Bourgogne sur les neuf premiers mois de 2020, grâce à une petite hausse en valeur de 1,2 % et une baisse circonscrite en volume de 1,8 %. Autre pays en demi-teinte, le Japon. Les vins de Bourgogne, qui se sont bien maintenus sur ce marché pendant la première partie de l’année, affichent un retrait en volume à l’issue des neuf premiers mois de 4,5 %. Même constat pour le chiffre d’affaires : – 6,4 %. Le Japon, n’a pas eu recours au confinement total, pourtant, son économie reste fragile, car très dépendante de ses exportations. Or, ces dernières se confrontent au ralentissement des échanges mondiaux.

Du côté des pays où les résultats connaissent une très forte chute on trouve notamment les États-Unis qui freinent toujours les importations de vins français par une surtaxe douanière de 25 % sur les vins tranquilles de moins de 14° degrés, initiée suite au contentieux Airbus/Boeing. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) vient d’autoriser l’Europe à surtaxer, à son tour, certains produits américains entrant dans la zone euro, à hauteur de près de quatre milliards d’euros. L’Union européenne a activé les sanctions le 10 novembre, tout en marquant son souhait d’un règlement amiable de ces vieux contentieux.
En attendant, les vins tranquilles de Bourgogne sont quasiment tous soumis à cette taxe. Ce n’est pas le cas du Crémant de Bourgogne. À cela s’ajoute la crise économique dans laquelle est plongé le pays en raison de la Covid-19. Les USA, devenu l’épicentre de la pandémie, annonçait en mai 22 millions de personnes au chômage en un seul mois. Selon l’historienne spécialiste des États-Unis, Nicole Bacharane, cela représente « la destruction en quelques semaines de l’équivalent de tous les emplois créés depuis dix ans ». Cette situation met à rude épreuve les importateurs de vins, les restaurants, les liquor stores (magasins spécialisés type caviste) et d’autres entreprises qui commercialisent les vins de Bourgogne dans ce pays.

Le duo Chine, Hong Kong est aussi motif d’inquiétude. Depuis 2008, ces destinations prenaient de plus en plus de poids dans les exportations de vins de Bourgogne, passant de 2 % du chiffre d’affaires export en 2009, à 9 % en 2019. Depuis le début 2020, ces deux pays cumulent un début de ralentissement économique, des crises politiques et la pandémie de la Covid-19. Les conséquences sur les chiffres export de la Bourgogne sont flagrants : – 30,6 % en volume et – 16,8 % en valeur par rapport à 2019. 

UN MARCHÉ FRANÇAIS SOLIDE MALGRÉ LA CRISE

Cependant, l’avenir pourrait s’eclaircir, la Chine étant l’un des rares pays à prévoir un taux de croissance positif sur l’ensemble de l’année (+2 % selon le FMI, +4,9 % pour le Comité central du parti communiste chinois).

Sur le marché français, la commercialisation des vins de Bourgogne a bien évidement fluctué au fil des mois, en fonction des mesures prises pour lutter contre la pandémie. Si les mois de confinement (mars-avril) ont été très pénalisants (-7,5 % en volume), le vignoble a profité, comme l’ensemble des vins, d’un fort rebond post confinement (+14,5 % sur mai et juin, dans la grande distribution). Cette effet positif fut également visible chez les cavistes et au domaine, pendant l’été. À noter également la forte progression de la vente en drive, en augmentation de 77,3 %. Néanmoins, la fin d’année, avec le reconfinement et la re-fermeture brutale de toute la restauration, impactera fortement les résultats annuels. Côté restaurants, justement : en 2019, la Bourgogne restait la première origine en part d’offres, avec 19 % des références (Bordeaux : 16 % et Rhône : 13 %). Selon le BIVB, elle était présente dans plus de 70 % des restaurants, avec en moyenne neuf références du vignoble disponibles par établissement vendeur. « Les conditions si particulières de cette année feront baisser ces résultats. Ce phénomène préoccupe les professionnels bourguignons, la restauration représentant à peu près 25 % des ventes de vins de Bourgogne dans le monde », précise l’interprofession.