Les promoteurs immobiliers font le pied de grue

Promoteurs immobilier

Selon l’Observatoire de l’immobilier toulousain, 2019 restera une bonne année en termes de ventes de logements neufs. Mais les professionnels font part de leur inquiétude face à des permis de construire en baisse, dans la perspective des prochaines municipales.

Au cinquième étage d’un immeuble de la rue des Trente-six ponts, devant la vaste baie vitrée qui s’ouvre sur les toits du quartier Saint- Michel, Jean-Philippe Jarno affiche une satisfaction prudente. Le président de l’Observer, l’observatoire de l’immobilier toulousain – qui réunit depuis 2002 des professionnels du secteur comme l’Union sociale de l’habitat (USH), la Fédération des promoteurs de l’immobilier (FPI), l’Union nationale des aménageurs (Unam) ainsi que Toulouse Métro- pole, la CCI de Toulouse et le Sicoval – peut avoir le sourire : « malgré un début d’année un peu tiède à cause des mises en vente qui ont été fortement réduites, le marché s’est ressaisi au troisième trimestre. On reste sur une année extrêmement bonne pour la profession, et la demande [en logements neufs] reste forte chez les investisseurs » comme chez les acheteurs qui souhaitent occuper un logement.

Ainsi, si l’année a commencé avec une baisse des mises en vente de 41 % par rapport au premier trimestre 2018, au deuxième trimestre, la différence n’était plus que de -2 %, tandis qu’au troisième trimestre, les mises en ventes ont connu « un sursaut avec +9 %) ». Concrètement, « sur l’année, cela représente une baisse de 12 % », poursuit Jean-Philippe Jarno avec 5 011 logements proposés à la vente dans l’aire urbaine de Toulouse (dont 2 044 pour la seule commune toulousaine) ; « ce qui a une incidence assez fort sur le stock » de logements disponibles, puisque celui-ci a baissé de 900 logements par rapport à l’année passée dans l’aire urbaine pour atteindre 9,5 mois. C’est d’ailleurs un « gros regret » des promoteurs de l’Observer : « avec –12 % par rapport à la période entre le premier et le troisième trimestre 2018, c’est un sujet sur lequel nous devons absolument travailler. Car si les mises en vente continuent à patiner au quatrième trimestre et ne redémarrent pas en 2020, on aura une diminution des ventes, faute d’offre », prévient Jean-Philippe Jarno. D’autant plus que, selon lui, « les promoteurs immobiliers seront en difficulté s’il n’y a pas assez d’offre ». Et il n’y a pas qu’eux: « s’il y a moins de grues dans le paysage toulousain en mars ou juin prochain, cela entraînera une baisse du nombre d’emplois. Et c’est quelque chose auquel on doit faire attention, car en termes économiques, le secteur de la construction est l’un des premiers en France. Un logement construit, c’est deux emplois pendant 18 mois ».

PRESSION SUR LE FONCIER… ET SUR LES PROMOTEURS

En ligne de mire, une pénurie de permis ; laquelle a en plus, note Stéphane Aubé, le vice-président de l’Observer et président de la FPI, « un effet malsain sur le prix des terrains : aujourd’hui, comme nous sommes obligés de “signer” deux terrains pour avoir un permis – et deux permis pour ne pas avoir de recours – on se retrouve à faire de la surenchère entre promoteurs parce qu’on sait qu’il y a des opérations qui ne sortiront pas de terre. Donc cela crée une pénurie de foncier, qui entraîne une augmentation des prix en promesse de vente »… même si, explique le même, « les prix promis ne sont pas toujours ceux qui sont payés à la fin ». Mais pourquoi y a-t-il un tel gel des permis de construire ? Premiers responsables, selon les promoteurs, les élus, chez qui, pointe Stéphane Aubé, « on n’a jamais autant senti de crainte à l’arrivée des municipales. Il faut arrêter d’utiliser l’urbanisme comme un sujet électoral ! »

Seulement voilà: les électeurs commencent apparemment à en avoir assez des chantiers. « Il y a un frein à l’urbanisation » ce qui, pour le président de la FPI, menacerait même de devenir « un problème de société car du point de vue des électeurs, une grue dans leur rue n’est pas vu comme le signe d’emplois qui se créent », regrette Stéphane Aubé, qui rappelle au passage « les 15 000 nouveaux habitants qui viennent à Toulouse chaque année, et qu’il faut donc loger ». Et le professionnel de fustiger « le voisin qui, si on lui met une grue à côté de chez lui, oppose un recours » au permis de construire devant le tribunal administratif. « Dans l’esprit des gens, ceux-ci ne voient pas l’intérêt général, mais seulement leur intérêt particulier ».

Un même esprit qui, continue Stéphane Aubé, explique également que les riverains de Toulouse aient « du mal à accepter les constructions denses et surtout en hauteur, car il y a cette habitude de construire bas. Pourtant, nous, on préfère construire un immeuble de cinq étages avec des espaces verts au sol, plutôt que de s’étaler avec un immeuble avec un seul étage ! ». Et pour cause, « une opération avec beaucoup d’espaces verts, ça a plein d’avantages ! C’est plus agréable à vivre, donc plus facile à vendre… Mais aujourd’hui, nous sommes tellement contraints par la baisse des hauteurs qu’on est obligés de s’étaler ! ». Pour autant, Stéphane Aubé dit « comprendre les élus qui ont du mal à être volontaristes dans les constructions en hauteur, car ce n’est pas ce que veulent les citoyens. Mais s’il faut savoir expliquer [ce choix de construction], il faut aussi parfois savoir aller à l’encontre de ce que voudraient les gens, car ils ne pensent qu’à leur intérêt particulier ». Un vœu pieux à l’orée des municipales…

Sans surprise, une telle pression sur le foncier a eu un effet sur les prix de vente, dont l’augmentation a néanmoins pu être contenue grâce au dispositif d’accession à prix maîtrisés, qui permet par exemple d’acheter un T5 pour 249 K€, contre un T3 en prix libre. Ainsi, face à une chute des ventes à investisseurs (3 141 entre le premier et le troisième trimestre 2019, soit -12 % par rapport à la même période en 2018 dans l’aire urbaine de Toulouse), « on arrive à un volume record de ventes pour les ventes à occupants, qui ont été largement portées par les ventes à prix maîtrisé : 52 % sur l’aire urbaine, et 56 % dans la ville de Toulouse ». Une politique d’aide à l’accession « à mettre au crédit de la politique du logement de la Ville, puisque les ventes à occupants ont augmenté de 22 % par rapport à 2018 », souligne Jean-Philippe Jarno, alors qu’en France, elles ont stagné à 0 %. Lequel rappelle qu’il y a encore quatre ans, les ventes aidées ne représentaient que 31 % des ventes (soit un peu plus de 2000 logements), et encore 41 % l’an dernier. Enfin, concernant les prix, la hausse se poursuit à Toulouse avec un mètre carré qui atteint environ 4 000 €, et 4 260 € avec stationnement. Soit une envolée de 5 % par rapport à la période entre le premier et le troisième trimestre 2018, et de 9 % par rapport à la même période en 2017. Une hausse qui devrait continuer…


Toulouse, star de l’Occitanie

La Ville rose concentre la majorité des ventes dans le neuf de la région.

Avec 56 % des ventes totales entre le premier et le troisième trimestre, l’aire urbaine de Toulouse est incontestablement le premier marché de l’immobilier neuf en Occitanie. À plus forte raison au sein même de la ville, qui a concentré 49 % des mises en vente et 55 % des transactions. Ce qui explique, selon Jean-Philippe Jarno que, « comme il y a une accélération des ventes à Toulouse, nous ayons une diminution sensible des stocks : 7,7 mois dans la ville contre 9,5 mois dans l’aire urbaine », ce qui, reconnaît le promoteur, laisse peu de choix à l’acheteur. Par rapport à l’année passée, Toulouse a ainsi connu une augmentation des ventes de 5 %, « un record » selon le président de l’Observer ; lequel estime que « 2019 sera plus grande que 2018, qui elle-même était plus importante que 2017 », alors même qu’à l’époque, les professionnels s’attendaient à atteindre un plafond. D’où, pour Jean-Philippe Jarno, le besoin « de mettre davantage de logements en vente, sans quoi les prix vont encore plus flamber ».

Pour autant, la typologie des acheteurs semble avoir légèrement changé : « grâce au prix maîtrisé, les ventes à occupants ont augmenté », le ratio restant à l’avantage de deux tiers d’investisseurs contre un tiers d’accédants. « Mais les investisseurs ont diminué de 4 % par rapport à l’an passé. Pour preuve, par rapport à certaines années comme 2015 ou 2016 où ceux-ci représentaient 84 % des ventes, ils ne constituent plus que 66 % cette année, soit environ 1 500 transactions sur un peu plus de 2 500. »