Les services agricoles se digitalisent

WiziFarm met en relation des agriculteurs, producteurs ou éleveurs afin de faciliter l’échange de services et de machines.

L’application rémoise d’entraide agricole WiziFarm développe et étoffe ses services. Avec la crise sanitaire, celle-ci est passée de 5 000 à 350 000 inscrits, boostée par sa mise en avant par le ministère de l’Agriculture, lors du manque de main d’œuvre en période de récolte. La Safer, quant à elle, lance une plateforme d’échange de parcelles.

Véritable écosystème de solutions numériques pour agriculteurs et viticulteurs, la start-up WiziFarm a été créée, il y a deux ans, par Jean-Baptiste Vervy, agriculteur céréalier dans le Sézannais. Partant de problématiques nourries de son expérience personnelle et d’échanges professionnels avec ses collègues, il a lancé une application d’entraide agricole aux multiples usages. « L’objectif principal de WiziFarm est d’apporter des solutions à des problèmes, concrets. Ce n’est pas une application gadget », précise le créateur de l’entreprise.

UNE SOLUTION AU MANQUE DE MAIN D’ŒUVRE

L’emploi tout d’abord, avec WiziFarm Mission. Sorte de Tinder de l’emploi, l’application met en relation des demandeurs d’emploi avec des agriculteurs à la recherche de main d’œuvre sur une tâche ou une période donnée. Celle-ci détermine alors « des matchs » en sélectionnant les profils les plus adéquats. WiziFarm Mission a rencontré un véritable succès durant la période de confinement, l’application ayant été relayé par le ministre de l’Agriculture d’alors, Didier Guillaume. « Nous avons fait tout un travail de communication auprès des organisations agricoles pour qu’elles expliquent nos services aux plus hautes instances de l’État », explique Jean-Baptiste Vervy.

Sous le hashtag #desbraspourtonassiette, la start-up a aidé les agriculteurs et producteurs qui ne trouvaient pas de salariés au moment des récoltes, alors que le pays tout entier était confiné. « Chaque année, ce sont un million de contrats saisonniers qui sont signés dans toute la France. Mais quand vous avez 50% des salariés qui restent bloqués car les frontières sont fermées, il faut s’organiser », souligne le créateur de WiziFarm. « Cette année, en Italie, 25% des récoltes ont été jetées au printemps, faute de main d’œuvre. Heureusement en France, nous avons pu nous en sortir. Mais il faut savoir qu’il y a 70 000 postes de CDI de main d’œuvre non pourvus par an. » Service jusqu’alors gratuit, Mission va s’enrichir d’une version payante, en proposant plus de services. Durant le confinement, l’application a compté jusqu’à 350 000 inscrits. « On est passé de 5 000 à 350 000 inscrits en deux mois. Là, nous avons un rythme de 1 000 inscriptions par semaine », détaille celui qui dirige une exploitation agricole de 130 hectares.

INCUBÉE PAR INNOVACT

Le deuxième usage de WiziFarm est celui de l’aide à l’administratif, notamment l’édition de fiches de paye grâce à « Zenipaie ». « Nous avons développé un outil permettant aux agriculteurs de faire les fiches de paye de leurs salariés eux-mêmes. Ce service est payant, entre 13 et 17la fiche, mais bien moins couteux que si l’on passe par un expert-comptable, sachant que la réglementation évolue constamment. »

WiziFarm, c’est enfin une application facilitant le partage de services et temps de travail, avec Petits comptes entre agris. « Dans notre métier, nous fonctionnons beaucoup de manière collaborative : vu le prix des machines, il y a beaucoup d’entraide entre les professionnels », insiste Jean-Baptiste Vervy. « Cela permet d’amener de la transparence et surtout de calculer en temps réel le prix d’un échange. On y gagne en optimisation de matériel et en maitrise des coûts. » La start-up est suivie par Innovact, l’incubateur d’entreprises rémois, qui l’accompagnera pendant deux ans. La structure a ainsi pris de l’ampleur ces derniers mois. De trois investisseurs historiques (FDSEA51, AS Entreprise, TER’Informatique) sept nouveaux ont décidé de s’impliquer et d’accompagner le développement de WiziFarm (CerFrance Nord Est Ile-de-France, FDSEA Aube, FDSEA des 2 Savoies, FDSEA Saône-et-Loire, FDSEA des 2 Sèvres, FNSEA Val-de- Loire).

Aujourd’hui société au capital d’1,5 million d’euros, dont 700 000 issus d’une levée de fonds des nouveaux investisseurs, WiziFarm est composée d’une équipe de 13 personnes dont 5 développeurs. Si la société garde certains services gratuits, elle en instaure d’autres payants, comme Petits comptes entre agris. « Aujourd’hui il faut se projeter, on estime un retour sur investissement d’ici trois ou quatre ans », juge Jean-Baptiste Vervy.

La Safer lance sa plateforme Labonneparcelle

La Safer Grand Est (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) lance le 8 octobre, la bonne parcelle*, plateforme d’échanges de terrains agricoles à destination des propriétaires et exploitants, « véritable outil de rationalisation et d’optimisation de l’aménagement parcellaire », précise Stéphane Martin, Directeur Général délégué de la Safer Grand Est.

GAIN DE TEMPS ET DIMINUTION DES COÛTS

Portée régionalement, la plateforme a vocation à devenir nationale à partir du 1er janvier 2021. Tout est parti d’un constat, relayé par le député de la 3e circonscription des Ardennes, Jean-Luc Warsmann, qui dans le cadre du Pacte Ardennes a voulu développer un outil mettant en relation les agriculteurs qui souhaitaient créer un échange de foncier.

« La plus-value de cet outil est qu’il ne se contente pas de mettre en relation deux agriculteurs mais plusieurs. Grâce à un algorithme, la plateforme va aussi identifier les propriétaires ou exploitants qui à la base ne se seraient pas inscrits mais qui pourraient être intéressés et rentrer dans la boucle d’échange. Les parcelles proposées à l’échange sont croisées avec la base de données de la Safer, démultipliant les possibilités. L’intérêt est également de diminuer les coûts d’exploitation et d’avoir un gain de temps dans les déplacements », indique Stéphane Martin.

La Région Grand Est soutient à hauteur de 80 000 euros la mise en place de la plateforme sur un total de 250 000 euros sur fonds propres de la Safer, enthousiasmée par l’enjeu d’améliorer la sécurité en réduisant les déplacements des engins agricoles et ainsi diminuer l’impact environnemental des exploitations.

L’avantage dans le fait que la Safer se propose de « piloter » les échanges, c’est la mise à disposition d’un technicien qui viendra évaluer la valeur de la parcelle. Une prestation payante sera aussi proposée. Optionnelle, elle permettra de bénéficier de services d’accompagnement plus poussés. La plateforme devait être officiellement lancée avec la Foire de Châlons, début septembre. La Safer compte donc aujourd’hui sur les organismes professionnels pour promouvoir son service auprès des agriculteurs.

*labonneparcelle.safer.fr

« L’aménagement foncier est le cœur de métier des Safer. Nous avions besoin d’un outil simple et gratuit à destination des propriétaires et des exploitants », explique Stéphane Martin, directeur général de la Safer Grand Est.