Les réformes qui peuvent dynamiser l’industrie

Agnès Verdier-Molinié, entourée par Hubert Mongon (DG de l’UIMM) et Christian Brethon (président de l’UIMM Champagne-Ardenne). (Photo : Philippe Demoor)

En invitant Agnès Verdier-Molinié à intervenir lors de son assemblée générale jeudi 13 juin à Charleville-Mézières, l’UIMM Champagne-Ardenne a débattu des réformes nécessaires.

Sans avoir rattrapé ses niveaux d’avant-crise, « l’industrie se porte mieux, elle s’adapte aux nouveaux modèles économiques », observe Christian Brethon, président de l’UIMM Champagne-Ardenne. Le représentant de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (qui préside également le Medef Marne) se montre toutefois moins enthousiaste sur la politique gouvernementale que son délégué général national. Ce dernier, Hubert Mongon, salue « un gouvernement à la manœuvre sur les enjeux liés à l’emploi ». Il apprécie notamment « la réduction du code du travail » et estime que les industriels ont désormais « tous les outils en mains ».

Christian Brethon réclame cependant une baisse du coût du travail et des impôts sur la production « qui nuisent à l’emploi ». Avec comme argument la comparaison avec les concurrents des autres pays, dont l’Allemagne, qui bénéficient de conditions plus favorables que les industriels français. « Notre outil n’est pas encore assez compétitif », affirme-t-il. Ce n’est pas Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation iFRAP (lire encadré) qui dira le contraire : « Nous avons 70 miliards d’euros de taxes sur la production en France, il faudrait les réduire d’au moins 15 Md€ ».

OBJECTIF 64 ANS

Au-delà du coût, la problématique du temps de travail est indissociable pour l’organisation patronale : « Nous devons pérenniser le système pour assurer une future retraite aux jeunes et verser des pensions suffisantes aux retraités ». Pour cela, l’équilibre nécessite un âge légal de départ à 64 ans, constate Christian Brethon. « Mettre en place une décote avant 64 ans n’a pas le même impact sur les finances publiques », confirme Agnès Verdier-Molinié. Mais pour travailler plus longtemps, Christian Brethon en appelle à la responsabilité des entreprises : « Nous devons faire des efforts pour que les salariés de plus de 60 ans restent en emploi, par exemple avec le cumul emploi-retraite, la retraite progressive… ». Ce rôle social de l’entreprise constitue un enjeu majeur pour l’UIMM, explique Hubert Mongon en présentant « le projet social de l’industrie ». Une démarche entamée en 2016 dans laquelle l’organisation négocie point par point avec les syndicats de salariés sur différents thèmes (classification, temps de travail, santé-conditions de travail, protection sociale, formation, rémunération…)

Une initiative inédite, alors même que, sur la méthode de l’exécutif, Christian Brethon note que « le rythme effréné des réformes laisse peu d’espace aux corps intermédiaires ». Et si la « révolution » qui attend la formation professionnelle et l’apprentissage devrait être vertueuse selon lui, elle porte tout de même de nombreuses inquiétudes (niveau du compte personnel de formation, risque de surabondance de formations, remise en cause d’un système pensé pour les entreprises…). Christian Brethon redoute en outre la taxation des contrats courts : « Il faut accompagner les salariés plutôt que punir les entreprises par un malus ».

« Aller plus loin »
Pour Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation iFRAP, les gouvernements successifs ne vont pas assez loin et manquent de courage dans leurs décisions. Morceaux choisis de ses critiques et propositions :
« Beaucoup de décisions sont prises à Bercy ».
« Calculer les indemnités chômages par rapport au salaire net permettrait 4 Md€ d’économies ».
« Limiter les aides sociales cumulées au niveau du SMIC permettrait d’économiser 3,5 Md€ ».
« Les agents publics travaillent en moyenne 200 heures de plus en Allemagne, soit l’équivalent de 400 000 postes ».
« Il faut expliquer aux gilets jaunes que le problème est de payer trop cher par rapport à la qualité de notre service public ».
« L’hôpital public vit une crise grave car la médecine libérale a été négligée ».
Dans son livre En marche vers l’immobilisme (Albin Michel) publié à l’automne 2018, elle fixe huit objectifs : une fiscalité à 40 % du PIB, des dépenses publiques à 50 %, un coût de l’administration à 25 % du PIB, une masse salariale à 11%, 6% de chômage, 10000 communes et intercommunalités, 115 000 élus au maximum, la retraite à 67 ans.

Les industriels du Grand Est misent sur une belle progression de leur activité en 2019
Pour 2019, les industriels du Grand Est anticipent une hausse de 4,2% de l’activité, dont 2,2% pour les exportations et cela pour l’ensemble des branches. Le dynamisme annoncé des principaux constructeurs automobiles porte à 11,3% la progression envisagée de la filière « matériel de transport ». Les prévisions à la hausse sont moindres pour les équipements et les machines (+2,6%) et pour les autres produits industriels (+3%). Dans cette dernière catégorie, la métallurgie table sur une progression de 5,3% de son activité. C’est beaucoup plus que le bois, le papier et l’imprimerie (+0,6%) et le caoutchouc, le plastique et le verre (+0,7%).
Pour rappel, les entreprises industrielles ont affiché en 2018 une faible progression d’activité de 1,5%, principalement assurée par le marché intérieur. Les meilleurs résultats de l’année dernière viennent du secteur des équipements et des machines (+5,7%), avec un excellent score à l’exportation. A contrario, les matériels de transport avaient affiché un léger recul.

RENFORCEMENT DES MARGES , EFFECTIFS STABLES
L’année 2019 devrait permettre aux chefs d’entreprise de consolider leurs résultats et de renforcer leurs marges. 36,4% d’entre eux escomptent une amélioration, 49,7% misent sur une stabilisation et 13,9% craignent une baisse de leur profitabilité. Les plus optimistes occupent les secteurs de la métallurgie et des équipements électriques et électroniques. La progression de l’investissement industriel serait multipliée par huit en 2019 : +16,6 contre +1,9% constaté en 2018. Cette hausse concernerait tous les secteurs de l’industrie et notamment celui des matériels de transport (+101,5%). Si les autres produits industriels misent sur un accroissement de 7,4% de l’investissement, dont +9,2% pour l’agroalimentaire et +18,7% pour les équipements électriques, on constate des projets en hausse pour la chimie, la pharmacie ou la métallurgie et des annonces de baisse pour le caoutchouc, les matières plastiques et le travail du bois. Hors intérim, les effectifs de l’échantillon Banque de France resteraient stables en 2019, après une érosion de 0,8% en 2018. Dans un objectif toujours recherché de productivité, la diminution des effectifs serait sensible dans l’industrie automobile (-4,4%). Une tendance de fond s’affirme : les réductions d’emplois devraient s’opérer principalement sur les salariés intérimaires, aux alentours de 13% à fin 2019.

PROGRESSION DE LA CONSTRUCTION ET DES SERVICES
Portée par des programmes de locaux non résidentiels et des travaux d’entretien-rénovation, la construction (+2,1% en 2018) devrait progresser de 2,4% en 2019, avec une embauche progressant moins (0,8% contre 2,9%). Résultats et perspectives, c’est le beau fixe du côté des services. La progression attendue de l’activité (4,7%en 2019) est quasiment identique à celle réalisée en 2018. Celle pronostiquée pour les effectifs (3,6%) est comparable à l’année précédente (3,2%). Les investissements dans les services marchands avaient baissé de 14,1% en 2018, ils sont annoncés dans une moindre baisse (3,3%). Les activités spécialisées connaissent un retournement de tendance : -34% en 2018 et +8,8% en 2019. Les perspectives de rentabilité des services sont meilleures. Les chefs d’entreprise sont plus de 40% à miser sur un progrès (23,3% en 2018). Les pessimistes sont moins nombreux : 9,6% pour 2019 contre près de 31% en 2018.

Source : L’enquête de la Banque de France porte sur 1 792 entreprises du Grand Est, soit 233 622 salariés et un taux de couverture de près de 48%.

Gérard Delenclos